Il faut donc se réorganiser, tourner le dos à de vieilles habitudes pourtant indispensables, dans tout bon récit survivaliste. Hors de question de chasser, de tuer pour se nourrir. Quitte à se transformer en cormoran et laisser la petite communauté se nourrir des cadavres d'oiseaux post-transformations. Le dessin, en aquarelle subtilement numérisée, fonctionne à la fois comme écriture, musique et mise en scène. L’image chez Ríos n’illustre pas le texte, elle le compose. Le rythme vient des silences, des gestes hésitants, de la façon dont l’eau floute les contours. Le lettrage, réalisé à partir de sa propre écriture manuscrite, fond encore davantage la voix de l’autrice dans l’image. C’est une bande dessinée où chaque goutte semble peser dans la narration, où chaque planche devient un tableau mouvant, hanté par des absences. Un tel tour de force graphique qu'on peut le qualifier d'hypnotique, en tous les cas capable de faire oublier l'évanescence apparente, par moments, d'une histoire qui n'est de toute manière pas faite pour tout le monde, cela est vrai. Car Emma Ríos ne cède jamais à la tentation de l’explication. Elle préfère la sensation au concept, le trouble à la démonstration. C’est exigeant, mais profondément respectueux du lecteur : celui-ci n’est pas un spectateur, mais un naufragé parmi les autres, sommé de se débrouiller comme ces gosses qui déconstruisent et réapprennent. Conte philosophique à évolution lente, Anzuelo questionne ce que nous devenons quand il n’y a plus de société où nous intégrer, plus de langage pour tout baliser. Une fluidité totale, qui se retrouve aussi dans la représentation des personnages, qui brouille l'idée de genres dès les premières cases. Du reste, le "iel" et l'écriture inclusive ne sont pas absent des débats (et je suis loin de souscrire à cette façon de faire, mais ici cela s'insère dans une esthétique, dans un parti pris narratif). Bref, laissez-vous prendre au piège, que dis-je, à l'hameçon (Anzuelo en VF), avec de surcroit un énième écrin à la hauteur proposé par 404 Graphic, qui fait de chaque parution une expérience artistique et sensorielle.
ANZUELO : L'OEUVRE TOUTE PERSONNELLE D'EMMA RIOS CHEZ 404 GRAPHIC
200ÈME NUMÉRO DU PODCAST LE BULLEUR : UN PÈRE (CHEZ CASTERMAN)
- La sortie de l’album Les étincelles que l’on doit à Pauline Lega ainsi qu’aux éditions Sarbacane
- La sortie de l’album Caballero Bueno que l’on doit au scénario de Thomas Lavachery, au dessin de Thomas Gilbert et c’est édité chez Rue de Sèvres
- La sortie de l’album Plus loin qu’ailleurs que l’on doit à Christophe Chabouté, un titre édité chez Glénat sous le label Vents d’ouest
- La sortie de l’album Le diable et Coral que l’on doit à Josep Homs, un titre édité chez Dargaud
- La sortie de l’album Candy Superstar et les muses de la pop que l’on doit au scénario de Claire Translate, au dessin de Livio Bernardo et c’est édité chez Delcourt dans la collection Encrages
- La réédition de l’album Chiens de prairie qui revient en librairie chez Anspach, un titre signé Philippe Foerster au scénario et Philippe Berthet au dessin.
