L'OMNIBUS X-STATIX CHEZ PANINI : TIME IS NOW !


 N'allez pas croire que Marvel Comics a toujours connu la gloire et les paillettes, au long de ses longues décennies d'existence. Il y eut aussi des périodes de vaches maigres, voire carrément l'ombre menaçante d'une faillite, vers la fin des années 90, lorsque furent appelés au chevet de l'éditeur une belle brochette d'artistes iconoclastes, de Brian Bendis à Joe Quesada (qui devint le grand rédacteur en chef), en passant par Garth Ennis, Mark Millar ou …Peter Milligan. Comme tous les grands scénaristes anglais, ce dernier avait fait ses preuves en terre d'Albion sur la revue 2000AD, avec Bad Company, une sorte de spin-off à Judge Dredd (avant de débarquer chez DC pour Shade the Changing man ou Animal Man). Milligan est irrévérencieux, caustique, et il saisit parfaitement l'air des temps qui changent. C'est à lui qu'est confiée une mission problématique : sauver X-Force de l'oubli. Oui, cette série lancée en fanfare par Rob Liefeld une centaine de numéros auparavant, et qui fut théâtre des exploits testostéronés de Cable ou Deadpool, entre autres. La nouvelle mouture présente d'un coup un roster complétement retravaillé, constitué de nouveaux venus un peu paumés et nombrilistes, dont le moindre exploit est filmé et diffusé dans une grande émission de télé réalité continue. Le scénariste puise à pleines mains dans la méta bande-dessinée, et propose une satire efficace du contexte super héroïque habituel. Les membres les plus identifiables de son équipe sont vaniteux et colériques (Tike, alias the Anarchist), pleins de failles et de faiblesses (Sensitive Man, appelé à devenir The Orphan, et le leader de X-Statix) ou encore provocateurs et irrévérencieux (la rafraichissante U-Go Girl). Avec un humour qui fait toujours mouche, Milligan va régaler, avec des sujets aussi sensibles et bienvenus que le racisme, l'homo sexualité (deux des membres de X-Statix font peu à peu faire leur coming-out), la course à la célébrité, ou encore le pouvoir de l'économie, des médias et du merchandising. 


Mais surtout, Milligan n'hésite pas à vite renouveler le cast, en faisant mourir au champ d'honneur ses personnages. Dès les débuts de sa prestation, la team perd celui qui était censée la mener, Zeitgeist. C'est ensuite le tour de nombreux autres, à tel point que lors du passage crucial du titre X-Force à sa nouvelle-nouvelle existence, en tant que X-Statix, c'est U-Go Girl, la belle Edie, qui tire sa révérence alors qu'elle est incontestablement un des piliers de l'histoire. X-Statix est en réalité au service d'un milliardaire de la Silicon Valley, qui tire les ficelles dans l'ombre, orchestre les campagnes médiatiques, et les combats pas toujours crédibles ou sérieux. Le but est d'exister devant les caméras, produire des bénéfices, vivre de gloire et de bons gros dollars. Tout est utile pour y parvenir. Exacerber les tensions, ou les créer de toutes pièces. Inventer un ennemi, qui en devient trop réel par la suite, ou encore semer le doute, la suspicion, sont autant de moyens de maintenir l'intérêt du public, à chaque instant, le tout sous l'objectif de Doop, une espèce de blob gélatineux tout vert, dont les pouvoirs sont au départ inconnus, et vont se révéler incommensurables. Certains grands moments de la série, qui va résister plus de trois ans, sont inoubliables et décalés, comme lorsque l'afro américain Tike prend ombrage de l'arrivée d'un autre héros de couleur dans l'équipe, ou lorsque les Avengers et X-Statix se défient, pour récupérer le cerveau de Doop, qui a explosé et dont les morceaux ont été semés à travers le globe. Au dessin, Mike Allred a donné une vraie identité visuelle originale à la série, avec des pages dynamiques, simples et immédiates, un trait épuré et mis au service de couleurs éclatantes, à la limite du criard par endroits, dues à Laura, son épouse. Du début à la fin X-Statix s'étire en situations fantasmagoriques, avec de la téléportation, des rayons d'énergie, des êtres on ne peut plus étranges (un membre provisoire de X-Statix a une relation fusionnelle avec sa planche de skate!) et des morts tragiques, mais qui jamais n'arrêtent une formation en représentation permanente, parabole jouissive du monde de l'entertainment moderne, où tout est bon, comme dans le cochon. En somme, l'arrivée de l'omnibus chez Panini sonne comme une divine surprise, même si le format (et donc le prix) en font une lecture hors de portée de certaines bourses. 



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