MOON KNIGHT TOME 3 : LA FIN DE L'EXCELLENT RUN DE JEFF LEMIRE

Toute la carrière de justicier Moon Knight est basée sur ses problèmes psychologiques, ses multiples identités fragmentées, qui font que Marc Spector n'est pas toujours lui-même, et que la vérité est bien souvent insaisissable. Ce n'était pas évident pour Jeff Lemire, de reprendre cette série, car nous avions l'impression que tout avait été plus ou moins dit auparavant; pour autant le génial scénariste canadien s'est attelé à la tâche en reprenant -un sacré pied de nez- tous les éléments que nous connaissions déjà. Mais Lemire n'est pas si intéressé par la résolution du problème, ce n'est pas dévoiler définitivement et clairement l'identité dominante de Marc Spector qui l'intéresse, mais plutôt le cheminement le jeu avec la réalité, ou ce que nous percevons comme telle. En somme le but et l'objectif final sont moins importants que le voyage pour y parvenir... et quel voyage! 
Ce tome 3 nous le confirme, ce fut un run de grande qualité, artistiquement irréprochable, d'autant plus que les dessins de Greg Smallwood sont extraordinaires, car ils transmettent des émotions fortes et un style qui suinte la folie lantente. Il enrichit le récit par des solutions visuelles et un montage des planches qui donnent en permanence la sensation de danser sur le rasoir, le précipice, mais on ne tombe jamais dans l'abstraction ou le brouillon, on est juste happés par le merveilleux froid et clinique qui se dégage de certaines pages, à mi-chemin entre classicisme et expérimentation.

C'est aussi une histoire d'acceptation que ce tome 3. Spector est malade. Son esprit est fragmenté et plus que de prétendre guérir et de devenir enfin quelqu'un de stable, unique et rassurant (vive la norme dominante), il finit par intégrer définitivement ses différentes identités, comme autant de facettes de son existence, sans lesquelles il ne serait pas vraiment ce qu'il est aujourd'hui. La grosse blague dans l'histoire, c'est que le mal absolu est donc Konshu, ce dieu lunaire, qui lui aurait conférer des pouvoirs. D'ailleurs, nous gardons le conditionnel... en est-il bien ainsi? On referme ce volume, et donc on quitte Jeff Lemire, sans avoir résolu cela non plus. Pourtant nous en sommes très heureux; nous avons assisté à 14 épisodes qui frôlent le sans-faute, sans avoir besoin de se mêler au reste du Marvel Universe, complètement autonomes, et jouant avec la démence et le concept même de réalité. De plus mis en couleur de manière éblouissante par Jordie Bellaire, qui rappelons-le est aussi pour beaucoup dans la prestation magistrale de Smallwood. Ces trois tomes de Moon Knight par Jeff Lemire sont vraiment des indispensables, et font partie du tout meilleur de la production de Panini ces dernières années. 


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