BATMAN CREATURE OF THE NIGHT #1 : LE NOUVEAU PROJET DE KURT BUSIEK

Cette semaine est sorti le premier numéro du nouveau projet de Kurt Busiek, Batman: Creature of the Night, qui se voudrait être, selon les informations publiées ça et là, une sorte de suite dans l'esprit du Superman Secret Identity de 2004. S'il vaut mieux ne pas tenter de véritable comparaison entre ces deux travaux (qui sont en effet évidentes), nous découvrons cette fois le petit Bruce Wainwright, âgé de huit ans, lecteur compulsif de comics et de Batman en particulier, qui vit en immersion dans ses fantaisies, avec des renvois évidents entre la légende du justicier de Gotham, et l'existence plus classique du gamin. D'ailleurs, un triste soir, lorsque la famille rentre chez elle, elle découvre que la porte du logis a été forcée, et que des cambrioleurs sont toujours à l'oeuvre sur les lieux. Supris, ceux-ci font feu, et le père et la mère sont abattus, alors que Bruce s'en sort miraculeusement. Dès lors son existence change profondément, entre l'orphelinat et le psychologue, avec la volonté de comprendre ce qui s'est produit, et surtout la question existentielle qui le taraude : que se serait-il passé si Batman était un personnage réel, s'il aurait pu intervenir, ou punir les coupables tout du moins? En colère, perdu, le petit Bruce tente de trouver du sens là où il n'y en a pas forcément, et lorsqu'une sorte de créature sortie de l'ombre, une chauve souris gigantesque, commence à planer sur la ville et ses criminels, il n'est pas forcément en mesure de tout de suite appréhender ce que cela signifie.
Le récit suit deux voix narratives distinctes, le journal intime de Bruce, qui consigne ses sentiments frustrés après la tragédie, et l'opinion du grand oncle Alton, qui n'est pas en mesure, contrairement au majordome Alfred des comics, d'élever le jeune homme à la place de ses géniteurs.
On passe au dessin, et c'est excellent. John Paul Leon rend une copie presque parfaite, avec un Boston des sixties anguleux et sombre à souhait, des faux airs de Gotham Central (Michael Lark), et cette ombre planant sur la ville, la dominant et la replaçant en perspective, alors que la fantaisie semble mordre et posséder le réel.
Kurt Busiek a un grand mérite, celui de démonter tout le mécanisme de l'histoire de Batman, de saupoudrer l'histoire d'instants fugitifs qui nous renvoient au Batman de Miller et Mazzuchelli, tout en prouvant aux lecteurs qui ne l'auraient pas encore compris, ou simplement admis, combien la genèse du héros de Gotham est particulière, terrifiante, glaçante. Difficile d'avoir envie de s'identifier, ou de rêver secrètement être ce jeune Bruce qui perd sa famille et doit canaliser sa colère et ses angoisses, perdus dans des comic-books où la mort et la lutte entre le bien et le mal sont trop symboliques pour expliquer correctement ce qui se produit dans nos existences à nous, pauvres terriens. Et pourtant, peuvent-ils être aussi un exutoire, une sublimation de notre douleur?
Des débuts forts réussis, qui font de ce Creature of the Night un des petits indispensables de cette fin d'année. 


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