SUPERMAN FOR ALL SEASONS : LES 4 SAISONS DE L'HOMME D'ACIER


 Il y a des œuvres qui s’attachent à raconter les origines d’un mythe, assez besogneuses, et d’autres qui cherchent à comprendre ce qu’il y a derrière, avec intelligence et savoir faire. Superman : For All Seasons fait indéniablement partie de cette deuxième catégorie. Publiée à la fin des années 1990 par Jeph Loeb et Tim Sale, cette mini-série en quatre épisodes se place dans le sillage de Batman : Year One ou The Long Halloween, non pour offrir une réécriture spectaculaire des débuts du héros, mais pour dresser un portrait intime, fragile et profondément humain de Clark Kent. Le pari est simple : montrer Superman non pas comme l’Homme d’Acier invincible, mais comme le garçon du Kansas qui doute, qui tombe, qui espère – et surtout, qui fait ses propres choix. Si ça ne vous rappelle pas ce que vous venez (peut-être) de voir au cinéma, que le grand cric me croque. Chaque épisode de la quadrilogie est calé sur une saison – printemps, été, automne, hiver, je ne vous apprends rien – et porté par un narrateur différent. Quatre voix, quatre regards qui participent à définir qui est Superman. Au printemps, Jonathan Kent prend la parole. C’est l’époque des promesses et des commencements : Clark est encore lycéen à Smallville, ses pouvoirs évoluent, et son identité est en pleine mutation. Cette saison inaugure une transition, celle de l’enfance vers l’âge adulte, de Clark vers Superman. Loeb y excelle dans la simplicité avec la figure du père, dépassé par ce fils devenu plus fort que lui, mais déterminé à lui transmettre une boussole morale. Tim Sale, de son côté, pare cette chronique douce-amère de couleurs pastel, de traits ronds, presque tendres, qui soulignent la chaleur d’un foyer, mais aussi le vertige d’un futur incertain. En été, c’est Lois Lane qui prend le relais. Nous voilà à Metropolis, en pleine lumière. Superman est apparu au grand jour, et ses actes héroïques captivent les foules autant qu’ils déconcertent. Pour Lois, figure cynique du journalisme urbain, l’homme venu des cieux est une énigme troublante : pourquoi, avec de tels pouvoirs, choisir d’aider plutôt que de dominer ? Cette question fondamentale irrigue toute l’œuvre. Le Superman de Loeb n’est pas une divinité bienveillante, mais un homme qui choisit chaque jour de faire le bien. La scène où il rentre seul dans son appartement, baigné d’un bleu crépusculaire, dit mieux que mille discours le poids de cette vocation. Ce serait si facile de céder, après tout.



Puis vient l’automne, le temps du doute, du déclin. Lex Luthor s’empare du récit. Génial, manipulateur, visionnaire, Luthor est ici dépeint comme un homme blessé d’amour-propre, ulcéré de voir sa ville préférer ce messie tombé du ciel. Pauvre chou. Son combat contre Superman n’est pas motivé par la kryptonite, mais par une jalousie fondée : il hait ce que Superman révèle de lui-même, son impuissance à inspirer, à élever. Et, plus retors encore, il décide de s’en prendre non pas aux muscles de son rival, mais à sa morale. C’est en cela que Luthor est grand : il comprend que la véritable faille de Superman, c’est son humanité. L’hiver, enfin, est confié à Lana Lang. Amie d’enfance, amoureuse contrariée, elle incarne à la fois le souvenir d’une innocence perdue et l’amertume d’un avenir rêvé puis trahi. Elle aussi souffre du départ de Clark, de sa transformation. L’hiver est celui des regrets, des chemins séparés. Mais c’est aussi, à travers la neige et le silence, le moment d’une renaissance. Lana et Clark, chacun à leur manière, acceptent leur solitude, et tirent de cette mélancolie une force nouvelle. Superman n’est jamais aussi grand que lorsqu’il doute – et ces Saisons nous le rappellent avec une infinie tendresse. Le point commun de ces quatre histoires, c’est Smallville. La ferme des Kent devient le cœur battant : un refuge, un repère, une ancre. Clark y revient toujours, que ce soit pour se reconstruire, pour se souvenir, ou simplement pour respirer. Là où Batman est né dans une ruelle, Superman, lui, a grandi dans un champ de maïs et baigné d'amour. Toute la différence est là. Le trait de Tim Sale sublime cette approche. Il capture à la perfection la dualité Clark/Superman : corps massif dans une salopette trop courte, puis silhouette filante dans le ciel. Son art est fait d’ellipses, de suggestions. Peu de lignes, mais toujours le bon geste. Et les couleurs enveloppent l’ensemble d’une lumière douce, presque sépia, qui évoque autant les souvenirs d’enfance que les instants suspendus. For all seasons est l’une des plus belles œuvres jamais consacrées à l’Homme d’Acier. Elle répond à une question que trop peu de récits prennent le temps de poser : pourquoi ? Pourquoi Superman est-il Superman ? Et la réponse, ici, ne tient ni à Krypton, ni au soleil jaune, ni aux collants rouges. Elle tient à une poignée de gens ordinaires, à un père et une mère qui croient en lui, à une amie d’enfance, à une ville qui l’a vu partir et où il a ses racines. Urban Comics en propose une version "prestige" depuis la fin juin, sur le modèle de ce qui vient d'être fait avec All-Star Superman.




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