LE CAHIER DE VACANCES DE METAL HURLANT


 Il est possible que vous pensiez avoir passé l’âge… Souvenez-vous : à l’époque de l’école primaire, voire même du collège, vous receviez parfois, de la part de votre famille, un cadeau aussi inattendu que redoutable : le fameux cahier de vacances. Ce compagnon estival avait pour vocation de combattre l’ennui des grandes vacances tout en maintenant éveillés des neurones menacés de se flétrir durant l’oisiveté de juillet-août. La bonne blague ! Eh bien, figurez-vous que cette tradition perdure — et de manière étonnamment réjouissante — grâce à un éditeur comme Les Humanoïdes Associés. Ils proposent un cahier de vacances d’un genre un peu particulier, puisqu’il s’agit d’une extension de la légendaire revue Métal Hurlant. Vous pensiez être un fan absolu de pop culture, maîtriser tous les arcanes de la science-fiction, connaître sur le bout des doigts l’univers de l’épouvante et des voyages spatiaux ? Ce cahier pourrait bien ébranler vos certitudes. Car oui, il contient un très grand nombre de jeux — plus de 300 activités ludiques — qui vont vous confronter à une vérité implacable : on n’a jamais fini d’apprendre, même à un âge avancé comme le mien (cinquante ans, tout de même !). Outre des jeux plus classiques, comme les mots mêlés ou les labyrinthes, vous découvrirez surtout un questionnaire extraordinaire, conçu pour mettre à l’épreuve vos connaissances en matière de science-fiction, de cinéma, de séries télévisées, voire d’histoire. Et, cerise sur le robot, chaque réponse est accompagnée d’une contextualisation qui vous apportera des informations aussi précises que passionnantes. Je vais être honnête avec vous : je ne me pensais pas être le public cible de cette parution… et pourtant, je me suis prêté au jeu avec un plaisir non dissimulé.



Plus sérieusement, ce cahier de vacances dépasse largement le cadre des simples activités ludiques. On y trouve, par exemple, toute une série d’articles rédactionnels signés par Lloyd Chéry, qui permettent d’approfondir certains des aspects les plus marquants de la science-fiction et de la pop culture. Parmi les sujets abordés : l’univers Fondation d’Isaac Asimov, La Planète des singes, ou encore Kingdom, l’un des mangas les plus percutants de ces dernières années. Une autre section, confiée à Christophe Quillien, revient sur les cinquante ans de Métal Hurlant : des tout débuts en 1975 jusqu’à ce qu’est devenue aujourd’hui cette marque emblématique de l’édition française. Et ce n’est pas tout : on y découvre aussi une bande dessinée inédite de Thomas Bidault intitulée Rien ne va plus, ainsi qu’un poster central complètement psychédélique et bubble-gum, signé Jean Dalin. En réalité, ce cahier ne ressemble à rien de prévu. C’est une sorte d’OVNI vacancier et estival, débarqué sans crier gare chez les marchands de journaux. On pourrait croire qu’on peut très bien s’en passer, mais dès qu’on le prend en main et qu’on commence à le feuilleter, il devient l’un des compagnons les plus recommandables pour toute activité récréative sous le soleil. Une véritable pause Métal Hurlant, en somme. Qu'on recommande en dégustation avec un mojito ou une blanche bien fraîche. 



UniversComics, la communauté BD comics sur Facebook 

LES AVENGERS DE JONATHAN HICKMAN EN OMNIBUS


 Avec son travail sur Avengers et New Avengers, Jonathan Hickman a redéfini le concept-même de nos bons vieux Vengeurs, transformant un groupe de super-héros en un instrument narratif d’une ambition rarement atteinte dans les comics mainstream. À partir de 2012, il orchestre une véritable saga en deux volets parallèles, publiés en alternance, qui ne cesseront de converger vers un même point de rupture : la fin du multivers. De tout, en fait. Deux séries mensuelles. Deux récits jumeaux. Et une seule vision d’auteur. Tout commence avec Avengers (vol. 5, il faut suivre), qui s’ouvre sur une volonté de grandeur. Tony Stark et Steve Rogers décident de faire passer les Avengers dans la division supérieure . Leur modèle ? La planète. L’équipe s’agrandit massivement, elle accueille alors aussi bien des figures connues que des recrues inédites. Le cast prend un sacré coup de fouet par là-même ! L’idée est de pouvoir faire face à toutes les menaces, y compris celles qui dépassent la simple Terre. D’emblée, Hickman pose les bases d’un conflit cosmique avec l’arrivée d’Ex Nihilo et d’Abyss, deux êtres venus du lointain système d’Alpha Centauri pour… remodeler la Terre à leur façon. Très vite, on comprend que ce n’est que le premier coup de semonce. La Terre, la nôtre, est spéciale. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. En parallèle, dans New Avengers, Hickman délaisse l’héroïsme expansif pour se concentrer sur une tension sourde, presque claustrophobe. Ce sont les Illuminati qui occupent la scène, cette bande de petits cachotiers : Black Panther, Iron Man, Mister Fantastic, Namor, Docteur Strange, Flèche Noire et le Fauve. Ensemble, ils découvrent le phénomène des incursions : deux univers entrent en collision, et l’un des deux doit périr pour que l’autre survive. Le point d’impact est toujours le même : la Terre, chez nous. Le dilemme moral devient vite insoutenable. Détruire une planète, tuer des milliards pour sauver son propre monde ? Ou ne rien faire, et périr avec dignité ? Là où Avengers bâtit un empire de lumière, New Avengers creuse dans l’ombre. La construction est d’une rare intelligence : à mesure que l’équipe principale explore le renouveau cosmique (l’avènement des systèmes, la carte des Bâtisseurs, l’éveil de la Terre comme acteur cosmique), les Illuminati s’enfoncent dans des choix de plus en plus sombres. Le miroir est parfait. Les mêmes héros, deux visions irréconciliables. Il faut se salir les mains, à un moment donné.




