On revient ce jeudi sur une des meilleures séries du catalogue de Glénat, Black Magik, que j'apprécie tout particulièrement.
Avec un titre comme celui-ci, il est bien entendu question de magie noire, vous pouviez le deviner! Et du reste le premier tome s'ouvre sur une étrange cérémonie en pleine forêt, où sont invoquées les forces obscures des ténèbres, jusqu'à ce que la sonnerie d'un portable viennent interrompre le tout. C'est que l'une des participantes est aussi inspectrice de police, et elle est appelée sur les lieux d'une prise d'otages. Le criminel a expressément demandé à voir Rowan Black, et c'est donc avec un grand courage mais aussi beaucoup de questions en tête qu'elle accepte de se présenter, pour un échange contre les malheureux kidnappés du jour. Très vite, il s'avère que cette requête particulière a un sens : si le ravisseur a demandé à la voir, c'est parce qu'il connaît tout de ses activités nocturnes, de la part secrète de sa vie, celle la définissant comme une "sorcière", et il semble résolu à l'éliminer. Dans le même temps il est évident qu'il est aussi manipulé et n'a pas le choix, pour autant il n'est pas possible pour Rowan de sauver les meubles et d'empêcher l'inévitable, à savoir que son antagoniste périsse par les flammes, après avoir tenté de l' incinérer elle-même.
Une double enquête commence alors, pour connaître les raisons qui ont poussé cet individu à se comporter de la sorte (et c'est ce que la police essaie de découvrir), mais aussi qui en a après Rowan Black, pour quelles raisons ésotériques? Le mystère s'étoffe davantage lorsqu'un corps est repêché dans le fleuve, avec la main gauche coupée, celle que l'on appelle la main du diable, une mutilation typiquement satanique. Et 3 cailloux dans l'estomac, qui ne laissent rien augurer de bon.
Le quotidien de Rowan se complique diablement, entre les services de l'inspection générale qui fouine dans le dossier, même si c'est la routine, pour comprendre ce qui s'est produit, et le Marteau, une organisation secrète qui souhaite éliminer toutes les sorcières de la planète. En parallèle son collègue et partenaire privilégié pour les enquêtes commence à nourrir des doutes et remettre en cause sa dévotion et son honnêteté. Le second tome lui s'en va creuser dans la jeunesse et l'adolescence de Rowan, l'héritage dont elle est la dépositaire, et qui explique et densifie l'action qui se déroule au présent. Et celà permet de déplacer le curseur de la menace, qui pourrait bien être différente de ce à quoi on pensait, et amener des alliances imprévues.
Greg Rucka réussit un vrai tour de passe-passe, celui de mettre en place, dès les cinq épisodes initiaux, au rythme parfait, tout un ensemble de personnages et de situations qui ne fait que faire monter la pression et l'envie d'en savoir plus, porté par une science de l'évolution des enjeux et des révélations digne des meilleures séries télévisées. Le dessin de l'australienne Nicola Scott est splendide, c'est visuellement du très grand art, avec un trait réaliste, détaillée, incisif, et des tons de gris qui instaurent une ambiance glauque à souhait, une sorte de long cauchemar qui ne dissipe pas à l'aube, mais accompagne la protagoniste même passée la matinée..
S'agit-il d'un polar, d'un véritable récit mystique, d'une volonté d'aller gratter derrière l'apparente banalité du quotidien pour rappeler que nous avons tous une vie cachée qui voudrait le rester? Un peu de tout cela, et l'oeuvre est dense, maîtrisée, et constitue assurément un des incontournables de ces deux trois dernières années.
Greg Rucka démontre ici que quand on lui laisse toutes les clés en main, pour tisser un monde à sa mesure, il sait s'entourer et combler ses fans. Un sans faute, disponible chez Glénat Comics.
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