ABSOLUTE SUPERMAN TOME 1 : LES POUSSIÈRES DE KRYPTON
Ce Superman là est organique et humain, il ne triche pas. Dans sa défense des opprimés, qu'il fréquente, qu'il assiste, en temps que prolétaire révolté devant les injustices commises par ceux qui peuvent et donc se permettent un peu tout et n'importe quoi. Et aussi dans sa manière de vivre et d'interagir avec le monde, comme lorsqu'encore jeune écolier sur Krypton, il subissait les foudres de ses enseignants parce qu'il insistait pour écrire ses textes seul, sans recourir à l'intelligence artificielle, détentrice de tout le savoir de son monde. D'ailleurs, savoir, sur sa planète natale, c'est un peu fomenter la révolte, représenter un trouble majeur à l'ordre public. Le monde se meurt, sans que ses couches ouvrières ne le sachent, pendant que les élites tentent d'évacuer dans la plus grande discrétion. De quoi forger un mental et surtout un moral pour le futur Homme d'Acier. Côté dessin, Sandoval régale. Son Superman est minéral, presque tellurique, vibre d’une intensité brute, renforcée par les couleurs terreuses magnifiques d’Ulises Arreola. La chaleur visuelle contraste avec la froideur de "l’armure", ce qui instaure un équilibre subtil entre l’homme et l’icône. La cape notamment, est une trouvaille visuelle très intrigante. Chaque page semble ciselée pour servir la cause : donner chair à un mythe différent, mais semblable. Absolute Superman est clairement un paradoxe réussi : le titre réinvente sans trahir, bouscule sans perdre le cap. Il pose des questions, ose des réponses, et surtout, il ne cherche pas à tout prix à plaire à ceux qui veulent encore et toujours le Superman "classique". Il propose une autre voie. Tout en resservant les personnages secondaires essentiels (Lois Lane, Jimmy Olsen, entre autres) à des fonctions inattendues mais somme toute logiques. Et à voir le héros se diriger vers Smallville, en toute fin d'album, on a hâte de lire la suite, pour voir la légende s'étoffer.
Sortie le 30 mai.
UniversComics, la communauté des fans de BD et comics !
ORIGINES : LE DERNIER ESPOIR DE L'HUMANITÉ 2.0 CHEZ 404 GRAPHIC
La série flirte sans arrêt avec les mythes : on pense évidemment à Adam et Ève, mais aussi à Prométhée, Frankenstein ou même CARL 500. David est à la fois l’Alpha et l’Oméga, créateur devenu possibilité de rédemption, et sa mémoire originelle, toujours absente de sa conscience réinitialisée, flotte comme une épée de Damoclès narrative. Chloe, elle, craint que ces souvenirs ne soient trop lourds à porter – d'autant plus que la mémoire de David comprend aussi la source d'inspiration de sa propre création. De la mère à l'amante, le pas n'est pas si long. Au fil des pages, Le Réseau se dévoile, s'étend, telle une menace omniprésente. C'est une entité presque organique, un écosystème artificiel dont la mission semble être l’éradication de l’humain. Des nanites qui infectent le tissu végétal et ce qui reste du règne animal, pour donner corps à des formes de vie inédites, au service d'une traque à grande échelle. Je le répète, cet album est d'une beauté parfois renversante, mais il faut aussi tenir compte de son rythme, si on souhaite éviter l'incompréhension : contemplatif, parfois au bord de l’hermétisme. L’ambiance l’emporte sur les rebondissements et l'action, mais les lecteurs patients y trouveront leur compte et auront de quoi se rincer les mirettes avec des planches qui compteront parmi les plus saisissantes que vous dévorerez cette année. Origines n’est pas un simple récit de science fiction, c’est une parabole sur les responsabilités humaines face à la technologie, un poème visuel sur la fin de notre espèce, l'espoir de la voir renaître. Magnifique, énigmatique, et parfois un brin aride, la série joue habilement des préoccupations modernes, comme l'Intelligence Artificielle, pour en tirer un scénario apocalyptique mais aussi résilient, avec des machines nées pour servir, d'autres pour détruire. Humains ou tas de circuits imprimés, il semblerait que nous soyons tous condamnés aux mêmes errances, au même écartèlement. En tout les cas, que c'est beau !
Pour plus de Jakub Rebelka, retrouvez notre avis sur JUDAS.
