STRANGE FRUIT : SUR LES RIVES DU MISSISSIPI AVEC JG JONES ET MARK WAID

Strange Fruit est un comic-book qui plonge ses racines dans la réalité historique. Nous allons donc à la rencontre de la grande crue de 1927, qui ravagea la région du Delta du Mississipi. Plus précisément nous suivons le destin de la petite ville de Chatterlee, là où il ne faisait pas bon vivre en ayant le teint trop mât. Les noirs sont utilisés avant tout pour les basses besognes, comme par exemple le renforcement des digues pour contrer la furie probable du fleuve. Une défense bien pathétique au regard de la puissance des eaux, mais qui montre bien comment les propriétaires terriens du sud fonctionnaient toujours dans une logique esclavagiste, bien après l'abolition. Mark Waid utilise ce décor pour amener son idée originale, à savoir l'arrivée sur Terre, depuis l'espace et une sorte de capsule cosmique, d'un individu surpuissant, et totalement étranger à nos us et coutumes. Il ne parle pas anglais ni aucune langue connue sur Terre, ne sait pas ce qu'il fait là, et suscite la méfiance et le rejet. Et pour une dernière raison fort simple : le "colosse" est noir, le crime parfait dans ces recoins d'Amérique. Le pitch de départ est bien entendu calqué sur les premiers pas de Superman, et il s'agit aussi d'une variante du Red Son de Mark Millar. Et si Superman n'était pas un grand brun à peau claire, mais un afro-américain imposant? S'il n'avait pas abouti encore enfant dans une ferme aimante du Kansas, mais sur les bords du Mississipi, en pleine crise sociale et météorologique? Tout est fait pour que le lecteur comprenne bien les enjeux et les tensions, avec notamment des personnages fort utiles au déroulé du récit comme l'ingénieur McCoy, qui est le symbole de la réussite possible des noirs américains, mais qui s'affranchissent (à grand peine) surtout au nord, ou Sonny, métayer afro-américain et rebelle aux ordres imposés, en qui bouillonne une rage mal canalisée et qui semble paumé, dans un monde où tout lui interdit d'être l'homme libre qu'il rêverait devenir. Bref, au milieu de toute cette agitation, notre surhomme d'ébène est pratiquement un point de détail. Il met sa force au service du bien, quand arrive le pire (les eaux qui envahissent le Delta) mais il ne semble pas poussé par des motivations particulières, tout comme il ne s'exprime jamais. 




Le dessin est entièrement réalisé par JG Jones, un des maîtres établis dans le domaine du réalisme. Avec un travail inspiré ou guidé par Norman Rockwell, il nous donne à voir chaque muscle, les expressions des visages, les corps en mouvement, comme saisis sur le vif, tirés de photographies adaptées aux comics. C'est forcément beau et efficace pour illustrer la stupeur des foules et la puissance de ce "colosse" débarqué de nulle part.
Reste que c'est très court, certains diront trop court. Quatre épisodes ne laissent pas le temps de trop se familiariser avec les personnages, et le super extra-terrestre qui a débarqué est traité avec hâte, comme si de toutes manières ce n'est pas lui qui occupe le devant de la scène, mais les intentions des auteurs de retracer un moment d'histoire important du sud des Etats-Unis. L'excuse des comics est toute trouvée, et JG Jones a eu le temps de peaufiner, avec son compère, cette histoire qui lui tenait vraiment à coeur. A noter que l'expression Strange fruit vient d'une chanson de l'éternelle Billie Holliday, et fait référence aux pendaisons sauvages de noirs, aux arbres, par les cinglés racistes du Ku-Klux-Klan. 
Un album hautement intelligent, donc, artistiquement abouti, mais qui ne laisse pas trop le temps de laisser croître et exploser la colère et l'analyse, et aurait mérité au moins le double de pages, pour donner une chance à toutes les subtilités de l'histoire, d'être abordée avec justesse. Cela dit, ne vous retenez pas si vous avez l'envie de lire cette sortie, disponible chez Delcourt. 







