BARBIE : LE FILM DE GRETA GERWIG PASSE AU CRIBLE "UNIVERSCOMICS"


 La sortie en salle du film Barbie est symptomatique de deux phénomènes. Une certaine infantilisation auto-infligée du public, mais aussi la panne de créativité évidente des studios, qui se tournent aujourd'hui vers la moindre adaptation possible d'un comic book, d'un jeu vidéo ou même d'une action figure (d'un jouet). Ces deux convergences réunies expliquent le succès attendu de Barbie, d'autant plus que la campagne publicitaire qui a précédé le long-métrage ressemble au matraquage d'une brigade de la BRAV-M durant une manifestation de gilets jaunes : implacable, personne n'est épargné et ça tape fort. Ceci étant dit, rien n'empêche que ce film soit une véritable réussite… ce qu'il aurait pu être, s'il avait exploité davantage le filon de la perméabilité qui s'opère entre le monde fictif du Barbieworld et notre univers bien réel, où rien ne fonctionne exactement comme chez les jolies poupées. Sans se contenter d'en dégager l'outrance, le ridicule. En gros, si le film avait choisi de ressembler un peu plus à Toy Story et un peu moins à un brûlot féministe. Car vous l'aurez compris, c'est cette seconde voie qui est privilégiée, passée la première demi-heure. Avec par ailleurs une leçon étrange, puisqu'il ne s'agit pas d'apporter un peu d'égalité ou de pointer du doigt des situations de déséquilibre scandaleux, mais de remplacer une domination (le patriarcat) par une autre, son exacte contraire, comme s'il n'était pas possible de trouver un juste milieu dans la fantomatique "guerre des sexes". D'ailleurs, si je n'ai rien à redire au sujet de la puissance et l'écrasante domination de l'homme à travers l'histoire, par rapport à la femme (si on considère l'accaparement des richesses, des postes de pouvoir et décisionnels) le film fait volontairement l'impasse sur la capacité qu'à la femme, juste parce qu'elle est femme - et donc aux yeux de l'homme féminine - d'avoir aussi des opportunités qui échappent à ses compétences et découlent de son être apparent… mais c'est un autre sujet et je préfère ne pas m'étendre; vu le climat actuel, ce serait comme jouer de la casserole dans un meeting de la majorité présidentielle, ça finirait mal. Curieusement, c'est lorsque le regard de la réalisatrice s'attarde sur Ken que Barbie (le film) devient ce qu'il doit être. Après tout, quoi de plus horrible, quel destin plus infâme, que de n'être rien. Juste un accessoire dont l'existence dépend du caprice d'une poupée blonde. Sans Barbie (le jouet) pas de Ken. Il est là pour la faire briller, pour la sublimer. Lui n'est qu'un pantin, émasculé. Et ça, on le comprend et le voit, dans le long métrage.



Au moins, les acteurs sont excellents et le film n'ennuie jamais. Barbie est en soi un très bon divertissement qui s'adresse un peu à tout le monde et c'est peu ou prou ce qu'on lui demandait. La fin est même très réussie; quelques minutes poignantes sans être trop lourdes. On reste donc sur un produit assez étonnant, compte tenu de l'idée saugrenue de départ, avec un réel capital sympathie. Barbie est en fait en prise directe avec la jeunesse féministe de 2023 et ses contradictions: la jolie blonde futile constitue l'hérésie autrefois fantasmée, si difficile à accepter et à intégrer dans une conscience de genre qui est aujourd'hui profondément remise en question, par des jeunes qui rejettent systématiquement l'idée même d'appartenir à un genre. Mais Barbie (le film), avec son packaging et ses excès roses outranciers, ses produits dérivés et son discours clairement capitaliste (Mattel s'offre même une longue publicité de presque deux heures) est capable de réussir un grand écart périlleux et d'emporter l'adhésion de ces mêmes nouveaux militants, que le fun et l'humour vont rapidement domestiquer. Il y a fort à parier que ce sera un des grands succès incontournables au box-office de 2023. Il ne me revient pas de dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose et d'ailleurs ce serait une interrogation stérile. Reste juste l'impression récurrente que ce qui devrait être un outil formidable et à encourager, le féminisme, a tendance à se transformer souvent en une arme, pour mener un combat au sens un peu trop littéral du terme. Barbie reste donc un film à recommander, tout en sachant que les attentes et les révélations métaphysiques et méta narratives que vous trouverez étalées comme de la confiture, dans bien des critiques de bien des journaux, ressemblent tout de même au service commandé de journalistes qui savent tout simplement prendre la bonne vague, au contraire de Ken sur une plage du Barbieworld. Entertainement, c'est déjà beaucoup.


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