Hickman ne ménage pas son lecteur. Il construit une fresque. À la manière d’un puzzle géant, chaque numéro ajoute une pièce au vaste échiquier qu’il déploie : l’univers est une machine, la Terre un point d’ancrage, et les Avengers des rouages dans un engrenage cosmique qui les dépasse. Et puis tout s’accélère avec le crossover Infinity. Dans le plus profond de l'espace la situation dégénère avec l'avancée inexorable de la race des Bâtisseurs qui envahissent et remodèlent tous les mondes qu'ils rencontrent. Accessoirement ils peuvent aussi les détruire. Sur Terre, c'est de Thanos dont il faut se méfier. Le Titan Fou a décidé d'écumer le cosmos à la recherche de tous les enfants illégitimes qu'il y a semé. Sur notre planète son rejeton vit caché au beau milieu d'une cité inhumaine secrète, mais avec les bonnes armes et un peu de persuasion on finit toujours par obtenir les renseignements les plus précieux. Thanos a su s'entourer d'un équipage aussi cruel que lugubre avec des créatures véritablement antipathiques et repoussantes, comme Proxima Minuit, Corvus Glaive ou Mâchoire d'ébène (dont le nom est tout un programme). Et dans les étoiles c'est la déroute, la débandade. Les Avengers pensaient avoir du pain sur la planche mais ils vont au devant d'une cuisante catastrophe et ils accumulent revers sur revers, devant ainsi se rendre à l'évidence : dans un conflit de cette ampleur avec de tels enjeux, les pertes humaines sont à prévoir, et il faudra un sacré talent de stratège pour trouver la faille et changer le cours d'une guerre inexorable. Infinity c’est aussi le premier point d’orgue de tout le travail du scénariste, depuis son arrivée sur la franchise des Avengers. La suite est encore plus dingue puisque son véritable objectif est de déconstruire le Marvel Universe avec Time runs out et Secret Wars (la suite au prochain omnibus, le second est programmé en décembre). La liste des artistes qui illustrent ces pages d'anthologie est longue et comprend des noms qui forcent le respect, comme Jerome Opena, Jim Cheung, Mike Deodato, Steve Epting, Stefano Caselli, Leinil Yu, ou encore Dustin Weaver. L'achat n'est pas recommandé, il est, pour ceux qui n'ont pas ces épisodes dans leur bibliothèque, simplement obligatoire. 



UniversComics sur Facebook, la communauté des fans de comics :

LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA LONGUE ROUTE


 Dans le 201e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente La longue route, adaptation de l’ouvrage de Bernard Moitessier par le scénario de Stéphane Melchior et le dessin de Younn Locard, un ouvrage publié chez Gallimard. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Manouche manouche que l’on doit à Johann G. Louis ainsi qu’aux éditions Dargaud


- La sortie de Rédemption, le cinquième titre de la série Wild west, un western que l’on doit au scénario de Thierry Gloris, au dessin de Jacques Lamontagne et c’est publié aux éditions Dupuis


- La sortie de l’album Méditerranée que l’on doit à Aurel, un titre publié aux éditions Futuropolis


- La sortie de Septembre 59, le premier tome de la série Les gorilles du général, un titre que l’on doit au scénario de Xavier Dorison, au dessin de Julien Telo et c’est publié aux éditions Casterman


- La sortie de l’album Après l’orage que l’on doit à Jean Cremers ainsi qu’aux éditions du Lombard


- La réédition au grand format avec bonus du second volet des aventures de Blacksad, un titre baptisé Arctic nation que nous devons au scénario de Juan Díaz Canales, au dessin de Juanjo Guarnido et c’est publié chez Dargaud.



 

UniversComics, la communauté des fans de BD et comics :

 

JOUR J (ÉDITION SPÉCIALE) : LOS ALAMOS

 

Tout est une question de point de vue : on peut voir en Robert Oppenheimer un génie scientifique ayant contribué à mettre fin à la Seconde Guerre mondiale, ou au contraire, un esprit torturé ayant ouvert la voie à la course à l’armement nucléaire, précipitant ainsi le monde au bord du gouffre. Oppenheimer divise, encore aujourd’hui. Dans cet album spécial de la collection Jour J, on le retrouve au Nouveau-Mexique, quelques jours avant le fameux test Trinity, celui-là même qui scellera le sort du monde pour les décennies à venir. Avant qu’Hiroshima et Nagasaki ne soient pulvérisées, il faut d’abord qu’un engin expérimental fonctionne en plein désert. Et sans Oppenheimer — sans son savoir, sans sa capacité à résoudre les derniers calculs cruciaux — la réussite de l’opération semble quasiment impossible. Mais imaginons, même un instant, ce qui se serait passé si, à la dernière minute, le physicien avait pris la fuite. S’il avait sauté dans une voiture, sans prévenir personne, et s’était évaporé sur les routes poussiéreuses pour vivre une étrange odyssée, quelque part entre le vagabondage existentiel et la métaphysique. Une errance au cours de laquelle il croise, par un hasard improbable, un certain Jack Kerouac — oui, ce Kerouac, figure tutélaire de la beat generation, esprit libre tout juste déserteur de la Navy, et qui va se prendre d’affection pour Oppenheimer, au point de décider de l’aider à fuir les militaires qui le recherchent frénétiquement. Entre les deux hommes naît une complicité inattendue. C’est cette histoire que nous raconte Los Alamos, édition spéciale de la collection Jour J, publiée chez Delcourt. Au départ, il s’agissait des tomes 32 et 33 de la scollection, parus en 2019 ; les voici réunis dans un seul volume, enrichi d’un cahier rédactionnel à visée historique.



On a ici affaire à une brillante uchronie : et si l’homme qui portait sur ses épaules la responsabilité d’un cataclysme atomique décidait, à l’instant décisif, de ne pas aller jusqu’au bout ? S’il trouvait dans l’anarchie douce et la liberté radicale de ses nouveaux compagnons un moyen d’échapper à son destin ? Mais les auteurs ne s’arrêtent pas à cette simple parenthèse romanesque : Oppenheimer ne reviendra pas sagement à la base pour valider le test et changer le monde. Non, l’album pousse l’idée jusqu’au bout, en y injectant du suspense, des espions du KGB bien décidés à mettre la main sur le scientifique, le célèbre Eliott Ness ou encore William Burroughs, et toute une reconfiguration de l’histoire du XXe siècle qui, par ricochet, bouleverse aussi celle de l’humanité. Signé par Fred Duval et Jean-Pierre Pécau au scénario, Los Alamos est mis en images par Denys, dont le trait réaliste et très classique assure une lecture fluide et plaisante. Ce qui commence comme une biographie apocryphe se mue peu à peu en réflexion subtile, maligne, sur le pouvoir, la conscience, la fuite et les fractures de notre époque. Si vous n'aviez pas pu lire cette bande dessinée lors de sa publication initiale, vous avez ainsi une seconde chance à saisir, complément idéal et poétique du film de Christopher Nolan, sorti en 2023.


UniversComics, la communauté essentielle des fans de BD et comics


WONDER WOMAN HORS-LA-LOI TOME 3 : FURIE !


