Bienvenue dans la nouvelle série Daredevil, écrite par Chip Zdarsky (en soi, rien de très différent des derniers épisodes en date…). Bienvenue dans la grande foire aux mensonges. Parce que c'est ainsi que débute cette aventure. Matt Murdock est censé être mort, sauf qu'en réalité (vous l'avez compris) il ne l'est pas. Le frère jumeau qui s'était immiscé dans sa vie de manière assez rocambolesque est lui par contre bel et bien décédé. Pour autant, Matt assume brièvement son identité (Mike Murdock, donc) pour obtenir la confession de Butch, le fils de Wilson Fisk, destiné à devenir le nouveau Caïd de New York. Le tout aidé par Spider-Man, qui a oublié jusqu'au souvenir de la double identité de son "collègue", lequel va enfin lui révéler à nouveau la vérité. Si vous avez l'impression d'assister à un formidable méli-mélo narratif, soyez rassurés, c'est tout à fait normal. Des mensonges qui peuvent aussi s'apparenter à de la manipulation mentale ou une véritable interrogation existentielle et mystique; un des grands classiques, finalement, de la série Daredevil. C'est ainsi qu'apparaît le personnage de Robert Goldman, un ancien collègue de Matt et Franklin Nelson, à l'époque de l'université, quand ils étudiaient le droit. Lorsque celui-ci entre en scène, c'est pour révéler à Daredevil qu'il connaît sa véritable identité et qu'il est l'homme qui tire les ficelles de son existence, dans l'ombre. Chaque événement d'importance, ou tout simplement anecdotique, n'est que la conséquence de petites décisions prises un jour, qui finissent par se terminer de manière désastreuse. Dernière action en date de sa part, favoriser l'explosion d'une bombe dans un train, dans lequel est censé voyager la procureure Kirsten McDuffie, ancienne petite amie de Matt Murdock, à laquelle celui-ci ment également, puisqu'il est désormais établi qu'il va devoir se remettre en couple de manière définitive avec Elektra. Et là, vous vous dites : décidément, cette histoire est de plus en plus complexe ! Et vous aurez parfaitement raison. D'un mensonge à l'autre, d'une omission à l'autre, le récit de Chip Zdarsky se densifie et le nouveau mensuel de Daredevil (il s'agit en fait d'un relaunch cosmétique, qui reste dans la continuité de tout ce qui a été fait précédemment) se présente alors comme un immense miroir, un jeu de faux semblants, une spirale qui aspire à nouveau notre Diable Rouge vers quelque chose qu'on devine sinistre. Vous avez dit la Main ? Ou le poing ?
Comme vous l'aurez compris (en raison du champ lexical employé), si Daredevil et Elektra tentent de former un groupe de super ninjas appelé le Poing, c'est en réaction au retour aux affaires de la Main, qui est plus dangereuse que jamais. Tout d'abord parce qu'un des cadres que l'on croyait disparu (une certaine Aka, qui a même formé Elektra) vient titiller Murdock et le ridiculiser en combat singulier. Ensuite, parce qu'il semblerait que les dirigeants des principaux pays de la planète ont été remplacés par des enveloppes vides, qui abritent des essences maléfiques (ça ressemble presque à la réalité). Enfin, il ne faut pas oublier que le dernier leader en date de la secte ninja n'est autre que Frank Castle, alias le Punisher, comme cela est raconté dans la maxi série actuellement en cours, signée Jason Aaron (lisez ici). Bref, de très nombreux faits qui s'entrecroisent et qui font que cette histoire par moment bien difficile à avaler tout de même possède de l'ambition et des enjeux assez lourds, susceptibles d'éveiller l'intérêt de nombreux lecteurs. En plus, la partie graphique force le respect puisque les deux dessinateurs qui s'alternent ont tous les deux du talent à revendre. Marco Checchetto est aujourd'hui un des plus grands artistes quand qu'il s'agit de proposer des pages iconiques et réalistes, avec un petit côté glacé et glaçant esthétiquement remarquable. L'ensemble apparaît plus organique avec Rafael De Latorre, qui ajoute plusieurs splash pages imposantes au long de son parcours. Le nouveau titre de Daredevil se heurte à ce qui est le talon d'Achille de très nombreux personnages dont est publiée au minimum une histoire chaque mois, depuis des décennies : il est très difficile d'innover sans pervertir radicalement les caractéristiques du héros. Ici, Zdarsky repêche des éléments déjà présentés dans le passé et il nous promet un futur proche ou l'attend une décision cornélienne : être capable d'écrire un cycle dont les ambitions lorgnent clairement du côté du cycle de Frank Miller, ou au contraire, se vautrer dans la redite et le manque d'inspiration (vous avez dit Shadowland ?) Il n'y a pour l'instant aucune réponse à cela si ce n'est vous recommander de lire et d'attendre la suite.
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