SHARKEY LE CHASSEUR DE PRIMES : MARK MILLAR ET SIMONE BIANCHI DANS L'ESPACE

Mark Millar est incontestablement le grand maître des mini séries produites en chaînes, et confiées à des artistes de très grand talent. Sa créativité est en effervescence continue, il s'entoure toujours de noms ronflants, et Sharkey, sa nouvelle création à paraître chez Panini, ne fait pas exception. Voici venir Simone Bianchi à bord, un des dessinateurs européens les plus doués de sa génération, qui se fait trop rare depuis quelques années.
Sharkey, c'est le nom d'un chasseur de primes intergalactique. Il est criblé de dettes, donc chaque mission peut lui permettre de se remettre à flot, et en attendant il voyage dans la cosmos à bord d'un vieux camion de marchand de glace transformé en astronef. Physiquement, c'est Freddie Mercury en violet, avec une alopécie qui a lui a épargné le crâne de chaque coté des oreilles. On le rencontre alors qu'il est nonchalamment installé à un bar, tout occupé, dans le même temps, à se faire draguer par une étrange et jolie cliente, dont l'ambition dans la vie est de devenir une créature mécanique, une intervention chirurgicale après l'autre, et à arrêter un criminel capable de se dédoubler en 38 petites versions de lui-même, qui vont tenter de fuir, cela va sans dire.
C'est d'emblée du Mark Millar. C'est à dire que c'est éminemment sympathique et attachant, y compris quand apparaît un jeune gamin qui demande de l'aide à Sharkey (qui se sent un peu responsable, et on le comprend), ou le concurrent de notre héros, lui aussi chasseur de primes, aux méthodes expéditives et singulières. Mais les personnages sont très vite brossés, l'action et la truculence prenent le devant sur toute tentative de vraie approfondissement. Est-si en fait Millar avait raison, et ce type de comic-book, c'était avant tout du fun en barres? 




Bon, ce n'est pas seulement ça. Au fil des pages, le rapport entre Sharkey et son petit protégé va s'étoffer, et le gamin, bien utile quand on l'installe au poste de pilotage, sera aussi bien une peste parfois horripilante qu'une ressource inattendue, capable in fine de faire brèche dans la carapace machiste du héros. Millar ramène aussi les amours défunts de Sharkey, qui se retrouve à faire équipe avec son ancienne moitié, et les rivalités mortifères entre chasseurs de prime, prêts à tout, entre trahison et rebondissements, pour empocher le pactole promis et mettre la main sur les criminels ou voleurs les plus enviés de la gamaxie. Du classique dans la forme, rien de très novateur, mais de l'aventure, de la vraie. 
Ce qui singularise l'ensemble, finalement, c'est outre cet humour décalé, un Simone Bianchi qui instaure une ambiance futuriste et oppressante, dans une espèce de monde techno-organique impressionniste, avec une palette de couleurs et de textures froides qui sont vraiment fort jolies à voir. Rien que pour l'aspect graphique, on vous recommande Sharkey, où vous trouverez aussi un montage audacieux des planches, une vraie oeuvre personnelle et enlevée, artistiquement parlant. Ce ne sera pas la lecture de l'année, mais c'est globalement réussi, et bien troussé. 


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