S'il y a bien une chose que nous pouvons affirmer avec certitude, c'est que les années 1990 furent chez Marvel le triomphe des mutants. L'immense popularité des X-Men a bien entendu rapidement convaincu les pontes de la Maison des Idées qu'il y avait là un filon à creuser; autrement dit, ils ont vite admis la nécessité de multiplier les séries classées X, afin de truster les meilleures places des classement de vente des comic books. Bob Harras et Scott Lobdell étaient d'accord sur une chose en 1993, l'heure était venue de lancer un titre avec une formation de jeunots, des nouveaux venus modelés un peu sur ce qui avait été fait auparavant avec les nouveaux Mutants. Mais en l'occurrence, une génération plus en phase avec son époque et pas forcément axée sur l'aspect ultra violent et paramilitaire (X-Force occupait déjà ce créneau hardcore). C'est en effet l'interaction entre les personnages, leur inexpérience, leurs failles, qui vont faire tout le sel de Génération X, au départ. La formation est annoncée lors d'un crossover qui s'intitule le Complot Phalanx et là, il est difficile pour moi de rester neutre car nous sommes en train d'aborder mes années lycées/début de fac… et clairement, c'est toujours avec une petite larme à l'œil que je me tourne vers les productions Marvel d'alors. Il s'agissait de la tentative d'invasion de notre planète par une entité biologique extraterrestre, les Phalanx, une forme de vie techno-organique susceptible de se substituer à l'espèce humaine classique. Pour faire court, le corps humain devient alors une sorte d'extension siliconée, une machine répondante à l'appel d'un grand esprit collectif. C'est le point de départ pour la réunion de Génération X, dont les deux mentors vont être le Hurleur (Sean Cassidy), dans le rôle d'une sorte de baroudeur assagi qui se retrouve avec de nouvelles responsabilités (dont il s'acquitte plutôt bien d'ailleurs) et Emma Frost, la reine Blanche du club des Damnés, en phase de rédemption. La voir en charge de former des adolescents après la disparition tragique et coupable de ses Hellions est une étape fondamentale dans l'évolution de ce personnage. Les recrues, elles, sont originales et possèdent un sacré potentiel. Par exemple, sacrée trouvaille que ce Chamber, défiguré par la manifestation de ses pouvoirs, qui lui ont emporté toute une partie du visage. Il lui reste la télépathie pour communiquer et une aura énergétique qui s'étend depuis sa bouche, faisant de lui un paria parfait, gothique et tourmenté. On trouve aussi une des sœurs Guthrie, Paige, dont le nom de code est Husk, et qui peut changer de peau… littéralement. Un peu dégoûtant mais parfois très utile.
Du côté des autres membres du groupe, nous découvrons ainsi Skin, dont les pouvoirs sont un peu semblables à ceux de Mister Fantastic, si ce n'est qu'ils sont totalement incontrôlables et se présentent comme une maladie de peau dégénérative, assez dégoûtante. Monet St. Croix est une pimbêche isolée et ultra intelligente, qui cache un lourd secret de famille destiné à vite se révéler, en présence de Penance, une créature dont il n'est pas possible de s'approcher sans se faire découper en fines rondelles. Synch, qui a la faculté de répliquer les pouvoirs des autres au contact de leur "aura" est tout de même plus fade, tandis que l'équipe de Generation X est complétée par Jubilé, directement rétrogradée de la bande des X-Men adultes, ce qui va lui permettre de frayer un temps avec des jeunes de son âge. Ceci a une importance notable car c'est, je le répète, un des points forts de la série : mettre en scène des adolescents qui ont certes un quotidien terrifiant, comme celui que peuvent avoir les super-héros, mais aussi des problèmes de cœur, des doutes ou tout simplement des tranches de vie tout à fait de leur âge. Le premier adversaire notable dont ils vont croiser le chemin est une sorte de vampire/parasite capable d'aspirer la moelle de ses adversaires. Il se nomme Emplate, il est terrifiant, notamment parce que le style de dessin de la série est terrifiant ! Chris Bachalo fait exploser la mise en page classique et le respect canonique des formes, pour remplir les épisodes de trouvailles insensées, utilisant à merveille le noir, les ombres, le mouvement des héros, les apparitions à effet, pour offrir un montage délirant qui va participer grandement au succès de Generation X. La petite bande va se consolider comme le ferait une famille (le scénario de Lobdell insiste pas mal sur ce point, notamment avec une parenthèse de Noël dans l'épisode 4 qui renforce cette idée) et les intrigues vont tout d'abord s'appuyer sur ce thème (qui est vraiment Monet ? Et Penance ?) et jouer de la frustration adolescente (Chamber se sait différent et voué à le rester, Jubilé n'accepte pas d'emblée la "rétrogradation" chez les ados). Et en toile de fond, Sean Cassidy et la Reine Blanche aiment se détester, mais peu à peu en arrivent à se comprendre et se compléter. Le genre de série Marvel que beaucoup se contentent d'évoquer rapidement, mais qui replacée dans le contexte de son époque, est un des exercices stylistiques et narratifs les plus aboutis de la Maison des Idées, dans sa phase "mutants à chaque coin de rue". L'arrivée en Intégrale est une sacrée aubaine pour ceux qui n'ont jamais ou juste survolé ces épisodes.
Venez parler des mutants sur la première page communautaire comics de France :
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