PUNISHER L'INTÉGRALE 1987-1988 : MIKE BARON AUX COMMANDES


 Avec l'intégrale du Punisher, l'heure est venue d'enfin aborder les choses sérieuses. Non pas que ce qui a précédé était sans importance, mais il s'agissait de récits déjà publiés ailleurs, qu'il est aisé de retrouver en librairie. Ici, nous parcourons la phase des petits albums souples que Semic mettaient en vente dans les années 1990 sous la dénomination de Version Intégrale. Une autre époque, où ne pas saucissonner ou retoucher un comic book Marvel semblait un privilège. Nous avons droit, ainsi, aux épisodes 4 à 10 de la série régulière du Punisher, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il se passe des choses fondamentales pour l'anti-héros par excellence. Nous faisons ainsi connaissance avec Microchip, informaticien et seul allié régulier de Frank Castle. Mais aussi du fils de ce génie, Junior. Micro, c'est l'aide de camp parfait pour Castle, un type qui va être son side-kick dans les coulisses durant des années, dont la disparition me reste encore en travers de l'estomac. Le Punisher, sous le pseudo de Frank Loomis, enquête sur un ex flic dont la femme a été embrigadée dans une secte. Il se retrouve face au gourou de celle ci, un certain "Révérend", doué du pouvoir de guérir par l'imposition des mains. Castle n'y croit pas une seconde, sauf que lorsqu'il se prend une balle dans le dos et pense devoir y rester, les incroyables dons du Révérend vont bien le tirer d'affaire. Superbe invention que ce personnage mystique et illuminé, qui apparait même sympathique… jusqu'aux dernières cases du quatrième épisode où son véritable visage nous est révélé. Le Punisher infiltre alors le camp principal de la secte, en Guyane. Il ne perd pas de vue son objectif premier, mais la femme qu'il recherche activement n'hésite pas à s'offrir à lui dès la première nuit ! Inutile de faire durer le suspense : quelle chance peut avoir cette bande de cinglés contre la puissance de feu de notre Punisseur ? La réponse est évidente. Aucune. On enchaîne avec le Punisher au beau milieu des ordures. Au sens propre du terme, si je puis dire. La compagnie de ramassage des déchets des frères Rosetti est attaquée par une famille mafieuse, qui utilise une décharge à ciel ouvert pour stocker des produit  toxiques, tout particulièrement du plutonium, ensuite revendu à des extrémistes arabes. Leur but : fabriquer une bombe en plein Central Square. Castle se charge de faire le ménage, mais seul contre une quinzaine d'hommes lourdement armés, la tâche n'est pas si simple. Au milieu de la tourmente,  on a droit à un premier team-up avec une justicière du nom de Rose Kugel, qui se dit agent du Mossad, les services secrets israéliens. Entre contre espionnage et guerre urbaine, une aventure qui se termine mal pour l'un des deux redresseurs de tort (devinez lequel ?) et qui prouve que s'il fallait trouver une seule faiblesse à Frank Castle, ce pourrait bien être les femmes.


Le Punisher débarque ensuite à Wall Street pour faire cesser les agissements de deux jeunes requins de la finance, Arnold Ansen et Roky Vance. Tout se complique quand ils reçoivent la visite d'un certain Takegura et de son garde du corps massif, pour une transaction souterraine de la plus haute importance. En parallèle, Castle enquête sur un boucher qui découpe aux couteau les clochards de Wall Street. Et les deux pistes pourraient bien finir par se recouper. Aux cotés du Punisher nous retrouvons Microchip Jr, qui va d'ailleurs y laisser sa mâchoire. Mais il y a pire pour lui, un destin funeste, avec un retour à la maison dans un sac mortuaire. Un drame poignant signé Mike Baron, qui livre des épisodes vraiment incisifs et urbains, du pur Punisher comme on en rêverait aujourd'hui. Cotés crayons, Klaus Janson et ses planches nerveuses, cradingues, sont l'écrin parfait pour les débuts d'une série remarquable, avant l'arrivée de Whilce Portacio, qui orientalise Frank Castle, et nous offre de belles prouesses anatomiques, avec une approche tout aussi tendue et expressionniste, qui va engendrer nombre de compliments en cette fin de décennie et bien des copieurs dans la suivante. On passe plus tard à un team-up attendu, avec un récit où un cinglé fait des ravages dans le Queens : il glisse des comprimés au cyanure dans des confections d'aspirine "Zumatrin". Le Punisher décide de remonter la piste, grâce notamment à l'aide précieuse des Témoins de Jehova, qui connaissent bien le quartier. Son enquête l'amène chez un malade du culturisme, et sa voisine en manque d'affection. Déguisé en plombier, Castle s'infiltre dans le bâtiment et met la main sur le roi de la gonflette. Seulement voilà, Daredevil s'en mêle lui aussi; et sa vision de la justice diffère radicalement de celle du Punisher. Premier "face to face" entre les deux opposés, entre l'angélisme de la loi et la punition expéditive. La même histoire, sous un autre point de vue, est narrée sur les pages de Daredevil 257, également inséré dans cette Intégrale. Signalons pour finir la présence d'un graphic novel assez rare, Assassin's Guilde, dans lequel le Punisher dézingue des… assassins, donc, sans oublier de coucher avec l'une d'entre elles (Reiko), le tout dans une absence criante d'émotions et de morale. Castle est une machine imparable, il tire et pense ensuite. Sans remords. Mary Jo Duffy nous glace le sang, avec un Jorge Zaffino admirable au dessin. C'est sombre comme jamais, la pénombre est omniprésente, la violence suinte des cases, de chaque case, on en redemande. Bref, vous l'aurez compris, si Castle est aujourd'hui une épine dans le pied de Marvel, il fut un temps où il était choyé et mis en valeur avec classe. Alors ne boudez pas votre plaisir. 



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