UniversComics, votre communauté comics BD sur Facebook
DUCK AND COVER : FIN DU MONDE ENTRE TEENAGERS
Côté intrigue, inutile de trop en dire, Duck and Cover ménage ses effets. Disons seulement que Del, après un cataclysme improbable, se retrouve avec une poignée de survivants, poursuivi par des créatures mutantes, et qu’un DJ nommé Popsicle joue les Saint-Bernard au son de la radio. Oui, vraiment. Et encore, vous n’avez rien vu. Un Popsicle qui est aussi complotiste avant l'heure, de ceux qui prédisent forcément une invasion extraterrestre imminente, à une époque où la Guerre Froide et les progrès de la science et de l'atome font vriller bien des cerveaux. Si l’on retrouve chez Snyder des obsessions récurrentes — trauma, mutation, société en déliquescence — il insuffle à cette mini série une sincérité nouvelle, presque candide. Del est un héros attachant, aussi rêveur que résilient. Duck and Cover, c'est savoir se glisser sous les tables de l'école, en cas d'explosion, mais clairement se planquer sous son bureau ne relève pas dans cette bande dessinée de la blague cynique, mais de la vraie stratégie de survie. Snyder est là avant tout pour nous divertir mais il ne faut pas chercher la petite bête si on veut profiter au mieux de cet album ; le basculement vers la science-fiction dure et pure est radical et contient en germe une centrifugeuse de bien des films ou situations célèbres de l'anticipation. Parcours initiatique d'un groupe de jeunes, qui confrontés à l'impensable parviennent tout de même à se hisser au niveau et à révéler les véritables personnalités de chacun, cette histoire réserve aussi une fin qui n'en est peut-être pas une, tant il est possible de prolonger cet univers et d'en faire un terrain d'expérimentation pour comic books décomplexés. Sortez le pop-corn et bonne dégustation (chez Delcourt).
ABSOLUTE WONDER WOMAN TOME 1 : LA DERNIÈRE AMAZONE
Kelly Thompson offre aux lecteurs la possibilité d’évoluer en terrain familier, tout en leur proposant une nouvelle approche de la mythologie propre à Wonder Woman. Steve Trevor est également de la partie, tout comme Etta Candy, mais les personnages ne sont plus tout à fait ceux que nous connaissions jusqu’alors. Quant à Wonder Woman, privée de la présence de ses sœurs amazones et de son rôle d’ambassadrice, elle se présente ici comme une guerrière, dernier rempart entre une population menacée et un monstre gigantesque nommé le Tétracide, capable de dévorer non seulement les corps, mais aussi les âmes. Le style de Sherman est extrêmement épuré : les lignes des visages, comme la plastique des corps, sont parfois réduites à l’essentiel. Textures rugueuses, traits anguleux sont au menu, mais cette simplicité formelle finit par séduire, avec un petit côté naïf qui s’accorde bien avec les ambitions de ce nouveau titre. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est cette image de Wonder Woman compatissante, toujours prête à se sacrifier – qu’il s’agisse d’une partie d’elle-même, d’un bras, ou de sa propre tranquillité. Elle a d’ailleurs quitté Circé, sa mère adoptive. L’héroïne choisit la voie de la compréhension, du partage, de l’amour. Le monde entier va donc faire connaissance avec cette héroïne inspirante, mais qui peut aussi susciter la peur – notamment chez certains militaires paniqués, peu enclins à se réjouir de voir une inconnue leur damer le pion et se poser en interlocutrice privilégiée face à un envahisseur sinistre. Découpé en deux parties qui se répondent – l’enfance de Diana aux Enfers et sa révélation au monde dans le temps présent – cet album s’impose comme une lecture simple, directe, sans fioritures, mais attachante.
