BATMAN TROIS JOKERS : QUI SONT LES JOKERS DE GOTHAM ?


 Il y a 3 ans de cela, dans la série Justice League, Batman était parvenu à se hisser sur le fauteuil de Metron, qui comme chacun le sait (ou bien ne le sait pas) permet d'accéder à un savoir omniscient, suprême. L'occasion de poser les bonnes questions pour obtenir les réponses qui vous manquent. Bien entendu, s'il est une question qui brûle les lèvres de Batman et des lecteurs de ses aventures, c'est clairement l'identité réelle du Joker, un personnage mystérieux au sujet duquel il est possible de savoir quelques bribes de son passé, à partir d'informations fragmentaires et contradictoires, disséminées au long de nombreuses années de parution. Alors Batman pose la question: qui est vraiment le Joker? La réponse est surprenante, puisque le lecteur reçoit un coup dans le sternum! Il n'y a pas un seul Joker mais il y en a trois à Gotham! La révélation fait son effet, mais elle est suivie de pas grand-chose, puisqu'il faudra attendre très longtemps avant que Geoff Johns propose enfin une aventure qui explicite cette illumination impromptue. Le titre est d'ailleurs assez clair en ce sens; Trois Jokers, l'heure est donc venue de voir qui ils sont et d'en savoir plus sur ces individus. On trouve le comique, le criminel et le clown, qui correspondent à différentes époques de la carrière de ce dingo qui n'a pas toujours eu le même modus operandi, ni même le même aspect physique. Les méfaits dont il s'est rendu coupable servent aussi de leitmotiv à cette mini série en trois parties, publiée sur le Black Label, car Batman n'est pas seul pour mener l'enquête. Il est bien entouré de Barbara Gordon, alias Batgirl, et de Jason Todd alias Red Hood; la première a eu la fâcheuse surprise un jour, en ouvrant la porte de chez elle, de se faire abattre à bout portant par le Joker. Elle en est restée paralysée de nombreuses années et certains exégètes des comics lisent même dans cette mésaventure l'histoire d'un viol. Quant à Jason, lui, il a carrément été assassiné à coups de barre à mine derrière la tête, réduit à l'état de bouillie dans la terrible histoire Un deuil dans la famille de Jim Starlin. Bref le trio qui se lance à la poursuite des trois jokers possède une liste de traumatismes et de griefs longue comme le bras, de quoi nourrir un ressenti et une haine féroces. 




Du coup les réactions des uns et des autres sont passionnantes. Batman est fidèle à son habitude. Le corps parsemé des cicatrices que ses derniers combats contre le Joker ont laissé, il reste ce bloc granitique pétri de convictions et de motivation, que rien ne semble ébranler, et qui garde pour lui ses petits secrets bien pratiques. Barbara a utilisé le terrible traumatisme subi pour devenir une version encore meilleure d'elle-même, ce qui nécessite une grandeur d'âme et un courage qui forcent l'admiration. Jason lui n'a pas les idées très claires, et c'est la hargne qui domine; l'envie de répandre à son tour la cervelle des Jokers sur le trottoir est ce qui dicte ses agissements. Clairement, un comportement aussi radical ne peut qu'entrer en collision directe avec les idéaux des deux autres, encore que dans un cas aussi extrême que celui qui est présenté dans cet album, il est concevable qu'il faille tôt ou tard cesser de faire la fine bouche et embrasser la noirceur. Mais bon, diront nombre de lecteurs parmi vous, alors, on le sait ou pas, qui est le Joker, qui sont ces Jokers? La réponse est ambiguë. Tout d'abord je ne souhaite pas vous gâcher la surprise, ensuite il faut que vous compreniez que l'idée que l'identité du clown meurtrier (ici décuplée par la grâce d'un subterfuge narratif un peu dur à avaler, et surtout fragile en terme de motivations réelles) n'est pas si décisive, pour la compréhension et l'acceptation de ce qu'incarne cette sinistre figure du crime. Et contrairement à nombre d'avis parcourus ça et là sur Internet ces dernières semaines, je considère que le final choisi par Geoff Johns est assez malin, et qu'il possède une vraie crédibilité, en ce sens qu'il s'insère bien dans la logique de déduction et dans la pensée rationnelle de Batman. Pour ma part donc, ce n'est pas un coup dans l'eau, c'est le triomphe de la rationalisation et un choix qui se tient. Dulcis in fondo, de la première à la dernière page nous avons le droit à un petit festival Jason Fabok, qui dans son style "épigones de Jim Lee, Gary Frank ou David Finch" est assurément le représentant moderne le plus crédible. Depuis l'arrivée des New 52 sa progression a été exponentielle et il est aujourd'hui un des artistes les plus susceptibles de pousser le novice à l'achat, et de rassurer dans le même temps l'ancien exigeant. Trois Jokers est soigné, sombre à souhait, structuré comme un hommage aux grands classiques, et vous auriez tort de vous en priver. A charge pour vous de choisir entre cover régulière ou une des belles variantes qu'Urban Comics propose pour l'occasion.


 


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