HEART IN A BOX : KELLY THOMPSON A COEUR OUVERT

On a tous plus ou moins connu les effets d'une rupture sentimentale violente, et ce n'est pas agréable, vous le savez. C'est ce qui vient d'arriver à Emma, qui a découvert que son petit ami n'est pas un parangon de fidélité. Du coup, que faire à part souffrir et rester prostré chez soi, et envisager des gestes absurdes comme une horrible coupe de cheveux improvisée en guise d'auto punition inutile? La jeune fille a la chance d'avoir un ami qui fait de son mieux pour l'empêcher de sombrer dans la dépression profonde, mais ça ne fonctionne pas tout à fait, et les jours passent, la douleur reste... Au point qu'elle finit par émettre un souhait curieux mais compréhensible : ne pas avoir de coeur. Pour ne plus rien ressentir, et ne plus avoir mal. Apparaît alors un étrange personnage, qui lui propose d'accéder à son souhait. Hop, par magie, Emma n'a plus de coeur, au sens propre du terme. Mais rien ne va se passer comme prévu, et être privée de cet organe vital ne va pas embellir pour autant son quotidien. Du coup il ne reste qu'une seule alternative pour Emma, s'embarquer pour un voyage fantasmagorique à travers les Etats-Unis, un trip on the road pour s'en aller récupérer les sept fragments qui composent ce coeur dont elle a voulu imprudemment se libérer. Le premier morceau lui est offert, et il est suivi du retour partiel de la tristese et de la souffrance. le reste, il faut aller le gagner, quitte à semer morts et chaos sur son passage. Le périple débute à Oackland, dans une sorte de boîte sado-maso, et se termine par un drame, et une épreuve terrible, l'absorption de toute une série de coeurs étrangers, contenant chacun des souvenirs, des joies, des peines, l'âme et les sensations d'individus, tout ce qui fait et constitue une vie.
Kelly Thompson parvient à trouver un très bon pitch de départ, pour imaginer ce récit qui se veut féministe, mais parle en fait à et de tout le monde. Un thème universel, en prise directe avec les expériences de chacun d'entre nous. On a beaucoup apprécié les dialogues, le naturel avec lequel les émotions sont amenées, clarifiées. Malheureusement les choix opérés à partir de la fin de la seconde partie ne sont pas toujours heureux, et la recherche des fragments du coeur d'Emma emprunte des sentiers qui hésitent entre la grâce et le symbolisme lourd et déjà vu. Disons qu'il y a un fort potentiel dans ce Heart in a box, mais que sa concrétisation est par endroits maladroite. Meredith McLaren illustre cet album, dans un style fort éloigné du comic-book traditionnel. Nous sommes là à la frontière de la Bd européenne expérimentale, avec des corps et des expressions qui avouent aussi l'héritage du manga. La mise en couleur, le découpage, la façon de travailler lignes et espaces, se ressentent fortement du numérique. Les planches ne sont pas organiques, mais elles s'envolent, éthérées, portées par des couleurs qui vont du pastel clair aux tons les plus vifs, selon l'humeur et les sentiments en jeu. Ce n'est résolument pas ma tasse de thé, ce qui ne m'empêche pas de trouver des qualités évidentes dans la construction et l'approche du récit, même si des fonds de cases aussi simplistes peuvent irriter quelques puristes. Paru chez Dark Horse, ce coeur en boîte débarque donc en cette fin d'hiver chez Glénat. Une proposition intrigante, qui sort des canons attendus de ce que nous lisons habituellement, et qui assez de qualités pour séduire un bon nombre de lecteurs. Mais un talent qui reste encore à affiner, chez les deux artistes citées, et qui attend confirmation et maturité dans les années à venir. 

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