Il s'en passe des choses au Manoir des
Vengeurs. Des choses sinistres, présages d'un futur très sombre. Ce n'est plus
le sanctuaire d'autrefois, les murs n'ont jamais été aussi froid, même lors des
réunions entre tous les membres, qui devraient être l'occasion de se réjouir.
Du coup, rien de plus surprenant que la mort s'invite. Un assassin mystérieux
frappe, allant même jusqu'à trucider Marilla, la domestique au service de
Crystal, chargé de veiller sur la petite Luna. Dans les sous-sols du Manoir,
une étrange porte a fait son apparition. Impossible d'ouvrir ce passage vers
l'inconnu, impossible pour nos héros de se souvenir de ce qu'il pourrait y
avoir de l'autre coté. Le plus torturé d'entre eux, c'est bien Tony Stark, qui
est en proie à une terrible mélancolie. Tony est en fait le jouet inconscient
de Kang le Conquérant, depuis sa jeunesse, et sans qu'il ne puisse rien y
faire. Incroyable révélation, qui explique pourquoi le Vengeur en Armure
devient la bête noire des siens, et le grand traître masqué qui sévit sans
pitié. Les signes avant-coureurs avaient pourtant été nombreux. L'assassinat de
Rita DeMara, de retour du futur, et qui en savait trop, l'apparition de Tuc, un
jeune blondinet liseur de tarots, ou encore celle de Moonraker, étrange membre
de Force Works (la nouvelle mouture des Vengeurs de la Côte Ouest), vite
accepté par l'équipe alors que personne ne sait d'où il sort et qui il est.
Sans oublier Gilgamesh, retenu à tort immortel, traqué par des voyageurs
temporels et vieilli à l'invraisemblable. Armé vous de votre dictionnaire des
personnages liés aux Avengers, si vous ne les connaissez pas tous, et embarquez
dans cette fantasmagorique aventure qui part un peu dans tous les sens, et
bouleverse le quotidien des plus grands héros de la Terre.
Avec le succès que connaissent aujourd'hui les
Vengeurs, de telles sagas peuvent enfin bénéficier d'une édition en librairie
des plus luxueuses (un Omnibus) sans déclencher une vague de persiflage en
règle. Décrié par beaucoup, encensés par d'autres plus minoritaires, The
Crossing est incontestablement une histoire choc, qui ébranle les Vengeurs et
plus particulièrement Tony Stark, pathétique et piégé par lui même. Ce grand
crossover s'étale dans toutes les séries de la famille, y compris sur les pages
de Force Works, déjà mentionnée, ou celles de War Machine (Jim Rhodes), la
version militarisée d'Iron Man, pour l'occasion revêtu d'une armure/costume
alien. Parmi les artistes marquants d'alors, le duo Bob Harras / Mike Deodato,
principalement, qui a offert de bien belles heures aux lecteurs de Strange,
dans ses derniers mois. Citons aussi Abnett et Lanning, qui ont beaucoup
apporté à The Crossing en terme d'idées, ou Jim Cheung, tout jeunot mais déjà
pas mal doué. La conclusion est tout aussi étonnante, audacieuse, et finalement
bien trouvée. Puisque Stark est sous l'influence de Kang depuis sa jeunesse,
les Avengers vont prélever dans le passé un Tony adolescent, d'avant la
contamination, pour remplacer leur compagnon passé du coté obscur de la force.
Le hic, c'est la façon dont Marvel va gérer ce statu-quo par la suite, et va
revenir à la version adulte sans prendre le temps et la précaution d'expliquer
clairement et dignement aux lecteurs le pourquoi du comment. Ce sera une autre
histoire, que je vous raconterai un jour. En attendant, reste cet Omnibus. Un
gros pavé truffé d'action, de pages paroxystiques, témoignages évidents d'un
style et d'une mentalité, celle des nineties, qui atteint ici son point d'orgue
dans un feu d'artifice parfois brouillon et prétentieux, mais qui ne laisse
guère indifférent. Le temps ayant tendance à gommer les défauts, j'admets pour
ma part avoir pris du plaisir, et pas qu'un peu, à relire l'intégrale de cette
saga, il y a peu. Je pense aux lecteurs les plus jeunes, qui cherche une
lecture "mainstream" et survitaminée, et qui ne connaissent pas encore
The Crossing. Et je me dis qu'ils ont toutes les raison de succomber à l'appel
de cet Omnibus automnal, qui ravive ma nostalgie pour les Avengers d'il y a
presque vingt ans.
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