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SHIN ZERO : LES SENTAIS PAUMÉS DE BABLET ET SINGELIN


Nous vivons dans un monde dominé par les services, où même les prestations les plus absurdes donnent lieu à une compétition féroce. Entre la création d’applications en ligne et, bien sûr, l’odieux système de notation basé sur la satisfaction du client envers le prestataire, tout est soumis à l’évaluation. Alors, pourquoi ne pas étendre ce concept au genre "sentai" ? Filons donc au Japon pour y retrouver une bande de jeunes adultes confrontés aux défis du quotidien. Trouver de l’argent pour financer leurs études, gagner en indépendance, accepter une colocation pour ne plus vivre chez leurs parents… L’un des moyens les plus efficaces pour joindre les deux bouts ? S’inscrire sur une plateforme permettant de devenir sentai. Il ne reste alors qu’à se procurer un costume coloré adapté à l'activité, rappelant les célèbres séries comme Bioman ou Power Rangers, et le tour est joué. Cependant, les missions proposées s’avèrent loin de l’imaginaire héroïque associé à ce genre importé du pays du Soleil Levant. Ici, point de combats épiques contre des monstres terrifiants. Les tâches confiées consistent parfois simplement à surveiller un supermarché ou à faire du nettoyage. Parmi ces jeunes héros d’un nouveau genre, mentionnons particulièrement Satoshi, le plus passionné de tous. Il voue un véritable culte aux kaijus, ces monstres légendaires qui, autrefois, dévastaient régulièrement le Japon. Ces créatures ont inspiré la première génération authentique de sentais, dont les exploits, amplifiés par la taille démesurée de leurs ennemis et par celle qu'il pouvaient atteindre eux-mêmes (après des manipulations très poussées en laboratoire) représentaient une forme de sacrifice patriotique. Ces héros mettaient leur vie en jeu pour protéger leur pays. Puis, un jour, après un ultime combat titanesque, les kaijus ont disparu du Japon. Depuis, les sentais occupent de simples postes alimentaires, à la recherche de quelques yens. Mathieu Bablet réalise avec Shin Zero un véritable tour de force, en réinterprétant toutes les caractéristiques d’un genre devenu culte à travers le monde. Il en fait une œuvre personnelle et profondément touchante, centrée sur une bande de jeunes paumés. Ces derniers doivent non seulement apprendre ce que signifie être adulte, mais aussi composer avec des préoccupations encore bien adolescentes.


Nous avons parlé de Satoshi, mais n'oublions pas tous les autres ! Warren, l’intellectuel du groupe, semble n’avoir aucune raison évidente de devenir un sentai. Pourtant, il s’y est résolu, influencé par le passé de son père, lui-même sentai en son temps. Sa motivation principale reste toutefois de rester proche d’Éloïse, pour qui il nourrit un tendre béguin. Éloïse, de son côté, est une jeune femme pétillante et entreprenante, mais elle ne répond pas à ses attentes sentimentales. Pire encore, elle semble même préférer Nikki, qui se distingue par sa praticité au sein de l’équipe, bien qu’elle aussi ait des raisons toutes personnelles de se consacrer à cette profession précaire. Sophie, quant à elle, partage avec les autres son statut de jeune adulte, mais elle se distingue par sa situation familiale : déjà mère d’un enfant dont elle n’a pas encore la garde, elle doit faire ses preuves pour pouvoir l’accueillir au sein de leur colocation générale. Cette joyeuse troupe est finalement quelque peu influencée par un leader autoproclamé (Satoshi), animé par une conviction inébranlable : la disparition des monstres, des kaijus, depuis une vingtaine d’années, n’a rien de naturel. Il est persuadé qu’un mystère – voire un complot – se cache derrière cet événement, et il s’est donné pour mission d’en découvrir la vérité, rêvant secrètement de défier un jour l’une de ces créatures légendaires. Le récit est sublimé par le talent de Guillaume Singelin, dont le trait précis et délicat regorge de petits détails. Sa capacité à adapter ses planches à un style proche du manga rend Shin Zero tout à fait digne des meilleurs titres du genre, voire supérieur, grâce à un scénario à la fois sensible et parfaitement structuré, ainsi qu’une inventivité graphique continue. Bien que le format proposé convienne parfaitement à la lecture, on ne peut s’empêcher de rêver à des pages agrandies, tant le travail de Singelin mérite qu'on profite des moindres idées. L’édition, publiée par le label 619 désormais intégré chez Rue de Sèvres, ne souffre d’aucun défaut. Avec un prix de moins de 14 euros pour 216 pages, il serait insensé de passer à côté de ce qui sera sans doute l’une des meilleures publications de ce début d’année. Shin Zero démontre qu’il est possible de concevoir une histoire admirable, capable de captiver un public allant des adolescents aux adultes lecteurs confirmés, sans céder ni à la facilité ni à la complaisance infantile. Cette œuvre donne furieusement envie de lire la suite, un sentiment que peu de séries parviennent à susciter de cette manière, aujourd’hui. Heureusement, deux autres volumes sont déjà prévus… On a hâte !
Sortie le 24 janvier. Disponibles aussi avec trois jaquettes collector exclusives (Canal BD, Fnac, Cultura).