 Wonder Woman : Hors-la-loi, Tome 3, signé Tom King, nous rappelle avec éclat une vérité fondamentale : rien ni personne ne peut briser Diana. Peu importent les moyens déployés — coercition physique, isolement sensoriel, emprisonnement dans des cellules ultra-sécurisées —, la princesse amazone ne plie pas. Elle endure, elle transcende, et finit toujours par ressortir plus forte encore. Dans ce troisième tome, c’est le Souverain — héritier d’une dynastie occulte qui tire les ficelles de l’Amérique en coulisses depuis des générations — qui fait les frais de cette résilience quasi divine. Car Wonder Woman n’est pas qu’une héroïne de plus dans le panthéon DC : elle est une déesse incarnée, animée d’une compassion inébranlable, capable de défier n’importe quelle puissance, institutionnelle ou militaire. Alors, comment l’atteindre ? Comment espérer la faire vaciller ? Le stratagème est brutal : frapper là où ça fait mal. Assassiner Steve Trevor, son amour de toujours. Utiliser l’homme pour tenter de briser la femme, d’extirper la guerrière de sa dignité en l’amenant à céder à la rage, à la peur, à la vengeance. Mais là encore, l’entreprise échoue. Car si Wonder Woman vacille, elle ne s’effondre pas. Oui, elle souffre, elle traverse le chagrin, tente même de revoir Steve une dernière fois… jusque dans les Enfers. Et pourtant, derrière la peine, il y a la stratégie. Car Diana n’est pas seule. Avec l’aide de Chimp, le détective chimpanzé et d’un réseau de super-amis solidaires (tel que Clark Kent), elle orchestre un plan d’une précision chirurgicale, destiné à démanteler l’empire du Souverain pièce par pièce. On ne combat plus seulement un homme, mais tout un système. Ses avoirs, ses relations, son quotidien : tout est visé jusqu’à l’anéantissement.



Et n’oublions pas que Wonder Woman n’est pas seule. À ses côtés, trois jeunes héroïnes perpétuent la légende, et il faudrait aussi parler de sa propre fille, celle qu’on appelle Trinity. Le récit que nous découvrons est d’ailleurs tout entier construit en flashback : il part d’un point situé dans le futur, où le souverain déchu raconte cette sombre aventure à la fille de Wonder Woman. Contrairement aux récentes déclarations de Xavier Dorison dans Le Monde, où il exprimait sa déception face à la dérive autoritaire des super-héros américains devenus, selon lui, des figures aux accents fascisants, Tom King prend ici le contre-pied exact. Rien, absolument rien, dans Wonder Woman : Hors-la-loi ne relève de cette vision caricaturale. Bien au contraire, c’est une véritable leçon de tempérance, mais aussi une démonstration de force intérieure, de lucidité morale, et de résistance face à l’oppression venue des plus hautes sphères du pouvoir. À cela s’ajoute l’apport visuel exceptionnel de Daniel Sampere, dont les planches impressionnent par leur réalisme et leur puissance évocatrice. Son trait, précis et inspiré, donne vie à une Wonder Woman telle qu’on l’attend : lumineuse, imposante, jamais caricaturale, toujours juste, autant dans sa présence que dans ses émotions. Hors-la-loi s’impose donc comme une série à suivre de très près. On y lit, en filigrane, une réflexion profonde sur la liberté, la responsabilité politique, et l’éthique du pouvoir. Plus que jamais, si vous ne l’avez pas encore fait, il est temps de vous y plonger.



Pour en savoir plus :

Tome 1

Tome 2


UniversComics, la communauté des fans de BD et comics

UNIVERSCOMICS LE MAG' 53 de JUIN 2025 : ABSOLUTE UNIVERSE

 


UniversComics Le Mag' 53

Juin 2025


Obtenez votre copie : PDF à votre disposition (allez sur le lecteur en bas de cet article et cliquez sur la petite flèche qui indique le bas), ou lecture en ligne ici 

https://madmagz.app/fr/viewer/681a4652bc3ee900149066cb


ABSOLUTE UNIVERS 

* L'Absolute universe chez Urban Comics avec Absolute #batman Absolute #wonderwoman et Absolute #superman 

* Comics VO : One world under doom, Superman Unlimited et les Avengers West Coast.

* Le cahier critique avec les nouveautés dispos chez Urban Comics, Panini Comics France Delirium Uppercut Éditions Éditions Dupuis Delcourt Comics 

* Hommage à #ButchGuice 

* Le meilleur de la #BD avec le podcast #lebulleur 

* #Sentry arrive sur grand écran et Panini vous le ressert sur un plateau

* Preview de #punisher red band (septembre)


Merci XXL à notre Absolute graphiste #benjamincarret 

Le Mag' est un mensuel comics/BD qui vous est offert par passion. Purement amateur et bénévole, mais un outil toujours plus soigné et nous l'espérons, pertinent. Auteurs, éditeurs, lecteurs, contactez-nous !

Merci pour tous vos partages et vos réactions ! 



MI-MOUCHE (PREMIER ROUND) : TU VEUX TE BATTRE ?


 Ce qui rend un personnage rapidement inoubliable et attachant, ce ne sont pas forcément ses compétences extraordinaires, ses super-pouvoirs ou sa facilité à faire les choses et à trouver sa place. Non, c’est bien plus souvent une faille, des défauts, des difficultés dans la vie quotidienne — autant d’éléments qui permettent au lecteur de se reconnaître, ou du moins de s’intéresser à ce genre de profil. Et la petite Colette, héroïne de Mi-Mouche, a décidément connu une vie assez difficile jusque-là. Tout commence par un accident de voiture dans lequel sa sœur Lison trouve une fin tragique. La mère non plus ne sort pas indemne de la catastrophe : elle y perd un bras… et une fille. Depuis, Colette est surprotégée. Elle fait tout ce qu’elle peut pour plaire à sa maman, quitte à s’effacer peu à peu derrière les attentes qu’on projette sur elle, les rêves qu’on construit pour elle — et qui ne sont peut-être pas les siens. Prenons la danse, par exemple. C’était aussi une des passions de Lison, avant l’accident. Colette comprend bien qu’on attend d’elle qu’elle prenne le relais, qu’elle s’affirme dans cette discipline. Oui, mais voilà : en réalité, elle n’est pas plus intéressée que cela. Et les choses prennent une tournure inattendue le jour où, à la suite d’un concours de circonstances assez improbable, elle se retrouve avec son meilleur ami Elias dans un bâtiment qui abrite une salle de boxe. Là, elle découvre des jeunes de son âge en train de s’affronter. Mais il ne s’agit pas de défouler une violence brute : au contraire, tout ici est affaire de canalisation, de transformation — on parle d’un sport, voire d’un art. Colette, aussitôt, sent qu’il se passe quelque chose. Elle est fascinée.



