Grande singularité chez les héros costumés, Matt Murdock est aveugle. Il n'était encore qu'un gamin lorsqu'il n'écouta que son courage pour sauver un passant distrait des roues d'un camion qui s'apprêtait à le renverser. Grièvement atteint par la cargaison du véhicule (un chargement de futs radioactifs en plein New-York...) il perd la vue mais acquiert un don incroyable : tous ses autres sens sont décuplés et il va peu à peu développer un "sixième sens radar" des plus utiles pour appréhender la réalité bien mieux qu'il ne pourrait la voir autrement.
Après l'assassinat de son père, un boxeur courageux qui refusa de se coucher devant les pressions et les exigences de mafieux désireux de combiner et truquer matchs et paris, Matt Murdock décide de devenir avocat et de placer son existence sous le signe de la justice. Au passage il parvient à régler le compte des malfrats, comme cela est est fort bien relaté par Frank Miller et Romita Jr, dans l'excellente mini série Man without Fear / L'Homme sans peur. Stick, un vieux sage maître mystique, le prend sous sa coupe et le forme pour devenir un guerrier efficace et concentré, et canaliser ses pouvoirs naissants, pour en exploiter tout le potentiel. Une autre petite perle s'attache aux premiers pas de Matt en tant que héros urbain : l'excellent Yellow (Jaune) de Jeph Loeb et Tim Sale, baptisé ainsi en raison de la couleur utilisée pour le tout premier costume de Daredevil (pas encore rouge écarlate).
A lire : Yellow, de Loeb et Sale
Le sommet de la carrière de Daredevil, pour de nombreux fans quadragénaires comme votre serviteur, c'est sous l'ère Frank Miller, dans les années 80. L'artiste révolutionne les codes de la narration du comic-book en milieu urbain, et propose une longue saga passionnante, qui culmine avec plusieurs faits d'armes. Tout d'abord la mort d'Elektra , le premier grand amour de Matt, des mains du cinglé de service, Bullseye, également nommé Le Tireur en français. Celui-ci ne rate jamais sa cible, et face à la belle ninja, il maintient tristement sa réputation (depuis Elektra va mieux... sa résurrection est une des constantes de l'univers Marvel, où les personnages appréciés des fans ne restent guère longtemps décédés). Autre tragédie : la descente aux enfers de Matt Murdock, traqué et méthodiquement détruit (dans ses affects, son travail, ses économies...) par le Caïd Wilson Fisk, son grand ennemi légendaire. A cette occasion notre héros retrouve son ancienne secrétaire, Karen Page, dont il est éperdument amoureux (et ceci depuis les premières pages de la série). Hélas, la jolie blonde a sombré dans la drogue et tourne dans de sordides vidéos pornographiques, et elle a bien besoin d'aide pour s'en sortir! Comme tout junkie, elle est prête à tout pour une autre dose et elle a fini par vendre la double identité de Murdock à la pègre (au Caïd donc...) Tout ceci figure au menu de Born Again, une des plus belles sagas de Daredevil. Ce cyle incontournable a fait l'objet d'une nouvelle édition toute récente, dans la collection Marvel Icons.
A lire : Born Again, la descente aux enfers
La carrière du justicier aveugle est jalonnée de triomphes, de dépressions, de relations sentimentales qui finissent mal, ou en tragédie. De nombreux artistes vont donner à Daredevil l'occasion de s'illustrer dans des aventures qui oscillent entre l'anecdotique ou le franchement passionnant. Je citerais au passage Ann Nocenti, qui insère dans une trame super-héroïque des éléments sociaux, écologiques, et une réflexion plus poussée et approfondie de ce que peut être la société. Toutefois il faudra attendre le début du XXI° siècle pour que Daredevil connaisse un nouvel âge d'or et redevienne un héros incontournable pour les amateurs de bon comic-book. Tout d'abord avec l'arrivée de Kevin Smith et Joe Quesada, qui mettent en scène DD face à un nouveau né que certains considèrent comme la réincarnation du méssie, et d'autres une créature diabolique. Puis c'est Brian Bendis qui reprend en main la destinée de Daredevil, et le porte aux sommets. Il en a fait une oeuvre majestueuse, actualisation moderne et remarquablement pertinente du travail précédent de Miller. Là encore l'identité de Daredevil est révélée, et Matt doit vivre avec cette épée de Damoclès sur la tête, et se défendre contre ses ennemis (le Caïd est encore là dans l'ombre) et la presse qui souhaite le lyncher. Chez Panini, tout ce cycle est édité dans la belle collection Marvel Deluxe en quatre tomes. Après Bendis, Brubaker prolonge le plaisir avec des épisodes qui s'inscrivent dans une veine assez similaire. C'est un polar moderne, froid, désespéré, une longue descente aux enfers et une lutte quotidienne contre la tentation et le risque de tout perdre, de faire tomber le masque et de disparaître. Illustré par des artistes au trait réaliste et expressif comme Alex Maleev, le titre Daredevil est alors artistiquement à son apogée.
A lire : Le Daredevil de Bendis et Maleev
Tout ceci finit malheureusement en eau de boudin. On apprend que Daredevil est possédé, ce qui explique qu'il décide d'accepter la direction de la secte ninja de la Main, et qu'il se réfugie au sommet d'une tour pour contrôler un quartier tout entier de New-York, où sa parole devient loi. C'est la saga Shadowland, tentative louable de proposer une version originale et inédite du héros, mais qui s'égare rapidement et rate totalement sa cible. Par bonheur arrivent vite les épisodes les plus récents, ceux de Mark Waid. Ils sont publiés dans la revue Marvel Knights, puis depuis le mois dernier dans la collection 100% Marvel de Panini, et permettent de lire un Daredevil plus souriant, plus solaire, avec le retour des couleurs, d'une certaine positivité latente (merci aux artistes comme Paolo Rivera ou Chris Samnee, par exemple) sans pour autant que la série devienne plate ou infantile. Au contraire. C'est une synthèse intéressante des climats d'autrefois, des premières années du Diable Rouge, mais scénarisés et développés de la plus moderne des façons. C'est dans ce contexte que Netflix annonce alors la sortie imminente d'une série télévisée basée sur le personnage, qui fait frémir d'impatience les fans de Daredevil et les amoureux de l'univers Marvel. Les premières révélations, les bande-annonces révélées jusqu'ici, ont de quoi alimenter cette attente, et faire espérer le meilleur de ces épisodes que je vous recommande de ne pas manquer. L'idéal étant, si ce n'est pas déjà fait, de les coupler avec de saines lectures super-héroïques. Les liens placés dans cet article étant de simples suggestions pour vous faire une idée, et mieux cerner l'univers de Daredevil.
A lire : Shadowland, guide de lecture Vf
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