LE GANT DE L'INFINI : L'OMNIBUS DE "INFINITY GAUNTLET" AVEC THANOS


 Remontons le temps jusqu’aux années 1990, à une époque où Thanos, le grand vilain cosmique de l’univers Marvel, nourrissait une passion aussi ténébreuse que dévorante : son amour pour la Mort, entité abstraite personnifiée en femme silencieuse et glaciale. Dans un élan aussi fou qu’abject, il envisagea de lui offrir un présent à la hauteur de ses sentiments – un génocide universel. Rien de moins que la moitié de la population de l’univers, sacrifiée comme preuve de sa flamme. Pour mener à bien ce projet apocalyptique, le Titan fou entreprit une quête désespérée : réunir les six Gemmes de l’Infini (ou Joyaux de l’Infini, selon les traductions), chacune conférant à son détenteur le contrôle absolu sur un aspect fondamental de l’existence — le temps, l’espace, l’âme, l’esprit, la réalité et le pouvoir. Combinées dans le Gant de l’Infini, ces gemmes font de celui qui les possède un dieu omnipotent. Thanos, stratège méticuleux, n’hésite pas à affronter et à terrasser les détenteurs successifs des gemmes. Le Collectionneur, le Jardinier, le Coureur ou encore le Champion sont balayés un à un dans des affrontements mémorables. Le Silver Surfer, en première ligne, pressent la menace et se précipite sur Terre pour alerter les héros. Mais il est déjà trop tard. Thanos est devenu une entité divine, et le cosmos tout entier s’apprête à sombrer dans le chaos. Ce qui rend Thanos si fascinant, c’est cette combinaison de puissance brute et de froide intelligence. Il est retors, manipulateur, philosophe du néant. Lorsqu’il médite, c’est l’équilibre cosmique lui-même qui vacille. Sa quête ne se résume pas à l’accumulation de pouvoir : elle est une déclaration d’amour malade, une tentative d’être jugé digne par la Mort elle-même — laquelle, ironie suprême, demeure muette et indifférente. Thanos, humilié, sombre alors dans une folie meurtrière. Il n’est plus seulement un conquérant, mais un amant éconduit qui frappe l’univers pour exorciser son rejet. Ce parcours tragique trouve son point culminant dans The Infinity Gauntlet, l’une des plus grandes sagas de l’histoire Marvel, écrite par un Jim Starlin en état de grâce (le Défi de Thanos, selon la traduction des anciens RCM de Semic). Starlin orchestre ici une véritable épopée métaphysique, où les dieux tombent et les héros échouent. Les scènes s’enchaînent comme autant de vignettes d’apocalypse : des justiciers broyés à mains nues, étouffés dans le vide spatial, ou réduits à l’état de cendres. Chaque affrontement est une leçon d’humilité, jusqu’à cet instant inoubliable où Captain America, seul face à Thanos, brandit son bouclier et frappe, comme l’ultime rempart contre le néant. Une image gravée à jamais dans la mémoire des lecteurs.


Mais au-delà de la démesure cosmique, The Infinity Gauntlet est aussi une histoire de sacrifice et de rédemption. Car face à un Thanos devenu dieu, un seul être ose se dresser : Adam Warlock, figure messianique chère à Starlin, revenu du Monde de l’Âme pour restaurer l’équilibre. Son retour signe le renversement du pouvoir absolu, non par la force, mais par la sagesse, la foi, et une compréhension intime de son ennemi. Bref, cet omnibus regorge de scènes puissantes, chargées d’une émotion rare dans les comics de l’époque. Qui peut oublier le Surfer s’écrasant, épuisé, dans le sanctuaire du Doctor Strange, ou cette planche saisissante où Thor survole un Pacifique vidé de sa géographie : le Japon a disparu. Autant de visions d’un monde en déliquescence, écrasé par le caprice d’un dieu frustré. Et pourtant, à travers le tumulte, The Infinity Gauntlet conserve une forme de solennité tragique. Tout cela, rappelons-le, pour les beaux yeux de la Mort. Autour de Thanos, les traîtrises se multiplient. Ses alliés, loin d’être fidèles, guettent le moment où ils pourront s’emparer de son trône. Mephisto, démon lubrique et manipulateur, cherche à tirer profit du chaos. Nebula, que Thanos prétend avoir "sauvée", incarne une revanche familiale cinglante et malsaine. Le Gant suscite les convoitises, et sa toute-puissance ne garantit rien d’autre que l’isolement. Graphiquement, la série est portée par George Pérez, maître du détail et de la lisibilité dans l’excès, puis par Ron Lim, qui livre ici son chef-d’œuvre absolu. À eux deux, ils construisent un monument visuel à la gloire de l’univers Marvel, avec une fluidité narrative exemplaire, malgré le gigantisme du récit. Cette saga n’a rien à envier aux grandes tragédies antiques : elle parle de puissance, de solitude, de désir inassouvi et de chute inévitable. C’est d’ailleurs cette fresque cosmique, profondément humaine sous ses oripeaux divins, qui a inspiré la saga cinématographique du Marvel Cinematic Universe. L’ombre réadaptée de Infinity Gauntlet plane sur Avengers: Infinity War et Endgame, même si le propos y est simplifié, les motivations de Thanos édulcorées. L’essence demeure : la quête des gemmes, l’obsession du Titan, la lutte collective contre un destin implacable. Infinity Gauntlet demeure l’une des pierres angulaires des comics super-héroïques. Une œuvre dense, philosophique, explosive, et d’une ambition rarement égalée. À lire, à relire, à méditer. Dans cette version 2025 chez Panini (nous vous proposons la variant cover spéciale de l'éditeur), qui sera suivie des autres volets de la trilogie (War et Crusade), vous trouverez une multitude de séries annexes, principalement tous les numéros du mensuel Silver Surfer qui anticipe la catastrophe, mais aussi des épisodes de Hulk, Sleepwalker, Quasar... Dans le tumulte cosmique, certaines vérités – sur le pouvoir, l’amour, la perte – résonnent étrangement fort et sont toujours d'actualité. Plus que jamais. 


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2 commentaires:

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    1. Pas tant que ça finalement, si on considère qu'il est systématiquement battu, à chacune de ses entreprises...

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