Les one shot, dans le cadre de Generations, sont globalement inutiles, plats, poussifs. Et puis arrive ce Captain America de fin de parcours, et vous entamez la chronique en vous rendant compte que vous pourriez en parler pendant des pages. Que c'est dense, qu'il y a du potentiel et de la matière à développer dans cette grosse vingtaine de pages. Tout d'abord, la raison du choix des héros concernés par Generations, et l'explication de leurs "face à face" improbables devient claire, et finalement d'une logique imparable. Cela donne l'occasion d'une scène finale sympathique, du genre, le club de ceux qui ont été élus et changés. Et surtout, Sam Wilson n'est plus le même Sam au terme du récit. Lui aussi voyage tout à coup dans le temps, et se retrouve propulsé en pleine seconde guerre mondiale, à une époque trouble où les forces américaines font dans le recrutement intensif, afin de monter au front. C'est cette époque là qui voit naître le héros, la légende, Steve Rogers et le costume au drapeau étoilé, le symbole pour les forces US qui galvanise les troupes. Sauf que dorénavant, dans ce passé réécrit, il n'est pas seul, puisque dans les cieux virevolte aussi un homme courageux avec une paire d'ailes mécaniques. Sacré Faucon, on ne le changera pas, quelle que soit l'ère temporelle dans laquelle on le plonge.
Nick Spencer avait des choses à dire, beaucoup, voire trop. Il ne nous épargne pas non plus les moments intimes et le verbiage, qui ici est un peu plus justifié et pertinent. On apprécie de voir les doutes de Rogers, encore aux prémices de sa mission. Par contre, quelle frustration. Car cette fois le héros déplacé temporairement et temporellement ne reste pas le temps d'un combat, d'un verre au bar du coin, mais il s'installe, vit une véritable existence, année après année, évolue et devient père, change de statut et de rôle. Fermons les yeux sur le fait que Steve Rogers ne semble pas comprendre de suite que le jeune Faucon et son vieil ami et confident de la guerre sont la même personne à deux âges différents, et imaginons un instant ce qui aurait pu et du être une vraie mini série, avec cette vie alternative de Sam Wilson, qui aurait pu traverser des pans d'histoire américaine et occidentale, et nous donner le point de vue de l'Avenger d'aujourd'hui, dans l'obligation de ne pas interférer avec le passé, pour ne pas le changer... Nick, si c'est encore possible, on la veut cette histoire.
Et on la veut aussi dessinée par Paul Renaud, le temps que nous y sommes. On a de la chance, Marvel confie ce numéro de Generations, un des rares qui vaut le coup, à un artiste d'ici, et ce dernier sort une prestation remarquable, associant la tradition et l'amour des comics d'antan (lisibilité et clarté des planches, pas d'entourloupes falacieuses) avec la modernité nécessaire à ce genre de job, brillament secondé par Laura Martin aux couleurs.
Le pire dans tout ceci, c'est que j'ai lu certaines critiques très acerbes sur les médias américains. Alors qu'il s'agit, je vous assure, de quelque chose qui porte en germe une idée brillante, solidement mis en images. Après inutile de reprocher aux artistes impliqués la validité du projet Generations en lui même, qui a été étalé comme un kilo de beurre sur une simple tartine. Un gros one-shot de 70/80 pages avec un pool d'artistes à la barre aurait largement suffit. Un beau graphic novel hommage, juste avant de lancer Marvel Legacy. Mais ayant autant le pouvoir d'influencer les choix de la maison des idées, que celui de faire revenir le président Macron sur sa loi de finance, UniversComics ne pourra rien faire pour Marvel Comics... Juste vous dire que ce Sam&Steve, personne ne vous reprochera de l'acheter.
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