UniversComics, la communauté des fans de BD et comics :
SPIDER-MAN L'EMPIRE 2 : KAARE ANDREWS ET LA SUITE DU "REIGN"
Reign 2 joue la surenchère permanente. Violence graphique, twists en rafale, timeline bancale, histoire délirante : l’ensemble a des allures de cauchemar éveillé où les repères explosent. Ce sera le grand point fort du travail d'Andrews, la raison pour laquelle beaucoup vont adorer, tandis que beaucoup d'autres vont détester. Peu importe les raisons rocambolesques qui permettent cela, Peter va avoir l'occasion de revenir en arrière et d'effacer la mort de Mary Jane. S'il avait su la laisser partir, peut-être n'aurait-elle pas succomber à la maladie, les choses auraient pu être fort différentes… seulement voilà, dans cette nouvelle réalité qui attend le Tisseur, il y a aussi une version inédite de Venom qu'il va falloir affronter, tout en composant avec la présence de Miles Morales, qui a lui aussi connu une existence tragique et qui a bien changé depuis le personnage gentillet que nous connaissons. Andrews s'amuse avec de nombreux points de l'histoire que nous avons tous en tête, à commencer par le Spider-Man de McFarlane, pour brouiller les pistes, redistribuer les cartes, revenir en arrière, pour nous raconter ce qui aurait pu être ou plutôt ne sera jamais, en raison de la malédiction de Parker, ici portée à son paroxysme au niveau de ses conséquences. Peu importe si le scénario n'est pas toujours très clair, si par moments ce que l'on lit semble perdre un peu de sens, ce qui est en jeu ici, c'est la représentation graphique explosive qui caractérise son travail, qui a subi une évolution ultérieure depuis l'Empire (premier du nom), au point de devenir aujourd'hui une version survitaminée et postmoderne des années 1990. Alors oui, c'est clairement brouillon, ça n'est pas quelque chose d'indispensable, mais pour autant, le produit fini à quelque chose de fascinant dans son imperfection. Notez que vous pouvez trouver une édition présentant les deux histoires, premier et second récit, disponible chez Panini Comics, dans un coffret pour 39 euros.
UniversComics, la communauté Facebook des fans de comics
ABSOLUTE BATMAN TOME 1 : LE ZOO (SNYDER ET DRAGOTTA POUR UN BATMAN EXPLOSIF)
Absolute Batman, c’est un peu comme si Frank Miller avait pris un café (très serré) avec Mark Millar, en relisant un bon paquet de comics des années 1990. Loin d’être une simple redite, ce nouveau départ targué Absolute ose, bouscule, et surtout réinvente le mythe à sa façon. Ce qui fait la force de ce Batman là, c'est-à-dire la décomplexion totale au niveau de l'histoire et du dessin, peut aussi être son talon d'Achille, notamment pour tous les pisses froid ou ceux qui sont allergiques au travail de Scott Snyder. Celui-ci continue d'œuvrer sur un personnage qu'il connaît très bien et il en renouvelle encore la personnalité, mais aussi le background, tout en conservant son caractère inflexible et une manière expéditive d'agir. J'ai déjà parlé de Martha, la mère de Bruce Wayne, mais il convient de dire que c'est ici son père, simple enseignant qui rêvait pourtant d'une carrière de grand chirurgien, qui a connu tragiquement la mort lors d'une sortie au zoo de Gotham. C'est d'ailleurs en cherchant refuge dans une sorte de dépôt à chauve-souris que le petit Bruce a fait la rencontre des chiroptères qui vont l'inspirer pour devenir la grande figure de la lutte contre le crime dans sa ville. Plus que de crime, en fait, parlons de décadence, de délitement de la société : tout ici est plus violent, tout ici semble exagéré et en même temps furieusement contemporain, étant donnée l'époque trouble à laquelle nous vivons. Cerise sur le gâteau, l'emblème sur le costume de Batman, donc, qu'il est possible de détacher et qui est en fait une plaque thoracique de métal, qui se transforme en une hache tranchante, au besoin ! Vous l'aurez compris, le Batman Absolute n'est pas là pour plaisanter et son titre se présente comme un comic book qui appuie sur l'accélérateur, une descente pied au plancher dans les méandres d'une Gotham plus corrompue que jamais, avec comme seule paladin un justicier privé de la proverbiale et colossale fortune qui l'assiste en temps normal, mais toujours animé par une croisade qui ne connaît ni pose, ni atermoiement. Sortie le 30 mai, pour finir le mois en fanfare et fureur, chez Urban Comics.
