BATMAN THE DARK PRINCE CHARMING TOME 1 : ENRICO MARINI S'OFFRE GOTHAM

S'il y a un album en ce mois de novembre, qui fait le buzz comme jamais, voici venir le Dark Prince Charming d'Enrico Marini. L'auteur est un artiste complet et accompli qui a derrière lui un curriculum rutilant, mais n'est pas pour autant un nom qu'on s'attendait à voir figurer sur ce genre de projet. Les frontières entre l'Europe et l'Amérique étant des plus poreuses, en termes non seulement d'échanges artistiques, mais aussi, toujours plus souvent, pour ce qui est de la manière de produire et consommer le comic-book, cette parution rêvet donc un sens évident, et intrigue au plus point. L'histoire propose un Joker complètement dingue, bien écrit et cerné, dont l'humour macabre n'accepte aucune concurrence, même involontaire, et qui se complaît dans le non sens absolu et mortel, l'envie de trucider pour le simple goût de pouvoir le faire, là sur l'instant. Harley Quinn est aussi de la partie, et c'est même son anniversaire, ce qui pousse son petit ami dément à voler un collier d'un prix inestimable, et à se frotter à Batman (et Catwoman). Tout ceci crée de l'action, et donne du tonus aux premières pages, nous plongeant d'emblée en territoire connu, et pourtant différent. Les femmes sont manipulatrices et dangereuses chez Marini. Si Harley parvient à faire plier le Joker en poussant le caprice à faire la tête devant le cadeau macabre qui lui est présenté par son "fiancé", nous rencontrons également une ancienne serveuse qui débarque chez Bruce Wayne, avec une fillette de huit ans à la main, et demande sans ménagement un test de paternité. Après tout, pourquoi pas, entre une mission périlleuse à Gotham et un team-up avec la Justice League, Bruce a du avoir une vie sexuelle chargée, non? La gamine est touchante et naïve, mais la mère froidement décidée à presser le billionnaire comme un citron, pour en retirer ce qu'elle peut. Batman bientôt en banqueroute? 


Et le Joker dans tout ça (je vous l'ai déjà dit qu'il parle comme le Joker, agit comme le Joker, bref Marini l'a totalement appréhendé, avec comme seul bémol, pour certains d'entre vous, un maquillage un peu audacieux, qui le fait ressembler à une pop star gothique. Tout le monde ne va pas adhérer. L'inspiration première étant à la base Christophe Lambert dans Subway)? Et bien disons que la fillette évoquée plus haut va malheureusement croiser la route du Prince du crime, et qu'à partir de là, les choses vont s'emballer... En fait ça met un peu de temps pour se mettre en place, pour qu'on y voit plus clair, enfin, mais comment en vouloir à l'artiste, quand ces préliminaires assez lents et posés sont aussi un prétexte pour une vision artistique exemplaire? Oui, j'ai beaucoup aimé cette Gotham là, cette ville nimbée dans la grisaille et des nuances bleu-ardoise, truffée de détails architecturaux aussi flous et indistincts, que concrets et crédibles en même temps. C'est la fluidité qui l'emporte, aussi bien dans la manière de faire se rencontrer les personnages (la relation Batman Catwoman coule de source, l'antagonisme Batman Joker est juste, pas surjoué, Harley Quinn est pour une fois présentée autrement que comme une péripatéticienne en mini short...) que dans l'illustration du récit. On progresse dans la seconde partie avec les blagues malsaines d'un Joker étonnamment clément avec sa petite captive (on devine ses raisons, encore que...), la peur de cette dernière (qui repose ses espoirs dans la figure héroïque et fuyante d'un Dark Knight qui tarde à la retrouver) et la fixation de Batman, qui tape et enquête pour retrouver la jeune victime, tout en patinant dans la semoule.
En gros, des archétypes classiques, mais modernisés, retravaillés, simplement et subtilement différents, qui prouvent qu'Enrico Marini s'est non seulement fondu dans le moule de Gotham, mais qu'il en a aussi pervertit la géographie selon son bon vouloir, ou plus probablement, selon son talent évident. 



Un grand merci à Dargaud / Urban pour nous avoir snobés de la plus complète et absurde des manières, pour ce qui concerne le dossier de presse que d'autres ont reçu ... en plusieurs exemplaires. 
Sans rancune de notre part, mais à l'avenir, un peu plus de considération ferait non seulement plaisir, mais serait professionnellement parlant plus sérieux. 



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