Ces dernières semaines le Punisher a rencontré l'ennemi le plus terrible qu'on n'ait jamais eu l'idée de lui opposer. Il ne s'agit pas d'un criminel endurci ou d'un énième super vilain qui a décidé de lui en faire baver, mais tout simplement de la bien-pensance, cette tendance aujourd'hui à rechercher coûte que coûte le politiquement correct. Il se trouve que tous les dingos de l'extrême droite américaine semblent s'être découvert une passion pour le logo du Punisher, ce célèbre crâne blanc sur fond noir, à tel point que de nombreux extrémistes le revendiquent ou l'arborent fièrement. Un contresens total, quand on connaît l'histoire éditoriale du personnage et les valeurs qu'il défend, même si cela peut faire sourire certains, lorsqu'on emploie ce mot. Marvel Comics, de plus en plus affidé au pouvoir central de Disney, a même envisagé un temps de mettre le personnage sur la touche. Ce ne sera pas le ca, promet-on, même s'il convient de noter qu'actuellement il n'y a plus aucune série régulière consacré à Frank Castle.
Bref tout ceci pour vous inciter à vous plonger dans la lecture ou la relecture du run de Matt Fraction, qui est désormais disponible en VO dans la splendide complete collection. Le premier volume s'ouvre ainsi sur la période Civil War : une loi oblige les super-héros à se faire recenser par le gouvernement s'ils veulent continuer leurs activités souvent nocturne, en tous les cas toujours anonymes. Iron Man et Captain America sont les principaux représentants des deux factions opposées et le Punisher rejoint la résistance, ceux qui disent non au pouvoir central, c'est-à-dire l'armée de Steve Rogers. Mais les deux hommes ont un modus operandi totalement différent; Captain America représente le patriotisme, le soldat au code moral et déontologique immaculé (oui je sais l'Amérique c'est en fait un peu le contraire...) tandis que le Punisher lui n'est pas du genre à discuter avant de tirer. Selon Frank, la justice est forcément expéditive et ne s'embarrasse pas de long palabres. Magnifié par le dessin d'Ariel Olivetti qui utilise des fonds de page photographiques, retravaillés, avec tout du long des personnages ultra musculeux, massifs, et avec un trait particulièrement réaliste et attentif au détail, cette opposition de caractères et d'idéologies sonne plus que jamais contemporaine, dans un monde où les repères sont brouillés, quand les rêves d'autrefois sont réinterprétés selon les besoins immédiats, quitte alors à en proposer une perversion totale.
C'est ensuite qu'arrive le plat de résistance de ce premier volume, puisque le Punisher va se retrouver opposé a une sorte d'armée improvisée de patriotes dégénérés, qui se revendiquent clairement du nazisme, au point de saluer le bras tendu et d'avoir la nostalgie d'Adolf Hitler lui-même. Leur chef n'est d'autre que le Hate-Monger, qui se cache derrière un simulacre du costume de Captain America, entre-temps assassiné sur les marches d'un tribunal. Ce costume est particulièrement efficace en terme d'aspect visuel, blanc avec des symboles d'extrême droite ultra reconnaissables. C'est le drapeau avec lequel ces sinistres rednecks s'en vont faire des virées de l'autre côté de la frontière américano-mexicaine, pour mettre le feu au camp de réfugiés qui attendent l'ouverture, pour passer dans le camp de la terre promise. Pour ces cancrelats, la race blanche a forcément hérité de l'Amérique et s'en aller brûler les pauvres latinos est une manière de préserver la pureté de la nation. Le Punisher, que certains utilisent donc comme incarnation de leur folie raciste et nationaliste, décide de remettre les pendules à l'heure et d'allègrement taper sur les nazis, et de démembrer à lui tout seul cette armée d'handicapés mentaux, qui ne rêvent que de mort, d'assassinat et de haine. Seul ou presque, car entre-temps il s'est adjoint les services d'une sorte de petit génie du bricolages high-tech, qui le suit dans sa noble mission, en compagnie de sa petite amie journaliste, qui elle aussi tente d'en savoir plus et va connaître un destin funèbre. Autres personnages impliqués dans cet imbroglio, GW Bridge (ici présenté dans sa foi musulmane) un des membres éminents du Shiled, en tout cas un de ces soldats de l'ombre dont la carrière est constellé de luttes et de missions secrètes, et qui semble ici sur le point de rendre son tablier, lorsqu'il se rend compte que la chasse à Frank Castle a fini par lui obscurcir salement les idées. Un Punisher tout d'une pièce, compulsif, qui laisse exploser la haine latente en lui pour s'en aller corriger celle des autres, sans autre nature et objectif que de s'en prendre aux plus faibles, au noms d'idéaux déviants.
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