SUPERIOR (DE MILLAR & YU) REVIENT DANS UN ALBUM INTEGRALE

Il parait que c'est Stan Lee qui a mis la puce à l'oreille de Mark Millar. A propos de son travail sur les plus grands héros Marvel, Stan The Man aurait eu cette remarque envers son cadet : Pourquoi ne pas les inventer de toutes pièces, ces héros; ne pas créer les tiens, qui te soient propres? C'est ce que Mark a fait, avec une réussite variable, sous l'étiquette Millar's world. Cette fois, il s'agit de Superior, qui a droit à une édition Deluxe après avoir été saucissonné en son temps en deux fines tranches chez Panini, comme ce fut le cas pour Kick-Ass, si on reste dans les oeuvres de Millar. Si je me suis dirigé à l'origine vers cette histoire un peu à reculons, je fais tout de suite mon mea culpa : il s'agit d'un vrai récit enthousiasmant, truffé de petites scènes touchantes ou drôles, pleinement réussi. On a l'impression de relire une de ces aventures fondatrices de l'âge d'or ou d'argent, quand naissaient régulièrement des personnages tous plus étonnants les uns que les autres, dans des conditions étranges et vraiment naïves, mais que le sense of wonder du lecteur avait tôt fait d'avaler comme une couleuvre savoureuse. Du coup, place à Simon Pooni, un jeune collégien avec toute la vie devant lui (il brille même au basket, à son école) jusqu'au jour où la tragédie frappe à sa porte, sous la forme d'une sclérose en plaques foudroyante. Désormais condamné au fauteuil roulant et privé de presque tous ses amis (il ne subsiste plus que Chris pour lui tenir compagnie), il se console au cinéma, devant de bons gros movies pour geeks comme Superior 5, le dernier en date d'une franchise qui accumule les dollars, et met en scène son super héros favori, une sortie de copie carbone de Superman emballé dans un costume moulant écarlate. Un quotidien tristement banal, jusqu'à ce qu'un soir, tout bascule...

Simon reçoit la visite d'un curieux petit singe de l'espace qui parle, venu exaucer son voeu le plus cher. Du coup, le garçon se transforme en son modèle super-héroïque, pouvoirs compris. C'est ainsi qu'il peut voler, est doté de rayons calorifiques, d'une super vision, d'une force herculéenne, d'un souffle réfrigérant. La découverte de ces dons, l'entraînement pour savoir les maîtriser, tout cela est narré avec un naturel et un charme fou qui font des premiers chapitres de Superior un pur moment de plaisir. La naïveté de Simon, épaulé par son pote Chris, est une réussite quasi parfaite à mettre au crédit d'un Millar inspiré, qui insuffle beaucoup d'émotions dans son nouveau héros, en évitant les travers du pathos exagéré (le pauvre handicapé qui transcende sa condition, ce n'est pas pour cette fois). Toutefois, un tel cadeau pourrait bien avoir un prix. Déjà, on se rend vite compte que le gentil singe ne l'est pas tant que ça, et qui sait ce qu'il se produira lorsqu'il reviendra, au bout d'une semaine d'absence, pour révéler à Simon ce qu'il n'a pas pu ou voulu lui dire sur le moment... Le lecteur lui jubile, car tout semble s'agencer avec grâce. De la disparition du petit et la réaction des parents, à l'utilisation des pouvoirs de Superior, de la journaliste aux dents longues qui chasse le scoop (une Loïs Lane sans scrupules) au potentiel grand ennemi tapi dans l'ombre (et qui va en sortir avec fracas!), je n'ai quasiment vu que du positif dans ce réjouissant  Superior, que je recommande très chaudement. D'autant plus que Yu est au meilleur de sa forme pour ce qui est du dessin. A coté des planches qu'il livre ici, Secret Invasion ou les New Avengers semblent vraiment fadasses. C'est racé, presque sculpté dans la page, esthétiquement remarquable. Les scènes d'action explosent et sautent au visage, et les moments intimistes sont convaincants, voire poignants. Vous pouvez offrir ce volume à n'importe lequel de vos amis qui ne connaît pas grand chose à l'univers Marvel ou Dc, ce Superior se suffit amplement à lui même, et constitue une des deux trois oeuvres les plus abouties de Mark Millar. 


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