MON PÈRE CE POIVROT : DEMON IN THE BOTTLE

À la grande partie du destin, Lulu (Lucien Basset) n'a pas forcément reçu les meilleurs cartes. Sans famille, il est recueilli dans les années 40 par un couple de paysans qui souhaiterait l'adopter, mais ne peut le faire, en raison de l'opposition de leurs enfants. Il parvient néanmoins à passer son certificat d'études, l'obtenir, et en enchaînant les petits boulots il essaie de se construire une vie, et surtout sa propre famille. Et s'il y réussit dans les années 50, et promet de ne jamais l'abandonner à son tour, c'est sans compter sans un ennemi pernicieux, qui va lui ruiner l'existence. Face à l'alcool, peu de personnes sont de taille, lorsque le problème devient incontournable, et vous enserre dans ses spires vénéneuses. 
On le retrouve de nos jours, vieilli et brisé par la bouteille. Bien évidemment, sa femme est partie et a tenté de se refaire une vie, avec un autre. Lulu écume le bar du village, et flirte avec le coma éthylique, jusqu'au jour où à la télévision il croit reconnaître son fils, au beau milieu d'une manifestation organisée par les zadistes, que le gouvernement promet de réprimer dans quelques jours. Dernier acte de rédemption fabuleuse pour Lulu, la possibilité d'aller à la rencontre de sa progéniture, qu'il a également abandonné, pour l'empêcher de commettre l'irréparable et de gâcher son existence. Seulement voilà, ce qui serait un voyage de routine pour le quidam moyen, devient une odyssée quand on a peu d'argent et l'envie de sombrer dans les vapeurs de l'alcool, à la moindre vue d'une publicité qui en vante les mérites, ou d'un troquet. Lulu est une sorte de drogué pathétique, et en même temps, il est bon, sincère, mais la vie l'a plié, et en a fait un jouet dont les ressorts semblent brisés.




Cette œuvre de Stéphane Louis est basée en partie sur des faits autobiographiques; du reste elle est dédiée à son père. Bien entendu, toutes les pièces du puzzle ne sont pas exactement tels qu'elles devraient être, s'il s'agissait d'un documentaire en Bd. Néanmoins, cette fiction à une solide base, sincère et émouvante, et le drame humain qui se joue ne peut laisser indifférent, surtout si vous avez (mais pas uniquement) également connu cette situation chez un de vos proches. Les couleurs de Vera Daviet sont aussi un atout indéniable dans cette parution, que nous vous recommandons. Une bande dessinée simple d'apparence, accessible, parfois drôle, où la ligne claire de l'auteur se confond dans les volutes de l'alcool, qui est toujours là, subrepticement, entre les cases, prêt à s'emparer de Lulu pour le dévorer dans ses griffes. 
Disponible chez Grand Angle, depuis début janvier. 


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