Mais attention : comme le nom de cette bande dessinée le laisse entendre, Colette est loin d’avoir le physique de l’emploi. Elle est toute petite, frêle, avec une silhouette juvénile, et subit régulièrement des brimades, voire du harcèlement à l’école. Et puis… la boxe ? Ce n’est pas exactement la discipline rêvée pour une mère qui couve son enfant comme une perle rare. Alors oui, il y a un peu de Billy Elliot dans cette bande dessinée, mais qui aurait définitivement décidé de troquer ses chaussons de danse pour enfiler des gants de boxe et monter sur le ring. Colette a droit à un premier cours gratuit et c'est le coup de foudre ! C'est alors que commence toute une série de quiproquos, ou comment cacher à sa mère le sport qu'elle a choisi, sachant que pour s'entraîner, il va falloir trouver des stratagèmes fort habiles, ne serait-ce que parce que se construire un punching-ball dans une chambre à coucher, ça n'est pas simple. La dessinatrice Carole Maurel livre une excellente prestation, avec un trait réaliste et touchant, et cette excellente représentation d'un personnage qui n'existe pas vraiment, une sorte d'ombre qui plane et permet à la petite Lison de s'affirmer, de devenir vraiment qui elle souhaite être, de dépasser les peurs, les doutes, pour enfin sortir de la case qu'on lui impose, c'est-à-dire la sœur de substitution, remplacer celle qui n'est plus là et qui sur tous les points était différente. Bref, c'est touchant particulièrement bien écrit par Véro Cazot. Tout, des rapports entre la mère et la fille, la fille et ses amis, sans oublier le milieu scolaire (harcèlement) et le sentiment de solitude, forme un cocktail savoureux et nous sommes bien disposés à nous resservir le plus rapidement possible, à l'occasion d'un futur tome 2 !



UniversComics, la communauté des fans de BD et comics :


STATIC : MATT LESNIEWSKI DE RETOUR CHEZ DELIRIUM


Parfois, on découvre des artistes qui vous balancent un monde à la figure, comme on jette une brique dans une vitrine lors d'une manif' pour les retraites. Matt Lesniewski, fait partie de cette catégorie de trublions. Vous l'avez peut-être découvert (et apprécié) dans Crimson Flower, son précédent album édité par Delirium, vous allez le retrouvez avec une œuvre encore plus aboutie et nécessaire.  Static s’ouvre donc sur un certain Emmett Stone vautré dans sa cuisine, dans un état qu'il est possible de qualifier de pitoyable, entouré de mégots, de cadavres de bouteilles et de regrets. On est loin du glamour. On est dans l’hyperréalisme sale, presque pathologique, où chaque case semble suinter la détresse. Et c’est là qu’on comprend : Lesniewski ne dessine pas seulement, il décape, récure, plonge les pinceaux dans le cambouis, pour faire du sale, et le pire c'est que c'est beau. L’histoire, dans tout ça? Emmett est un type fracassé par la vie et la came, endetté jusqu’aux globules face à des créanciers qui ont manifestement passé pas mal de temps dans une salle de muscu. Pour s’en sortir, il accepte un job totalement imprévisible pour vous et moi : braconner des créatures mutantes pour un savant fou digne d’un cauchemar bio-punk, une sorte de dingo émule du docteur Frankenstein. Le récit s’élance alors comme un dragster sous amphétamines, enchaînent les scènes d’action furieuses, les créatures grotesques, et les pauses-cafés mélancoliques. Car oui, Lesniewski sait ralentir. Mieux : il sait se taire. Certaines planches sont muettes, suspendues, et dans ce silence, Emmett fume, comate, se ressaisit. Dans le genre dépressif, ça a son charme, indéniablement. Graphiquement, c’est un cas d’école. Les personnages sont bodybuildés jusqu’à l’absurde, parcourus de veines hypertrophiées qui ressemblent à des racines de baobab ou des câbles qui nervurent les membres, sous la peau. Les bâtiments s’effritent, les rochers mutent, et les rues dégoulinent de textures inquiétantes. Les cases, elles, explosent le gaufrier classique pour n'en faire qu'à leur tête, et de toute manière, le lecteur est plongé si profondément dans un univers dérangé qu'il n'est plus à ce détail près. Static est dingue, faut juste l'accepter. 



Au milieu de cette crasse et de ce délire, il y a Emmett, donc. Emmett et son cœur, ses failles, son besoin de rédemption. On ne sait pas trop s’il va s’en sortir — ni s’il le mérite — mais il essaie. Et ça suffit à créer de l’empathie. Le gars a véritablement perdu le contrôle de son existence et ça ne concerne pas que sa petite personne, mais aussi sa famille : il est séparé de sa femme et ne peut plus avoir accès à son petit garçon. Pire encore, ces derniers sont menacés par les mafieux qui entendent récupérer l'argent qu'ils ont prêté au pauvre bougre, et qu'il a dépensé sans compter pour se procurer les substances illicites auxquelles il est clairement dépendant. Alors, on peut aussi voir dans Static l'histoire d'un homme pris au piège, englué dans un quotidien comme une mouche préhistorique dans l'ambre, qui tente absolument de se relever, de repartir du bon pied, en tous les cas de se donner une autre possibilité de vivre. C'est d'ailleurs quelque chose qui va se produire de la plus inattendue des manières, aussi baroque que terrifiante, au point qu'on se surprend, lorsqu'arrive le moment de se quitter à la dernière planche, à hésiter entre espoir sincère et résignation la plus totale, devant ce parcours absolument inédit, qui ne peut pas laisser indifférent. Static, c’est donc tout ça : un roman graphique moite et mutant, tout sauf une lecture confortable et consensuelle. C’est un uppercut visuel doublé d’un récit tendu qui parle d’addiction, de dette, de survie, avec un poil de tendresse dans la balance, quand même, parce que Matt Lesniewski, dans le fond, doit être quelqu'un de gentil. Côté couleurs, Carlos Badilla ne fait pas dans la dentelle : bleus maladifs, ocres crayeux pour les intérieurs puis les extérieurs. L’ensemble est parfaitement dosé, homogène, presque organique. C'est bancal à première vue, c'est même repoussant quand on jette un œil distrait, mais c'est jouissif quand on s'y arrête vraiment, et qu'on donne une chance, une vraie, à cette bande dessinée foutraquement géniale. Chez Delirium, ça va de soi. 