WILSON NEBULA (PERDUE DANS L'ESPACE) : CHEZ UPPERCUT EDITIONS
UniversComics, la communauté Facebook des fans de comics
LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : LA TRILOGIE BERLINOISE (La pâle figure)
Dans le 199e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente La pâle figure, deuxième tome de La trilogie berlinoise que l’on doit au romancier Philippe Kerr et qu’adapte Pierre Boisserie au scénario, François Warzala, un ouvrage publié aux Arènes BD. Cette semaine aussi, le Bulleur revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie de l’album La force de vivre que l’on doit à Laurent Astier et aux éditions Rue de Sèvres
- La sortie de l’album Deux femmes que l’on doit au scénario d’Arnaud Le Gouëfflec, au dessin de Laurent Richard et qui est édité chez Glénat
- La sortie de l’album La Muette que l’on doit au scénario de Valérie Villieu, au dessin de Simon Géliot et c’est édité chez La boite à bulles
- La sortie de l’album La rose et l’olivier que l’on doit à Mélaka, qui parle des amère Gudule, un titre édité chez Delcourt dans la collection Encrages
- La sortie de Soixante ans de solitude, quatrième et dernier tome de la série Charlotte impératrice que l’on doit à Fabien Nury au scénario, Matthieu Bonhomme au dessin et c’est édité chez Dargaud
- La réédition en intégrale de La déconfiture, album que l’on doit à Pascal Rabaté et qui est édité chez Futuropolis.
SENTRY LA SENTINELLE : PAUL JENKINS ET JAE LEE POUR UN VRAI MUST HAVE
SENTRY RENAISSANCE : LE SUPER-HEROS QU'ON AVAIT OUBLIÉ
Bob vit un calvaire. Il perçoit, en temps réel, chaque drame, chaque accident, chaque cri de détresse aux quatre coins du globe. Et il sait qu’au moindre moment de relâchement, au plus petit instant de repos qu’il s’accorde, des vies seront perdues — des vies qu’il aurait pu sauver. Son existence n’est donc qu’un dilemme permanent : se reposer, ou voler au secours du monde entier. Même ses interventions doivent être choisies, et ses choix ont des conséquences parfois lourdes, que l'opinion ne saurait voir ou peser. Toute cette aventure est profondément psychologique, ce qui peut déconcerter les amateurs de grandes bastons généralisées. Ce n’est pas tant ce que le personnage est capable de faire qui est au cœur de l’histoire, mais bien ce qu’il est réellement. Quelle est la part de délire et celle de vérité ? Pourquoi une grande partie de ses souvenirs a-t-elle disparu ? En quoi consiste exactement la dualité entre Sentry et Void ? Nous sommes ici face à une interrogation existentielle et psychologique poussée, incarnée notamment par le personnage du psychiatre, qui joue un rôle fondamental. Il permet d’explorer les méandres d’une psyché tourmentée tout en jouant habilement avec l’histoire des comic books Marvel, dans une sorte d’interpénétration continue entre l’univers de fiction que nous connaissons depuis des décennies et le monde réel supposé qu’on nous propose ici comme contrepoint. Un exercice d’équilibrisme narratif plutôt réussi, à mes yeux, pour ce qui demeure l’un des meilleurs travaux de la carrière de Paul Jenkins. Au dessin, il est épaulé par John Romita Jr., généralement bien plus à l’aise dans les scènes grand-guignolesques, pleines d’explosions, d’action et de violence. Ici, Romita doit souvent composer avec des moments plus statiques, des échanges verbaux, et pourtant il s’en sort avec les honneurs. Ceux qui apprécient son style devraient y trouver leur compte, même si l’on reste un ton en dessous de ses grandes réussites sur Daredevil ou Spider-Man. Ce Sentry-là est un héritage de ce que Marvel a pu produire au début des années 2000, une époque de grande liberté créatrice qui a permis, en quelques années, de redresser spectaculairement une compagnie que l’on croyait alors sur le point de disparaître. Avec toutefois cette certitude un peu amère : un personnage aussi fascinant, mais aussi puissant (un dieu, en quelque sorte), ne peut que devenir encombrant dès lors qu’on tente de l’utiliser de façon stable et continue dans un microcosme super-héroïque déjà bien établi.