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X-MEN BLUE #1 : LES X-MEN DES ORIGINES SONT TOUJOURS PARMI NOUS

Je vais essayer d'être honnête avec vous, donc pas question de porter aux nues ce premier numéro de X-Men Blue. Les mutants ont reçu une nouvelle chance et tous les titres de la famille X on été relancé sous le nom de code d'opération ResurrXion. On a vu la semaine dernière que les débuts de l'équipe gold sont plutôt sympathiques, mais aussi entachés d'une grosse polémique, qui a enflé sur Internet, amenant Marvel à licencier le dessinateur Ardian Syaf, pour des vignettes interprétées comme antisémites. On croise donc les doigts pour l'équipe blue, pour que rien de grave ne se produise; et en fait il y a peu de risques, car ce premier numéro est particulièrement inoffensif et peut se résumer en quelques lignes rapides. 
Pour faire court, disons que nous avons affaire là aux cinq X-Men des origines, dans leur version adolescente échouée à notre époque présente. La dynamique entre les jeunes mutants amène bien sûr une ambiance rafraîchissante dans ces pages, et certains reprocheront un manque de profondeur évident. L'équipe intervient en pleine mer Méditerranée sur un yacht de croisière, et a reçu pour mission d'intercepter Black Tom Cassidy. Le problème c'est que ce dernier n'a pas l'intention de se laisser faire et qu'il a dans sa poche un atout majeur, à savoir le monstrueux Juggernaut, le Fléau en français, qui est bien plus imposant et expérimenté que ces jeunots en train de l'attaquer. Bref, pour en venir à bout, il faudrait accepter l'idée de tricher un peu, et à la surprise générale vous allez voir que c'est ce qui va se produire. Le plus intéressant réside en toute fin d'épisode, avec une révélation sur qui se cache derrière la formation de cette équipe (mais Marvel avait déjà spoilé la chose...); heureusement que cette dernière page est là car le reste ne m'a pas plus emballé que cela. On peut dire que Cullen Bunn se contente du service minimum, avec un Jorge Molina qui est un peu trop irrégulier, mais parvient à insuffler beaucoup de mouvement. Alors bien sûr il y a une backup story à la fin de ce numéro. Tout d'abord elle est dessinée par l'italien Matteo Buffagni, que j'aime beaucoup et qui a gagné en réalisme. Et puis on y voit un personnage particulièrement intrigant, qui pourrait avoir une importance capitale à l'avenir. Je ne vous dis rien si ce n'est une onomatopée (snikt). L'idée est quand même tirée par les cheveux... à défaut d'être mauvais ou raté, le démarrage de X-Men Blue se fait donc en demi-teinte; le titre est censé évoquer les grandes heures des années 90, mais l'impression est qu'il y a encore énormément de chemin à parcourir. D'ailleurs, ces grandes heures reviendront-elles un jour? On peut légitimement en douter.





LE MEILLEUR DES SUPER-HEROS CHEZ HACHETTE : ADAM WARLOCK & THE INFINITY WATCH

Adam Warlock a arraché les gemmes du pouvoir à Thanos, et ce faisant, il est devenu l'être suprême de notre univers. Ceci est la conclusion du légendaire "Défi de Thanos", qui constitue encore, bien des années après, une des aventures cosmiques de référence de l'univers Marvel. Un tel pouvoir ne sied pas à un simple mortel (même fabriqué artificiellement dans un laborat oire d'avant garde) et il est vite convoqué par l'assemblée des principales déités cosmiques, afin de céder les gemmes. Mais Adam n'a pas l'intention de céder au chantage, et c'est lui qui décide avec qui partager ses incroyables facultés. Le groupe qu'il va mettre sur pieds est constitué de personnages mineurs mais tous aussi succulents les uns que les autres : Drax et Dragon Lune (cette dernière est sa fille, et elle a autrefois du tuer son géniteur, qui fort heureusement ne se rappelle de rien puisqu'il est devenu une brute sans cervelle), Pip et Gamora, et un autre "gardien" mystérieux dont l'identité était encore à découvrir au lancement du titre. C'est l'incapacité potentielle de ces individus à être à la hauteur de leur tâche, et les relations humaines conflictuelles qui en découlent, qui font le sel de cette série agréable et chargée en nostalgie : Warlock and the Infinity Watch. Les dessinateurs se succèdent malheureusement trop vite, et le style varie beaucoup d'un épisode à l'autre. Ainsi , la transition entre les deux premiers (Angel Medina) et les deux suivants (Rick Leonardi) est sous l'enseigne d'une variation radicale du trait et de l'ambiance. A l'époque tout cela était publié dans Titans, un de ces mensuels de la grande époque Lug/Semic que les plus jeunes n'ont pas connu. Et aujourd'hui, les lecteurs de la collection Marvel chez Hachette vont pouvoir mettre la main sur cette source de nostalgie.