Sortie cette semaine

UniversComics, la communauté des fans de BD et de comics :

TORSO : LE MEURTRIER AUX TORSES DE CLEVELAND AVEC BENDIS ET ANDREYKO


Quand Brian Michael Bendis s’attaque à un fait divers aussi dérangeant que les meurtres d'un tueur en série qui démembre ses victimes, il ne le fait pas à moitié. Torso, c’est l’histoire vraie d’un assassin insaisissable qui a dépecé ses proies à Cleveland, dans les années 1930, sous l’œil impuissant du légendaire Eliot Ness. Un pitch en or, donc, pour un auteur qui a grandi à l’ombre de Frank Miller et qui, à l’époque pré-Marvel, aimait conjuguer polar, noirceur graphique et dialogues ciselés comme des rafales de mitraillette. Sur le papier, tout y est, donc : une affaire irrésolue, un enquêteur mythique en chute libre, un contexte social sous tension et une ville gangrenée par la corruption. Bendis, assisté ici par Marc Andreyko, livre un récit qui, par sa structure et son esthétique, flirte avec le documentaire autant qu’avec le thriller. Il entremêle dessins sobres et photos d’archives, coupures de presse et rapports d’autopsie, dans un noir et blanc réaliste qui évoque plus un dossier du FBI qu’un comic mainstream. Le résultat ? Une ambiance glaçante, une reconstitution historique méticuleuse, et un hommage amer à un héros fatigué. Mais Torso n’est pas un Sin City à bon marché, ni un From Hell un poil plus moderne. Certes, l’ombre de Frank Miller plane — notamment celle de son Daredevil — mais Bendis fait ici du Bendis : il déconstruit les mythes, brouille les lignes entre le bien et le mal, et laisse ses protagonistes se débattre dans une réalité trop complexe pour les archétypes hollywoodiens. Ness n’est pas un cow-boy de l’ordre, c’est un homme dépassé, largué politiquement, socialement, jusque dans son couple. Il touche du doigt la vérité, sans jamais pouvoir la transformer en justice. Et comme si ça ne suffisait pas, il doit composer avec la corruption des forces de police locales, qu'il est censé de toute manière nettoyer de fond en comble. 



Certains crient au chef-d’œuvre, d’autres restent à la porte. Le format comic, avec son rythme particulier, semble parfois brider l’ambition du projet. Un roman ou une série documentaire aurait pu déployer l’affaire avec plus d’ampleur, Torso doit se plier à un exercice imposé pas si simple : on le juge aussi trop verbeux pour être haletant, trop elliptique pour vraiment creuser ses enjeux. La part politique du récit, nécessaire à la compréhension du contexte, pèse parfois lourd dans la narration. Mais ce serait faire preuve de mauvaise foi que d'insister dans ces remontrances superficielles. Car l'ambiance qui se dessine, cette lourdeur qui trouvent ses racines dans le polar classique mais aussi dans la déroute sociale d'une ville et d'un pays qui souffrent, est en réalité très aboutie et addictive. Les dessins aussi font ce qu'ils peuvent pour diviser le lectorat : répétition de cases identiques, séquences figées, ruptures de rythme visuel qui nuisent à l’immersion. Mais à bien y regarder, cette fragmentation de la manière de produire du récit est fascinante, aide à perdre le lecteur, à le placer dans un sentiment d'inconfort qui est celui de tous les protagonistes. Pour les amateurs de polars méticuleux, de récits noirs à la lisière du réel, Torso est un ouvrage fascinant, qui mérite d’être lu attentivement, pour pleinement apprécier son dispositif narratif. Entre bande dessinée expérimentale et chronique judiciaire, œuvre tiraillée entre la légende et l’échec, un véritable  dossier classé sans suite, rouvert par deux auteurs passionnés, en somme. Cette nouvelle édition chez Delcourt est enrichie par un cahier assez fourni, avec des pièces du dossier, des coupures de journaux, de quoi rapprocher la fiction de la réalité (forcément quelque peu différente, mais pas trop) et se plonger jusqu'à la lie dans une affaire dont on ne voit pas encore le point final en 2025, même si le faisceau d'indices semble assez conséquent. 



UniversComics, la communauté des lecteurs exigeants :

ANZUELO : L'OEUVRE TOUTE PERSONNELLE D'EMMA RIOS CHEZ 404 GRAPHIC


 Il est rare qu’une bande dessinée post-apocalyptique commence sans tambour ni trompette, sans zombies, cyborgs ni bombes atomiques à foison. Dans Anzuelo, Emma Ríos choisit au contraire un tsunami discret mais définitif, une vague qui efface la civilisation d’un geste, comme on nettoie une ardoise. Reste un trio d’enfants échoués dans un monde englouti : Izma, Lucio et Nubero, livrés à eux-mêmes, avec pour seules ressources un feu vacillant, quelques coquillages et une bonne dose d’angoisse existentielle. Dit comme ça, ça pourrait ressembler à une version 2.0 de Sa Majesté des mouches, mais le récit se veut expurgé de la cruauté de ce monument de la littérature. Emma Ríos, qu’on connaissait comme dessinatrice brillante (Pretty Deadly, Doctor Strange season one...), signe ici un ouvrage totalement personnel, peinture, écriture, lettrage, qui lui a pris trois ans de son existence. Elle peint au lavis un monde d’après, fait de plages humides, de regards noyés et de silences qui durent parfois une planche entière. L’eau n’est pas qu’un décor : elle imbibe le papier, s’infiltre dans la narration, et finit par couler dans nos propres pensées. La structure rigoureuse des cases, presque chirurgicale, contraste avec ce monde décomposé ; comme si la planche elle-même tentait de résister à la désagrégation du réel. L’histoire progresse sans fournir de réelles explications : si un personnage se voit doté à l'improviste de branchies ou se désintègre pour revenir plus tard en puzzle recomposé, il ne faudra pas compter sur une note de bas de page ou un laïus scientifique pour s’en sortir. Anzuelo nous impose d’accepter, sans comprendre, comme les enfants eux-mêmes. C’est parfois déroutant, mais toujours cohérent : ici, le monde a changé, et la logique humaine n’est plus l’unité de mesure. Mais sous les métamorphoses et les reflets troubles, la question simple est : que signifie être utile, ou même “être”, quand tout ce qui définissait notre place dans le monde a disparu ? Dans cette micro-société reconstruite sur des ruines liquides, chacun cherche une fonction, un rôle, un but. Mais faut-il être “fonctionnel” pour avoir de la valeur ? Peut-on servir la communauté sans perdre son identité propre et devenir un autre, qui ne nous ressemble plus ? À mesure que la petite société se structure, l’ordre naissant se met à ressembler à une contrainte, voire à une forme douce de violence. 