UniversComics, lire et comprendre les comics :
BATMAN DARK PATTERNS AFFAIRE UN : L'HOMME BLESSÉ
Si pour le GCPD, aucune piste ne semble de dessiner, Batman parvient à comprendre ce qui peut unir les trois premières victimes, et donc à anticiper les suivantes. D'autant plus que durant son enquête, qui le porte à investiguer dans les bureaux du premier individu assassiné (un avocat à succès), le héros affronte une escouade de vigiles, indice certain d'un complot plus vaste. Finalement, Batman identifie la prochaine cible du tueur, qui semble suivre l’ordre alphabétique d’une liste d’hommes ayant perdu un proche. Bruce attend donc l’assassin devant l’appartement du malheureux et va se retrouver nez à nez avec un homme dont le corps est couvert de clous, de pointes et de lames. Batman s’apprête à intervenir mais il comprend qu’il ne peut frapper nulle part. Chaque objet planté dans le corps du tueur est positionné de façon à ce qu’un coup porté le déplace — et que ce déplacement provoque sa mort. Batman ne peut rien faire sans transgresser sa règle : ne jamais tuer. Et ce n’est pas tout : l’homme ne ressent apparemment aucune douleur. Cette absence de sensations est la clé de cette première enquête, qui va emmener le héros jusque dans les banlieue pavillonnaires de Gotham, là où on n'a pas l'habitude de le voir en tenue. Dan Watters suscite l'adhésion avec une enquête où la tension est constante et savamment dosée. L’idée d’un ennemi que Batman ne peut frapper sans le tuer est une manière brillante de retourner contre le Dark Knight son propre code moral. L'album peut sembler un peu léger, du fait de sa faible pagination, mais la qualité de l'ensemble est indéniable, et pourrait même bien réconcilier ceux que le Batman intouchable de certaines histoires trop héroïques pour être honnêtes a fini par rebuter.
THE CRIMSON CAGE : DU CATCH ET MACBETH CHEZ AWA STUDIOS
The Crimson Cage (inédit en Vf à ce jour) est une relecture de Macbeth transposée à l'époque moderne et mixée à l'univers assez baroque du catch professionnel. Le protagoniste, Chuck Frenzy, est une grande vedette de la modeste fédération LPW, basée en Louisiane. Adulé par les fans, il aspire pourtant à décrocher une place plus prestigieuse et à offrir une vie meilleure à son épouse et assistante, Sharlene. Un soir, après avoir un peu trop bu, il erre dans le bayou et croise trois sorcières qui lui prédisent qu’il a la possibilité de devenir champion du monde… à condition d’être prêt à faire tout ce qu’il faut pour y parvenir. Par tout ce qu'il faut, il faut bien sûr comprendre des choses horribles, un meurtre, faire couler le sang ! L’idée de croiser Macbeth et le catch professionnel est quelque chose qui peut sembler totalement ridicule ou impossible, seul John Lees pouvait réellement la concrétiser avec autant de brio. L’adaptation reste fidèle à l’histoire d’origine tout en l’intégrant parfaitement au monde des catcheurs masqués, ce qui force l’admiration. Rien d’étonnant, puisque Lees est un grand passionné de lutte et d’histoire du wrestling. L’album regorge d’allusions aux catcheurs et ce qui est assez génial, c'est que même quelqu’un qui n’est pas initié à ce milieu pourra comprendre et apprécier le récit, tant il est vulgarisé avec classe et bien écrit. Son amour pour Shakespeare transparaît également, et il réussit de manière magistrale à fusionner ces deux univers.
ANZUELO : L'OEUVRE TOUTE PERSONNELLE D'EMMA RIOS CHEZ 404 GRAPHIC
Il est rare qu’une bande dessinée post-apocalyptique commence sans tambour ni trompette, sans zombies, cyborgs ni bombes atomiques à foison...

-
Comme chaque samedi désormais, nous vous proposons de plonger dans l'univers de la bande dessinée au sens le plus large du terme,...
-
UNIVERSCOMICS LE MAG' 46 Octobre 2024 / 60 pages / gratuit Disponible ici (lecture + téléchargement) : https://madmagz.app/fr/viewer/...
-
UniversComics Le Mag' 45 Septembre 2024 84 pages Dispo ici : https://www.facebook.com/groups/universcomicslemag/permalink/1049493353253...