Bien que n'étant pas du tout un fan inconditionnel des histoires où la magie joue un rôle prédominant, la sortie du second tome d'Arrowsmith me réjouit particulièrement. Il s'agit avant tout d'une série particulièrement bien écrite. Kurt Busiek y est remarquable de justesse et il bénéficie de dessins somptueux, qui ne font qu'accentuer la peine et le regret d'avoir perdu aussi prématurément Carlos Pacheco. Revoici le personnage principal, Fletcher Arrowsmith ! Un an s'est écoulé depuis les débuts de l'aventure mais celui qui grandissait dans l'ouest du Connecticut, en observant les prouesses des unités d'élite aérienne et en espérant un jour pouvoir les rejoindre et les égaler, a bien changé ! Il a appris à voler, à maîtriser les rudiments de la magie et il s'est retrouvé embarqué dans les méandres du grand conflit qu'est la première guerre mondiale. Dans ce second tome, il est envoyé en Lotharingie occupée. Nous sommes en mars 1916 et Fletcher va devoir affronter une mission extrêmement périlleuse, qui consiste principalement à se laisser capturer, de manière à pouvoir passer en territoire ennemi où il est censé rencontrer un maître espion, qui va lui permettre d'atteindre son vrai objectif (dont il ignore tout pour le moment). Une révélation qui va aller de paire avec la nature même de la magie, mais aussi ses racines, son identité, la raison pour laquelle il parvient aussi efficacement à maîtriser tous ces dons fabuleux, y compris lorsqu'il est en zone étrangère (et pour autant capable de puiser dans la magie locale). Et comme toujours, la guerre n'est pas qu'un ensemble de combat stériles mais c'est aussi une manière de parler du danger de la politique, de l'absurdité du comportement humain, de la domination d'une classe sur les autres, de racisme. Busiek est toujours aussi sensible et pertinent dans sa manière de développer l'histoire; il l'est même peut-être encore plus que dans la première mini série, déjà publiée auparavant.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que du temps à passé depuis le premier volume de cette série : presque vingt ans séparent les deux productions et la bonne nouvelle, à en juger par la manière dont se termine le tome 2, c'est qu'il se pourrait bien qu'il y ait, par la suite, d'autres histoires à raconter. Même si il faudra forcément se passer du talent à l'état pur de Carlos Pacheco, et ce ne sera pas une chose simple ! S'il bénéficie ici d'un autre encreur (José Rafael Fonteriz), ses planches sont d'une simplicité et d'une beauté formelle parfois carrément envoûtante. Le ton est quelque peu différent car comme le dit l'introduction, un an a passé et Fletcher est devenu quelqu'un d'autre, désormais habitué aux horreurs de la guerre, beaucoup moins naïf qu'auparavant. La dynamique avec Guy, l'espion qu'il rencontre et qui va lui servir tout un cours d'utilisation pratique de la magie, fonctionne très bien et permet d'amener le personnage principal vers un autre niveau de connaissance, d'enquêter même sur ses réelles origines et expliquer au lecteur d'où lui vient ce potentiel inné et encore à exploiter. Le discours sur la magie prédomine mais Busiek n'oublie pas non plus de nous expliquer à quel point les grands ce monde, ceux qui ont dominé, conquis et triomphé, peuvent aussi être de véritables tyrans sanguinaires : il suffit pour cela de changer l'approche, de se mettre un instant dans la peau de celui qui a été terrassé, pour comprendre qu'en effet, l'histoire est écrite par les vainqueurs et a trop souvent tendance à oublier les souffrances et la détresse des perdants. D'ailleurs, la plupart du temps, y a-t-il véritablement des vainqueurs ou des perdants, lorsque c'est le peuple ou les soldats qui sont pris en considération et pas leur dirigeants ? La lecture est donc très agréable, bien troussée, digne de ce que fut le premier tome. Il n'y a clairement aucune raison de se priver de cette suite qui était vraiment très attendue et disponible chez Delcourt. Il existe aussi une très belle variant cover de Paul Renaud, proposée par Excalibur et Central Comics à 300 exemplaires.
Le Tome 1 est chroniqué ici
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