Il faut donc se réorganiser, tourner le dos à de vieilles habitudes pourtant indispensables, dans tout bon récit survivaliste. Hors de question de chasser, de tuer pour se nourrir. Quitte à se transformer en cormoran et laisser la petite communauté se nourrir des cadavres d'oiseaux post-transformations. Le dessin, en aquarelle subtilement numérisée, fonctionne à la fois comme écriture, musique et mise en scène. L’image chez Ríos n’illustre pas le texte, elle le compose. Le rythme vient des silences, des gestes hésitants, de la façon dont l’eau floute les contours. Le lettrage, réalisé à partir de sa propre écriture manuscrite, fond encore davantage la voix de l’autrice dans l’image. C’est une bande dessinée où chaque goutte semble peser dans la narration, où chaque planche devient un tableau mouvant, hanté par des absences. Un tel tour de force graphique qu'on peut le qualifier d'hypnotique, en tous les cas capable de faire oublier l'évanescence apparente, par moments, d'une histoire qui n'est de toute manière pas faite pour tout le monde, cela est vrai. Car Emma Ríos ne cède jamais à la tentation de l’explication. Elle préfère la sensation au concept, le trouble à la démonstration. C’est exigeant, mais profondément respectueux du lecteur : celui-ci n’est pas un spectateur, mais un naufragé parmi les autres, sommé de se débrouiller comme ces gosses qui déconstruisent et réapprennent. Conte philosophique à évolution lente, Anzuelo questionne ce que nous devenons quand il n’y a plus de société où nous intégrer, plus de langage pour tout baliser. Une fluidité totale, qui se retrouve aussi dans la représentation des personnages, qui brouille l'idée de genres dès les premières cases. Du reste, le "iel" et l'écriture inclusive ne sont pas absent des débats (et je suis loin de souscrire à cette façon de faire, mais ici cela s'insère dans une esthétique, dans un parti pris narratif). Bref, laissez-vous prendre au piège, que dis-je, à l'hameçon (Anzuelo en VF), avec de surcroit un énième écrin à la hauteur proposé par 404 Graphic, qui fait de chaque parution une expérience artistique et sensorielle. 


UniversComics, la communauté comics et BD vous attend :

200ÈME NUMÉRO DU PODCAST LE BULLEUR : UN PÈRE (CHEZ CASTERMAN)


 200e épisode du podcast Le bulleur ! Avec : Un père, album que l’on doit à Jean-Louis Tripp, un ouvrage publié chez Casterman. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Les étincelles que l’on doit à Pauline Lega ainsi qu’aux éditions Sarbacane


- La sortie de l’album Caballero Bueno que l’on doit au scénario de Thomas Lavachery, au dessin de Thomas Gilbert et c’est édité chez Rue de Sèvres


- La sortie de l’album Plus loin qu’ailleurs que l’on doit à Christophe Chabouté, un titre édité chez Glénat sous le label Vents d’ouest


- La sortie de l’album Le diable et Coral que l’on doit à Josep Homs, un titre édité chez Dargaud


- La sortie de l’album Candy Superstar et les muses de la pop que l’on doit au scénario de Claire Translate, au dessin de Livio Bernardo et c’est édité chez Delcourt dans la collection Encrages


- La réédition de l’album Chiens de prairie qui revient en librairie chez Anspach, un titre signé Philippe Foerster au scénario et Philippe Berthet au dessin.



 
 UniversComics, la communauté des fans de comics et de BD :

ABSOLUTE SUPERMAN TOME 1 : LES POUSSIÈRES DE KRYPTON


 Il va falloir que vous vous y fassiez. Oui, le label Absolute est véritablement synonyme d’audace éditoriale, de relecture radicale, voire de grand écart narratif. Après Absolute Batman et Absolute Wonder Woman, voici donc pour finir (pour cette première salve chez Urban Comics) Absolute Superman, signé Jason Aaron et magnifiquement mis en images par Rafa Sandoval. Une nouvelle mouture qui ose tout et réussit tout ce qu'elle entreprend. Rien que ça. Première surprise : Krypton. Exit les cristaux rétro-futuristes ou les déserts glacés de l’ère Byrne. Ici, c’est une planète rongée par la bureaucratie, structurée en castes, et tout droit sortie d’un cauchemar d’exécutif middle-management. Jor-El et Lara ne sont plus les scientifiques de toujours : ce sont des prolétaires engagés, exclus pour avoir eu le mauvais goût de crier au désastre écologique. Jason Aaron revisite les fondations du mythe en remplaçant la froide rationalité par la chaleur humaine. Et contre toute attente, ça fonctionne : ce Krypton-là a du cœur, du drame, et même des outils agricoles. Sur Terre, Kal-El a troqué son costume lisse pour une armure/combinaison vivante régulée par une IA baptisée Sol, voix pragmatique parfois tentée de lui souffler de ne pas trop jouer les syndicalistes. Mais le Superman version Absolute, même affaibli, n’hésite pas à se frotter aux Peacemakers 2.0 pour défendre des mineurs surexploités en Amérique du Sud. Un retour aux racines sociales du personnage ? Absolument. Car Aaron ne déconstruit pas Superman, il le ré-ancre : dans la boue, dans la lutte, dans le réel. En gros, ce que Grant Morrison a tenté d'écrire avec le début des New 52, mais sans approfondir vraiment le concept. Les puristes feront sans doute de la spasmophilie devant tant de libertés : Lois Lane militaire, pas de Daily Planet à l’horizon, une symbolique kryptonienne redéfinie… À quoi bon appeler ce personnage Superman si on change tout ? Eh bien, parce qu’en réalité, on ne change rien de l’essentiel. Aaron a compris ce que tant d'autres ont oublié : Superman, c’est l’espoir en action, le refus de l’injustice, même quand cela coûte. Ce n’est pas "notre" Superman ? Non. Et tant mieux. Il n’a pas vocation à rassurer, mais à nous rappeler ce qu’est un héros. Et les héros sont proches du peuple, issus du peuple.


 

Ce Superman là est organique et humain, il ne triche pas. Dans sa défense des opprimés, qu'il fréquente, qu'il assiste, en temps que prolétaire révolté devant les injustices commises par ceux qui peuvent et donc se permettent un peu tout et n'importe quoi. Et aussi dans sa manière de vivre et d'interagir avec le monde, comme lorsqu'encore jeune écolier sur Krypton, il subissait les foudres de ses enseignants parce qu'il insistait pour écrire ses textes seul, sans recourir à l'intelligence artificielle, détentrice de tout le savoir de son monde. D'ailleurs, savoir, sur sa planète natale, c'est un peu fomenter la révolte, représenter un trouble majeur à l'ordre public. Le monde se meurt, sans que ses couches ouvrières ne le sachent, pendant que les élites tentent d'évacuer dans la plus grande discrétion. De quoi forger un mental et surtout un moral pour le futur Homme d'Acier. Côté dessin, Sandoval régale. Son Superman est minéral, presque tellurique, vibre d’une intensité brute, renforcée par les couleurs terreuses magnifiques d’Ulises Arreola. La chaleur visuelle contraste avec la froideur de "l’armure", ce qui instaure un équilibre subtil entre l’homme et l’icône. La cape notamment, est une trouvaille visuelle très intrigante. Chaque page semble ciselée pour servir la cause : donner chair à un mythe différent, mais semblable. Absolute Superman est clairement un paradoxe réussi : le titre réinvente sans trahir, bouscule sans perdre le cap. Il pose des questions, ose des réponses, et surtout, il ne cherche pas à tout prix à plaire à ceux qui veulent encore et toujours le Superman "classique". Il propose une autre voie. Tout en resservant les personnages secondaires essentiels (Lois Lane, Jimmy Olsen, entre autres) à des fonctions inattendues mais somme toute logiques. Et à voir le héros se diriger vers Smallville, en toute fin d'album, on a hâte de lire la suite, pour voir la légende s'étoffer.

