HELLBOY : LE REBOOT INFERNAL AU CINÉMA

Il n'est pas facile d'exister, pour le reboot de la franchise Hellboy, avec une sortie en salle coincée entre le succès délirant de Avengers Endgame, et l'arrivée prochaine du dernier long-métrage consacré aux X-Men (Dark Phoenix début juin). C'est un cadeau empoisonné, qui vient s'ajouter au déluge de mauvaises critiques qui ont accueilli le film, sur le continent américain. Dans ces conditions, il faudrait un petit miracle pour que ça marche vraiment, et force est de constater que le persiflage en règle et la déception globale trouvent une explication tout au long de ces deux heures, qui finissent par s'enliser inexorablement. 

Il n'est pourtant pas si mal, ce Hellboy campé par David Harbour, que l'on a récemment apprécié (fortement) dans la série Stranger Things. Il émet de l'énergie, de la conviction, et sur ce point le pari pourrait bien être gagné. En face de lui, il y a Milla Jovovich qui interprète une terrible sorcière maléfique, qui se dresse comme l'ennemie ultime de l'humanité, depuis l'époque des Chevaliers de la Table Ronde, et elle aussi livre une prestation qui mérite qu'on la signale. Ce n'est donc pas du côté du cast que se trouve le défaut principal de Hellboy, mais dans la manière dont l'histoire est racontée, dans le ton général qui est employé pour caractériser le film. Sans oublier son montage, sa course précipitée vers un dénouement qui explose sans logique, sans fil conducteur.
Ne soyez pas non plus surpris de voir la mention "interdit au moins de douze ans" sur l'affiche. Ici le gore est omniprésent, et on sent que le réalisateur (Neil Marshall) se complaît dans la décapitation, l'éviscération, et toutes autres sortes de tortures délicates. Des boyaux et des membres arrachés, on en voit un sacré paquet dans ce film, qui à au moins le mérite d'en jeter à la face du spectateur sans économie de moyens. Sauf que cela arrive souvent au terme de combats en mode "Streetfighter Vs Evil Dead" épuisants, où l'envie de laisser tomber le joystick pour aller se prendre un café l'emporte sur le frisson. 



Hellboy démarre par ailleurs très mal, avec un résumé didactique lourdingue, censé contextualiser ce qui va suivre. Une bonne grosse voix off qui vient suppléer le manque d'idées de la réalisation, là où on aurait préférer attaquer avec un petit jeu de piste pour lentement se mettre en condition. Subtilité, comme tu nous manques.
Et puis ensuite c'est la recherche d'une vitesse de croisière, et on rêve par instants que Hellboy puisse y parvenir. Il y a tout de même de vraies bonnes idées, des scènes qui font leur petit effet (un combat contre des géants qui fait sourire et accroche bien le regard), ou des trouvailles cauchemardesques qui basculent carrément dans la terreur, la vraie (le séjour chez Baba Yaga, vers la fin). Mais tout ceci est juxtaposé sans qu'on comprenne totalement la recette. La mozzarella, la mortadelle, l'espadon et le chocolat, ce sont tous des aliments qui peuvent être excellents, mais jetez le tout au petit bonheur la chance sur une pizza, et vous obtiendrez un plat qui ne pousse pas à la consommation (encore que les américains seraient capables d'en faire un petit déjeuner trendy). 
C'est qu'il faut être clément pour fermer les yeux sur le rapiéçage scénaristique qui convoque Excalibur, les démons de l'enfer, les contes russes, et la coolitude désormais acceptée et indispensable, dès lors qu'on entend produire un film issu d'un comic-book, dans le but d'engranger un bon paquet de dollars. Il faut placer une bonne réplique toutes les deux minutes, des traits d'humours (frelatés) devant les pires situations, rire de tout et même du pire, dédramatiser au risque de ridiculiser. Hellboy prétend baigner dans des flots d'hémoglobine, mais il lui manque cette gravité pour ne pas se noyer. Faute de quoi, on hésite entre l'acceptation d'une bonne grosse parodie, ou la résignation devant un film qui pouvait être noir, sombre, violent, intransigeant, et n'est en fait qu'un énième long métrage avorté, qui rate le coche.
Reste que si vous lisez d'autres critiques, sur d'autres médias, qui parlent de "pire adaptation d'un comic book de l'histoire", c'est probablement car le journaliste (?) n'a pas vu ou a oublié les Ghost Rider ou le dernier Fantastic Four. Voire Venom...


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