IRRECUPERABLE : BREAKING BAD AVEC LE PLUTONIEN


Le mal, après le bien.  Le Plutonien est le plus grand des super-héros de la Terre. Plus ou moins Superman, il en possède les pouvoirs, l'aura, la force de frappe. Dans l'univers bâti par Mark Waid, c'est un être que tout le monde connaît, celui qui a déjà sauvé notre planète à maintes reprises. Le plus grand, le plus fort, le chantre de la bonté, du bien. Oui mais. Le scénariste, dont le nom est lié à de nombreuses histoires de super-héros devenues culte, est à l'œuvre pour aborder le thème de la corruption du héros, qui avait été à la base de sa saga la plus célèbre: Kingdome Come. Et il le fait selon une technique de déconstruction désormais éprouvée. C'est-à-dire en extrayant des détails de l'intrigue narrative plutôt classique, et en imaginant des conséquences qui ne peuvent être osées, pour des raisons commerciales, dans des comics tout public. Pour être honnête, l'idée du super-héros bon et sensé qui succombe au côté obscur n'est pas tout à fait nouvelle. La saga X-Men du Black Phoenix est un exemple historique, et en d'autres occasions les justiciers comme Superman ou Captain America ont du composer avec des versions distordues d'eux-mêmes, ou momentanément se plier à l'envie de faire le mal. Sauf que dans Irrécupérable, le titre signifie quelque chose. Le mouvement de bascule est sans appel, le Plutonien sombre, et ne pourra jamais refaire surface. Nous suivrons donc le héros à travers toutes les phases de son inexorable descente aux enfers, découvrant quelles déceptions et traumatismes l'ont transformé en un monstre imparable auquel nous sommes confrontés aujourd'hui. Régulièrement adopté puis rejeté par plusieurs familles d'accueil, Tony (dans le civil) ne souhaite finalement rien d'autre que d'être aimé, et de ne plus être vu comme une "bombe ambulante sur le point d'exploser". Mais il est difficile de donner tort à ceux qui ont croisé son chemin, semé d'accidents déplorables ou de violence involontaire. Et même lorsqu'il est animé par les meilleures intentions, comme lorsqu'il confie à un savant certaines trouvailles technologiques récupérées après une invasion alien, le résultat s'avère catastrophique et particulièrement culpabilisant, même pour un tel surhomme. Ajoutez à cela un cœur brisé, et il n'en faut pas plus pour qu'un homme perde ses repères, et entrevoie dans la puissance et la fascination du mal la seule porte ouverte vers un avenir possible. Le Plutonien du passé est également très différent en apparence. Des cheveux, avec l'abandon d'une belle crinière flottante pour une coupe paramilitaire frontiste, à la combinaison rouge et blanche qui cède la place à des couleurs sombres et à une démarche sinistre. N'oublions pas les dessins de Peter Krause (Pouvoir de Shazam) qui ont un style agréablement classique et parviennent à alterner une atmosphère lumineuse de l'âge d'argent dans les nombreux flash backs à un trait plus sombre et nerveux lorsqu'il s'agit de montrer le présent de l'ange maintenant muté en un démon que rien ni personne ne peut arrêter. Une série à (re)découvrir avec un grand plaisir, disponible en français chez Delcourt Comics, qui propose depuis peu une Intégrale. Pourquoi se priver?  



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