Sortie le 30 mai.


 

UniversComics, la communauté des fans de BD et comics !

ORIGINES : LE DERNIER ESPOIR DE L'HUMANITÉ 2.0 CHEZ 404 GRAPHIC


 Dans un futur lointain, où la Terre n’est plus qu’un écho virtuel et toxique de notre civilisation disparue, Origines ouvre les portes d’un monde où l’être humain n’existe plus que sous forme de vague souvenir… ou de projet de résurrection. Le pitch de cette merveille ? Un bébé nommé David naît dans un monde vidé de ses congénères : il a été conçu artificiellement comme le plan de secours de l’humanité. Mais attention : ce n’est pas un conte de fées post-apocalyptique, c’est plutôt un Eden où les serpents ont été remplacés par une intelligence artificielle baptisée Le Réseau, aussi mystérieuse que létale. Dès le premier numéro, on est saisi par l’esthétique flamboyante et glaçante de Jakub Rebelka, superbement aidé par les couleurs de Patricio Delpeche. Qui plus est, la qualité et le grain du papier choisi cette fois encore par 404 Graphic ne fait que renforcer cette stupeur visuelle. La nature a repris ses droits, certes, mais pas avec la douce quiétude d’un documentaire animalier. Chaque page transpire la mélancolie d’un monde où les vestiges humains – musées, carcasses, technologies mortes – ne sont plus que décors d’un opéra muet. L’ironie n’est jamais loin : le dernier bastion de l’espèce humaine n’est autre que… le Musée d’Histoire Naturelle. Comme quoi, Darwin avait peut-être tort, ou du moins il aurait dû prévoir une mise à jour. Le scénario, signé Clay McLeod Chapman (sur une idée originale d’Arash Amel, Lee Krieger et Joseph Oxford), joue la carte du mystère avec une rigueur presque frustrante au départ. Peu d’explications, beaucoup de silences, des dialogues sobres ponctués de flashbacks et de récits internes. David, en pleine reformation (littéralement imprimé en 3D pour le salut pour l’humanité), grandit sous la tutelle de Chloe, androïde (gynoïde) au cœur programmé pour aimer. Elle est la figure maternelle et morale, mais aussi l’une des créations de David lui-même, dans sa vie antérieure… car oui, twist biblique : David Adam n’est pas seulement un nouveau-né, il est aussi celui qui, autrefois, a précipité la chute de l’humanité !



La série flirte sans arrêt avec les mythes : on pense évidemment à Adam et Ève, mais aussi à Prométhée, Frankenstein ou même CARL 500. David est à la fois l’Alpha et l’Oméga, créateur devenu possibilité de rédemption, et sa mémoire originelle, toujours absente de sa conscience réinitialisée, flotte comme une épée de Damoclès narrative. Chloe, elle, craint que ces souvenirs ne soient trop lourds à porter – d'autant plus que la mémoire de David comprend aussi la source d'inspiration de sa propre création. De la mère à l'amante, le pas n'est pas si long. Au fil des pages, Le Réseau se dévoile, s'étend, telle une menace omniprésente. C'est une entité presque organique, un écosystème artificiel dont la mission semble être l’éradication de l’humain. Des nanites qui infectent le tissu végétal et ce qui reste du règne animal, pour donner corps à des formes de vie inédites, au service d'une traque à grande échelle. Je le répète, cet album est d'une beauté parfois renversante, mais il faut aussi tenir compte de son rythme, si on souhaite éviter l'incompréhension : contemplatif, parfois au bord de l’hermétisme. L’ambiance l’emporte sur les rebondissements et l'action, mais les lecteurs patients y trouveront leur compte et auront de quoi se rincer les mirettes avec des planches qui compteront parmi les plus saisissantes que vous dévorerez cette année. Origines n’est pas un simple récit de science fiction, c’est une parabole sur les responsabilités humaines face à la technologie, un poème visuel sur la fin de notre espèce, l'espoir de la voir renaître. Magnifique, énigmatique, et parfois un brin aride, la série joue habilement des préoccupations modernes, comme l'Intelligence Artificielle, pour en tirer un scénario apocalyptique mais aussi résilient, avec des machines nées pour servir, d'autres pour détruire. Humains ou tas de circuits imprimés, il semblerait que nous soyons tous condamnés aux mêmes errances, au même écartèlement. En tout les cas, que c'est beau !


 Pour plus de Jakub Rebelka, retrouvez notre avis sur JUDAS.

UniversComics, votre communauté comics BD sur Facebook

DUCK AND COVER : FIN DU MONDE ENTRE TEENAGERS


 On savait Scott Snyder féru d’histoire, amateur de frissons surnaturels et scénariste infatigable, mais on ne s’attendait pas forcément à ce qu’il ressuscite l’esprit de The Breakfast Club dans un monde où les consignes absurdes d’un vieux film éducatif sur l’attaque nucléaire deviennent littéralement vitales. Duck and Cover, sa nouvelle série publiée sur Comixology (avec son label Best Jackett), nous propulse dans une uchronie atomique aux allures de teen movie qui aurait (très) mal tourné. Bienvenue à Schellville, Colorado, petite ville militaire, caricature du genre. C’est là que Delmont Reeves, adolescent noir passionné de cinéma, rêve de fuir sa condition de figurant dans un film qu’il n’a pas choisi. Mais Snyder n’est pas du genre à se contenter d’un drame intimiste sur fond de ségrégation. À la manière d’un Spielberg sous amphétamines, il fait glisser le récit vers une dystopie radioactive, où une explosion pulvérise le réel… et les illusions. Duck and Cover joue habilement avec les codes : portrait adolescent sensible, chronique d’une Amérique paranoïde, et brusque bifurcation vers une SF apocalyptique teintée d’horreur. Le résultat est une bombe (c'était facile), à la fois fun, tendu, et étonnamment touchant. Snyder prend son temps dans les premières pages : il pose ses personnages, laisse l’histoire respirer, s’imprègne du langage et des détails des années 1950. C’est presque un trompe-l’œil narratif, où la torpeur de l’époque masque la déflagration à venir. On y découvre Delmont (qui perd un œil suite à l'agression d'un molosse), ses amis, leurs rêves, leurs failles, on saisit les caractères, les interactions, on voit cette bande grandir, s'éloigner, intégrer de nouveaux éléments. Et puis il y a le dessin. Rafael Albuquerque retrouve ici son complice d’American Vampire, et le tandem fonctionne toujours à merveille. Qu’il s’agisse de dessiner un drive-in moite ou un champ de ruines mutant, Albuquerque injecte une intensité palpable à chaque case. Mention spéciale à Marcelo Maiolo, qui colore la fin du monde avec une palette aussi radioactive que poétique.



