Le Pingouin, vous connaissez, forcément ! Oswald Cobblepot, un des ennemis les plus baroques de Batman, qu'il a longtemps été difficile de prendre au sérieux. Il faut dire qu'au premier regard, le type est replet, particulièrement repoussant, affublé d'un défaut de locomotion, et il a un nez crochu, panoplie singulière qui le rapproche fortement de cet animal habitué à se dandiner sur la banquise, et qui n'est pas célèbre pour être un fauve de premier ordre. Oui, mais voilà, derrière ces caractéristiques peu engageantes se cache un des maîtres de la pègre de Gotham, un de ces types capables d'éteindre les vies de ses ennemis d'un simple claquement de doigts et d'organiser les pires méfaits depuis sa base opérationnelle, une sorte de grand casino appelé la Banquise, où toutes les personnes les moins recommandables de la ville finissent par se retrouver. Enfin, tout ça c'était avant, car le Pingouin est censé être mort, tué par Batman. Du coup, cet album qui présente la première partie de la mini-série qui lui est consacrée, écrite par Chip Zdarsky (le numéro 0) et Tom King (le reste) va relater ce qui a bien pu se passer en réalité, ce qu'est devenu le Pingouin, comment il tente de reconstruire sa vie loin de Gotham, cette fois à Métropolis. Vous avez déjà vu ce genre de récit, quand un vilain absolument incontournable et sanguinaire devient tout à coup raisonnable… vous le provoquez dans la rue, vous l'insultez, vous l'offensez, mais il ne réagit pas de suite, poursuit son petit bonhomme de chemin et semble même manifester l'envie de se racheter, en tous les cas de faire le bien. Vous vous en doutez, derrière cette façade de respectabilité se cache toujours un prédateur capable du pire, et en effet, cela ne va pas tarder !
C'est que dans cet album il est aussi question de l'héritage du Pingouin. Une fois éliminé de la scène, qui va bien pouvoir mettre les mains sur son empire financier, sur son casino, toutes ses relations avec la pègre ? La succession est ouverte et bien entendu, cela risque de faire des étincelles, d'autant plus que chose étonnante, il faut aussi compter sur les enfants d'Oswald ! C'est parmi eux que Catwoman est censé mener sa propre mission afin de les avertir qu'ils vont être concernés. Seulement voilà, à chaque fois que Selina se présente sur les lieux pour en informer l'un d'entre eux, c'est avec un coup de retard : ils sont tous assassinés les uns après les autres. Ce polar reprend tous les codes habituels chers à Tom King, que ce soit sur la forme (les fameux jurons qui sont remplacés par des signes, un langage assez cru) que sur le fond (beaucoup de personnages qui se télescopent, des enjeux assez fumeux qui nécessitent une réelle attention de la part du lecteur, un récit qui ne respecte pas une linéarité parfaite). Aux dessins Rafael De Latorre livre une prestation absolument parfaite pour ce genre d'histoire. Ils sont très réalistes et sombres, l'artiste parvient à magnifier tout le côté glauque de cette mini série et convient parfaitement à Gotham et ses sbires. On retrouve aussi le personnage de l'Aide, vu récemment dans Killing Time, sauf qu'il n'apparaît pas aussi puissant et incontournable qu'alors, mais finit par être mis au pas assez rapidement par le Pingouin. J'admets avoir été surpris. Pour le reste, ça se lit très agréablement et les amateurs du genre devraient y trouver réellement leur compte. On pourra juste regretter ne pas avoir eu directement une édition en un seul gros volume, comme cela est souvent le cas pour les travaux de Tom King.
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