C'est une sarabande infernale qui commence, avec des entrées et des sorties continues de prison, des gamins insupportables qui sèment la zizanie partout où ils passent, sans oublier des villageois bien peu courageux, prêts à jeter la pierre au premier yankee venu troubler leur petite paix illusoire. Lucky Luke l'admet clairement, à un moment donné, les gosses ce n'est pas son rayon. On le voit mal à l'aise avec ces horribles mioches, qui braillent, piaffent, mangent (mal) et trompent l'assistance en permanence. Les parents y sont pour beaucoup, ça va de soi. Derrière ce beau monde, Grubby Feller et Bittercreek sont des portraits plus attendus, ces méchants pas très intelligents qui traversent la légende de l'homme le plus rapide de l'Ouest. Blutch au dessin, c'est réjouissant, élégant, personnel et familier à la fois. Son protagoniste est une sorte de pantin en mousse longiligne, très souple, au regard souvent médusé. Un cousinage avec Gaston Lagaffe (ou Averell Dalton ?), version lunaire et désabusée. Les gamins et les autres personnages sont délicieusement horribles, avec des expressions qui figent à merveille le côté obtus et grotesque de leurs comportements, de leur fonction dans cet album. Même le lettrage s'adapte et épouse les intentions de l'artiste, ajoute de la fluidité à un ensemble qui se révèle pleinement réussi. Cocasse et exempt du moindre temps morts, ce nouvel hommage est un exemple patent de ce que signifie réinventer une série classique, tout en respectant ses codes et sa nature. On sent l'amour et le savoir faire là-dedans, merci Blutch.
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