Côté intrigue, inutile de trop en dire, Duck and Cover ménage ses effets. Disons seulement que Del, après un cataclysme improbable, se retrouve avec une poignée de survivants, poursuivi par des créatures mutantes, et qu’un DJ nommé Popsicle joue les Saint-Bernard au son de la radio. Oui, vraiment. Et encore, vous n’avez rien vu. Un Popsicle qui est aussi complotiste avant l'heure, de ceux qui prédisent forcément une invasion extraterrestre imminente, à une époque où la Guerre Froide et les progrès de la science et de l'atome font vriller bien des cerveaux. Si l’on retrouve chez Snyder des obsessions récurrentes — trauma, mutation, société en déliquescence — il insuffle à cette mini série une sincérité nouvelle, presque candide. Del est un héros attachant, aussi rêveur que résilient. Duck and Cover, c'est savoir se glisser sous les tables de l'école, en cas d'explosion, mais clairement se planquer sous son bureau ne relève pas dans cette bande dessinée de la blague cynique, mais de la vraie stratégie de survie. Snyder est là avant tout pour nous divertir mais il ne faut pas chercher la petite bête si on veut profiter au mieux de cet album ; le basculement vers la science-fiction dure et pure est radical et contient en germe une centrifugeuse de bien des films ou situations célèbres de l'anticipation. Parcours initiatique d'un groupe de jeunes, qui confrontés à l'impensable parviennent tout de même à se hisser au niveau et à révéler les véritables personnalités de chacun, cette histoire réserve aussi une fin qui n'en est peut-être pas une, tant il est possible de prolonger cet univers et d'en faire un terrain d'expérimentation pour comic books décomplexés. Sortez le pop-corn et bonne dégustation (chez Delcourt). 


UniversComics, la communauté des fans de BD et comics :

ABSOLUTE WONDER WOMAN TOME 1 : LA DERNIÈRE AMAZONE


 Quand on découvre Diana dans Absolute Wonder Woman, difficile de ne pas froncer un sourcil (ou deux) devant ce cocktail visuel aussi baroque qu’efficace : armure guerrière, tatouages tribaux, épée gigantesque, et un destrier ailé… mais mort. La cavalière de l’apocalypse, c’est elle. Et clairement, elle ne vient pas pour faire de la figuration. Bienvenue dans une version radicalement réécrite de la princesse amazone, orchestrée par Kelly Thompson et Hayden Sherman, toujours au sein du nouvel univers Absolute de DC. Ici, la mythologie classique est passée au mixeur infernal : les Amazones ont commis un affront à Zeus, se retrouvent réduites en esclavage, et la pauvre Diana, encore nourrisson, est catapultée aux Enfers où elle est confiée à la magicienne Circé. L’enfant y grandit entre flammes, démons et silences lourds de secrets. La règle absolue ? Ne jamais prononcer le mot "Amazone". Sauf que voilà, même aux enfers, la vérité finit par remonter à la surface. Et Diana, certes sans mémoire de ses origines, n’est pas née pour rester dans l’ombre. Élevée comme une sorcière-guerrière, elle développe un lien touchant (et fort bien écrit) avec Circé, qui oscille entre mentor, geôlière et figure maternelle. Le récit alterne passé et présent avec une efficacité redoutable. Tandis que des créatures infernales appelées sorties de nulle part sèment la panique sur la côte californienne, notre héroïne surgit, tranchante et silencieuse, pour défendre une humanité qu’elle ne connaît que de (très) loin. La narration, volontairement épurée, va droit au but : forger une nouvelle icône, débarrassée des atours diplomatiques de Themyscira. Fini l’ambassadrice de paix, place à une guerrière née. Et pourtant, au cœur de cette Diana sombre et cabossée, bat une âme sensible, tiraillée par des doutes, en quête d’identité, qui rappelle à certains égards la Wonder Woman émotive et courageuse des années George Perez — mais plongée ici dans un bain de soufre et d'acier.



Kelly Thompson offre aux lecteurs la possibilité d’évoluer en terrain familier, tout en leur proposant une nouvelle approche de la mythologie propre à Wonder Woman. Steve Trevor est également de la partie, tout comme Etta Candy, mais les personnages ne sont plus tout à fait ceux que nous connaissions jusqu’alors. Quant à Wonder Woman, privée de la présence de ses sœurs amazones et de son rôle d’ambassadrice, elle se présente ici comme une guerrière, dernier rempart entre une population menacée et un monstre gigantesque nommé le Tétracide, capable de dévorer non seulement les corps, mais aussi les âmes. Le style de Sherman est extrêmement épuré : les lignes des visages, comme la plastique des corps, sont parfois réduites à l’essentiel. Textures rugueuses, traits anguleux sont au menu, mais cette simplicité formelle finit par séduire, avec un petit côté naïf qui s’accorde bien avec les ambitions de ce nouveau titre. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est cette image de Wonder Woman compatissante, toujours prête à se sacrifier – qu’il s’agisse d’une partie d’elle-même, d’un bras, ou de sa propre tranquillité. Elle a d’ailleurs quitté Circé, sa mère adoptive. L’héroïne choisit la voie de la compréhension, du partage, de l’amour. Le monde entier va donc faire connaissance avec cette héroïne inspirante, mais qui peut aussi susciter la peur – notamment chez certains militaires paniqués, peu enclins à se réjouir de voir une inconnue leur damer le pion et se poser en interlocutrice privilégiée face à un envahisseur sinistre. Découpé en deux parties qui se répondent – l’enfance de Diana aux Enfers et sa révélation au monde dans le temps présent – cet album s’impose comme une lecture simple, directe, sans fioritures, mais attachante.



UniversComics, la communauté des fans de BD et comics :

LE CAHIER DE VACANCES DE METAL HURLANT

 Il est possible que vous pensiez avoir passé l’âge… Souvenez-vous : à l’époque de l’école primaire, voire même du collège, vous receviez pa...