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BLOOD MOON : HORREUR SUR LA LUNE AVEC LE LABEL 619


 Pour qu'un thriller soit bon et angoissant, il faut savoir planter le décor. Ici, c'est (bien) fait dès les toutes premières pages, avec une colonie minière sur la Lune, au tout début du 22e siècle. Il faut avoir un sacré courage pour aller bosser sur notre satellite, alors que les conditions de travail sont désastreuses et particulièrement dangereuses; mais c'est très bien payé et du coup les candidats continuent d'affluer, même si le taux de mortalité est beaucoup plus élevé que la moyenne. Une fois sur place, il n'y a pas grand-chose à faire, si ce n'est bosser, s'enfiler des shots de tequila et de whisky pour résister et fréquenter les filles de joie, dans des bordels rétro high-tech.  Mais cette morosité mâtinée de science-fiction sociale vole en éclat le jour où un premier meurtre est découvert sur cette colonie minière, appartenant à la société E-Mining. Le type assassiné a été mis en scène, un peu à la façon du Christ sur sa croix, mais pire encore, puisque il a été énucléé et éventré. Bref, quelque chose d'absolument horrible, qui ne laisse aucun doute sur le caractère malsain de ce qui s'est produit. Dès lors, nous entrons dans une forme de thriller scientifique assez efficace et sans concession. Qui dit thriller dit bien entendu quelqu'un chargé de l'enquête, qui va assumer, bien malgré lui, le rôle du héros, celui qui est chargé de faire émerger la vérité dans notre récit. Il s'agit d'un certain Benjamin, chef de la sécurité, qui va devoir comprendre qui est l'assassin et quelles sont ses motivations. Autre élément important qui pourrait le mener sur la piste des coupables, un tatouage avec deux initiales laconiques : BM. Pour ne rien arranger, le bodycount ne fait que commencer.


Une des particularités du Label 619, c'est de privilégier clairement la qualité à la quantité. Ne vous attendez pas à une inflation de sorties (dorénavant chez Rue de Sèvres) mais plutôt à des albums pleinement maîtrisés et longuement attendus, distillés avec parcimonie. Pour Blood Moon, qui est inspiré par le film de science-fiction Outland (sorti en 1981 et lui-même dérivé de Le train sifflera trois fois), le label accueille Fred Bones, qui constitue une recrue de choix, s'il en est. Vous lirez un peu partout que son trait anguleux, un poil caricatural et âpre n'est pas sans évoquer du Mignola, mais surtout (à nos yeux de profanes) du Phil Hester, illustrateur très talentueux qui nous a encore gratifiés d'un beau Family Tree avec Jeff Lemire, il y a deux ans. Bones gère tout comme un maître, y-compris la couleur, ce qui permet de restituer une ambiance très sombre, poussiéreuse, minérale ou métallique, jusqu'à la révélation finale qui est peut-être un poil au dessus de ce vers quoi le scénario semblait tendre. D'une enquête qui verse dans une forme de mysticisme glauque et horrifique, on aboutit à une illumination presque métaphysique et universelle, qui a elle seule aurait justifié une autre histoire ou un autre tome. Disons que les dernières pages dépassent, de loin, ce qu'on pouvait avoir en tête pour échafauder une hypothèse dans la compréhension du récit. Pour le reste, les codes du genre sont bien employés et assimilés, le dynamisme et la tranchant du dessin servent à merveille une histoire qui n'a rien de tendre ou de poétique mais transpire la frustration et la claustrophobie dès la première planche. On étouffe; respirer est un atout majeur sur ce genre de théâtre d'opération, d'où l'importance, comme il est rappelé à un certain point, de ne pas vomir dans son scaphandre au risque d'être condamné. L'air est vicié dans chaque case, la tension monte progressivement avec la certitude d'un complot qui gagne en ampleur, qui part sur la piste d'un délire sectaire et politique. Blood Moon ressemble admirablement bien à ce qu'on voudrait trouver et qu'on est habitués à lire avec le Label 619. Un "LowReader présente" qui fait le job et le fait bien. 

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