MOON KNIGHT : BILAN CONTRASTÉ POUR LE CHEVALIER LUNAIRE


 Quand j'étais adolescent, à la fin des années 80, il y avait trois personnages Marvel que j'aurais rêvé de voir adaptés sur grand ou petit écran. Daredevil, le Punisher, et pour finir Moon Knight. Pour les deux premiers c'est chose faite, et grâce à Netflix, on peut même considérer que le pari a été remporté haut la main. Restait donc à trouver la bonne incarnation pour le Chevalier de la lune, et là, c'est une autre paire de manches, car il faut être sincère, ce n'est pas le personnage le plus facilement identifiable de l'univers Marvel, pour le grand public. Mais ces temps derniers, tout est permis; l'impression est qu'à terme nous allons retrouver au sein de l'univers cinématographique la quasi-intégralité des héros et méchants qui peuplent nos bandes dessinées. D'entrée de jeu, le premier épisode annonce la couleur et se veut plutôt rassurant. Tout d'abord car Oscar Isaac est un acteur de grande qualité, qui convient très bien à un individu aussi torturé et fragmenté que peut l'être Moon Knight. Il suffit de plonger brièvement dans son regard pour prendre le pouls de ce qui se trame dans sa tête. Nous faisons la connaissance de Steven Grant, qui vend des souvenirs dans la boutique d'un grand musée de Londres (la National Gallery). Sa passion pour la culture égyptienne est son plus grand atout, dans un lieu où bien des pièces historiques sont répertoriées et offertes au public; par contre son instabilité mentale est un vilain défaut invalidant. Le type souffre d'insomnie et de crise de somnambulisme, au point qu'il lui est nécessaire de s'attacher au lit au moment de dormir. Il a également des crises psychotiques et ce qui semble être de terribles visions, qui convoquent créatures de la mythologie égyptienne et dangers bien réels. Face à celui-ci, quand il est sérieusement menacé, Steven constate dans le reflet des parois réfléchissantes à sa portée qu'il y a une autre personnalité enfouie en lui, celle de Marc Spector, un mercenaire rompu au combat à mains nues et à l'usage de toutes les armes, capable de se tirer des pires situations, en utilisant les moyens les plus extrêmes. Oui mais voilà, lequel des deux est l'original? Ce qui est en train de bouleverser la vie de Steven, est-ce la réalité, ou simplement de la folie? Et cette Layla qui débarque chez lui et prétend être la femme de Marc Spector, puis qui lui intime de cesser de jouer la comédie et d'abandonner cet accent  anglais affecté, qui normalement ne le caractérise pas, qui est-elle vraiment ? La série joue habilement sur les hallucinations, les ellipses narratives qui sont aussi autant de tranches de vie volées, la fragmentation d'une réalité qui n'apparaît jamais comme telle, mais comme une possibilité, une interprétation, qui est sujette à remise en cause totale, en un raptus. 



S'il y a par contre un point qui est plutôt déroutant, mais finalement amplement prévisible, ce sont les incursions de l'humour au sein d'une trame qui devrait être principalement dramatique. Même en présence de créatures cauchemardesques, ou embarqué dans une course-poursuite meurtrière au volant d'un véhicule, les blagues et autres trouvailles cocasses rythment les mésaventures d'un Steven Grant dépassé, qui n'a pour porte de sortie que l'effacement, au profit de Marc Spector, donc de Moon Knight. Le costume apparaît lui de manière surnaturelle, et change à l'instant, selon celui qui le porte. Si on apprécie fortement de voir également la version "Mister Knight" adaptée à l'écran, on regrette cependant qu'il soit montré comme un pitre, dans les grandes largeurs. Même Khonshu, prétendu dieu lunaire égyptien, peine à transmettre ce sérieux noble et grandiloquent qui devrait être le sien; nous sommes bien loin des sombres atmosphères de Moench et Sienkiewicz, lorsque le personnage de Moon Knight gagna ses galons au sein du panthéon du genre. Reste le méchant de l'histoire, qui à ce point est un ancien "héraut" de Khonshu, Hollow (Ethan Hawke), qui depuis a entrepris de servir le pouvoir terrifiant de Ammit, une autre divinité, bien plus maléfique. Et c'est là que la série s'embourbe notablement. Les épisodes trois et quatre sont principalement des versions bon marché d'Indiana Jones en Egypte, où le spectateur doit jongler entre ésotérisme de pacotille et moments de tension assez convenus (des glissades au bord du précipice, des combats plutôt stériles...). On arrive même à un désintérêt presque total à la croisée de ces deux segments, tant on peine à avancer, malgré quelques maigres révélations sur l'origine des rapports entre Layla et Marc Spector. Comme toujours, Steven Grant est alors un simple prétexte à des gags épuisants (comme avec le tombeau d'Alexandre le Grand) et quelques scènes flirtent avec l'embarrassant. La reste par contre relève d'un coup la barre, avec cette fois un scénario qui s'en va puiser à pleines mains dans les travaux récents (et splendides) de Jeff Lemire. C'est là que la folie intrinsèque du personnage peut exploser, c'est là que tout à coup le spectateur également doit revoir sa copie, reformuler ce qu'il pense savoir, et c'est le meilleur moment de la série, la transition qui lui permet enfin de correspondre à nos attentes, et de mériter qu'on achève ce voyage fantasque et fantastique, dans la fragmentation de l'individualité, d'un héros qui n'en est pas forcément un. Moon Knight ne restera pas comme la meilleure série présentée sur Disney +, pour avoir trop voulu étreindre, quitte à emprunter des chemins de traverse sans charme, réalisant des détours inutiles, voire nuisibles. C'est dommage, car certaines fulgurances sont bel et bien réelles, elles, et avec un peu plus de sérieux, et un peu moins de blagounettes, il y avait matière à laisser un excellent souvenir. 




Le temps que nous y sommes, découvrez la série de McKay et Cappuccio en vidéo ! C'est le dernier Moon Knight en date, bientôt chez Panini. 

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