La collection Dc chez Eaglemoss s'enrichit d'un récit indispensable, à partir de cette semaine. Un long Halloween est publié en deux parties, la première vous tend les bras.
Christopher Nolan et David S.Goyer avaient admis, peu de temps avant la sortie de leur film The Dark Knight, avoir été principalement influencé par trois productions liées à l’univers de Batman, pour réaliser ce long métrage couvert de louanges. L’une d’entre elles est bien entendu ce Long Halloween qui est considéré à juste titre comme une des œuvres majeures consacrées au justicier de Gotham. Une chape de plomb emprisonne la ville, alors qu’un mariage entre mafieux est célébré au mois de juin, censé renforcer le pouvoir et l’influence de la famille des Falcone, jusque là guidée d’une main de fer par Carmine, dit « Il romano ». L’événement devrait ramener la concorde entre ce dernier et sa sœur, à Chicago, mais il est aussi le point de départ d’une vaste lutte que va tenter de mener le gouverneur local Harvey Dent, pour faire choir cette joyeuse bande de criminels intouchables. Dent est l’ami du commissaire Gordon, lui-même allié à Batman, et tous les trois scellent un pacte d’honneur pour assainir la ville, tout en respectant les principes basilaires de la justice. Mais voici qu’entre en scène un joueur imprévu, qui va bouleverser la donne et semer l’angoisse et la folie à Gotham, un an durant. Un assassin, que la presse a vite fait de nomme Holiday, refroidit nos mafieux l’un après l’autre, choisissant pour chacun de ses forfaits un jour de fête du calendrier. De Halloween à la Saint Valentin, en passant par la fête des pères (et des mères) son œuvre macabre pose une angoissante question : qui se cache derrière cette vague homicide ? Ne serait-ce pas Harvey Dent lui-même comme finit par le penser Batman, qui refuse toutefois de croire en la culpabilité de son ami ?
Le plus jouissif dans cette histoire, c’est qu’à chaque partie ( il y en a 13 en tout, la première et la dernière d’une longueur double) un nouveau vilain typique de la galerie des ennemis de Batman entre en scène. Le Joker, qui va jusqu’à menacer et humilier Dent chez lui, l’Epouvantail, qui s’enfuit d’Arkham -le célèbre asile de fous- , Poison Ivy qui tient un temps Bruce Wayne / Batman sous sa coupe, grâce à ses phéromones végétaux, ou encore le Chapelier Fou et … Catwoman, dont on ne sait jamais si la compter au rang des alliés ou des nuisances potentielles. Tout un cast que Tim Sale prend un malin plaisir à réinterpréter : Dc lui a laissé carte blanche quand à la représentation graphique des personnages, et il offre là quelques planches de rare qualité ; ma préférée étant cette Poison Ivy dont le cortège de feuilles semble créer un voile nuptial aux multiples facettes, et qui ensorcelle froidement sa victime. Mais ce long Halloween, c’est aussi le tragique destin d’Harvey Dent. Obsédé par une quête de justice qui prend une tournure inquiétante, puisqu’entravée par la corruption galopante qui règne à Gotham, le procureur est défiguré durant un procès, après avoir reçu en pleine face un acide ultra corrosif, qui va lui détruire la partie gauche du visage. Tim Sale fait courir sa fantaisie en exagérant l’état de décomposition du visage ruiné, comme si celui-ci concernait aussi l’âme d’Harvey, comme si la contamination du mal ne s’était pas limité au corps, mais à l’essence même de l’être, pour expliquer la naissance de «Doubleface», ce qu’est donc devenu Dent après l’accident. Le dessinateur a eu carte blanche pour caricaturer à loisir, et cela se voit par exemple avec la dentition de ses personnages. Le Joker a la bouche pleine de touches de piano tordues, celles du Pingouin sont de minuscules crocs acérés prêts à dévorer une proie plus petite… Sans avoir recours à une large palette de couleurs, toujours occupé à entretenir une noirceur de ton et un jeu d’ombres crépusculaires, Sale produit une œuvre aliénante et étouffante où les rares touches de couleur sont censés illuminer brièvement le parcours qui mène à la vérité, sous formes d’indices déposés à chacun des crimes commis au long de l’année. L’histoire de Loeb démarre somme toute lentement, et prend de l’ampleur au fil des pages, il faut lui laisser le temps de s’étoffer, que les fils se nouent et que l’intrigue se tisse, pour totalement apprécier la complexité de la trame d’une enquête, où chaque nouveau comparse hérite d’une caractérisation évidente, et gagne en crédibilité. Si Year One est le récit fondamental pour expliquer le choix de Bruce Wayne, de devenir le Batman, The Long Halloween est une introduction parfaite à toute la galerie de vilains qui empoissonnent l’existence de Gotham, et à la paranoïa qui rend cette ville si particulière et expressionniste. Une victoire à la distance, par KO, sur toutes les autres tentatives précédentes d’écrire la genèse de cette société dérangée.
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