Jim Starlin est malin et son panthéon cosmique est à lui seul une raison suffisante pour acheter cet album. Le pouvoir universel détenu par Adam Warlock est convié par pas mal de monde, dont Eternité, qui apparaît ici comme fort désagréable, et assez cupide. C'est le Tribunal Vivant qui est chargé de raisonner et d'émettre une sentence logique, qui va d'ailleurs provoquer bien des remous chez les déçus. Le scénariste semble avoir de la tendresse certaine pour les losers du groupe, ceux que rien ne destine à la carrière de sauveur de l'univers. Pip est un ivrogne patenté, assez sale et grivois, et Drax a pour premier réflexe d'avaler sa gemme comme un bonbon, lui qui est retombé en enfance avec un Qi proche de celui d'une fourmi. On retrouve aussi des personnages ou des antagonistes de longue date pour Adam Warlock, comme le Maître de l'évolution (et la Contre-Terre) et Man-Beast, initialement dissimulé sous une armure, qui engage un combat titanesque contre son ennemi.
Tout ceci est bien sûr fortement connoté années 90. La narration suit un schéma et un rythme qui n'est plus tout à fait en cours, mais permet de vite s'attacher aux membres du groupe d'Adam Warlock, et sans y crier garde, la série s'avère être, durant sa première année d'existence, une bonne petite récréation cosmique qui mérite largement d'être lue. Ceux qui n'ont encore jamais dévoré ces épisodes seraient donc bien inspirés d'aller voir en kiosque si ce volume de la collection Hachette n'y traînerait pas quelque part. 



Tous ces épisodes en VO dans un "Aftermath"



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COSPLAY MANIA (20) / UN PETIT TOUR CHEZ ALFA BD AVEC FABIEN CAMUS

Comme chaque mois, nous revoici pour notre rubrique Cosplay régulière. Un peu particulière en ce début avril, car vous allez trouver à la suite un article qui va vous présenter le tenancier de la boutique spécialisée Alfa Bd, la librairie qui organise avec nous le Printemps des Comics / FCBD à Nice les 5 et 6 mai 2017. Fabien Camus est une figure incontournable de la Bd sur la Côte d'Azur, et l'entretien est issu du blog Nice comme il vous plaira. Le texte (incomplet, il vous faudra aller sur le lien vers ce blog pour en lire l'intégralité) est rédigé et publié par MissJam06, qui s'intéresse pour l'occasion à la place des femmes dans la bande-dessinée. 
Bonne(s) lecture(s) et à bientôt sur Nice pour le Printemps des Comics.


Tour de magie : résister plus de vingt secondes aux charmes de cette Zatanna


Loki a un joli casque. les cornes sont-elles un message? 


Rorschach, le personnage dont 95 % des lecteurs n'arrivent pas à écrire correctement le nom


Tout doux tout mignon, le fléau en mousse. Pour Patrick Sébastien. 


En Terre Sauvage avec Malicia. On va y rester quelques temps alors...
Modèle : Ekidna Costumes
Photographe : Retropix
https://www.facebook.com/EkidnaCostumes/
https://www.facebook.com/Retropixfr/


Red Hood incognito. Look relax en cuir d'aviateur


Une Catwoman qui fait peur. Par où est-elle bien passée pour être dans cet état? 


Deadshot, de SuicideSquad. La version Will Smith commence à faire des émules...

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Interview avec Fabien Camus (Alfa Bd) Source : www.nicecommeilvousplaira.com


Si vous n’avez pas le temps de lire l’interview de Fabien, voici déjà, en quelques lignes, de quoi vous donner envie de faire un tour dans la boutique au 30 Avenue Saint Jean Baptiste, à Nice, en plein coeur de ville, après vous être baladé sur la Promenade du Paillon. Pourquoi pas une petite pause découverte culturelle et lecture, avant de rejoindre le MAMAC, le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain par exemple ou avant d’aller prendre un verre en terrasse place Garibaldi. Le moment surtout d’aller discuter BD avec Fabien, une vraie bibliothèque ambulante, qu’on ne se lasse pas d’écouter. Il a la BD dans le sang ! Et puis, il adore échanger, partager. Il a fait des études d’histoire et géographie et a failli devenir prof. Et cela aussi, ça se sent ! Croyez-en mon expérience ! Il sait de quoi il parle et surtout il sait comment donner envie ! Et ça, c’est l’essentiel, non !? Il est rare de trouver à la fois un vendeur aimable, passionné, à votre service en toutes circonstances, que la boutique soit déserte (ce qui arrive très rarement ici, vous imaginez bien) ou bondée de monde ! 




Bonjour Fabien !

Peux-tu nous présenter ta boutique ? Depuis combien de temps existe-t-elle ?

As-tu toujours été au même endroit ?

C’est donc la boutique Alfa BD. On est installé à Nice depuis 2009. On s’est d’abord installé sur la rue Cassini, qui est vers la place Garibaldi. Au bout de trois ans et demi, on a eu besoin de s’agrandir. J’ai eu beaucoup de demandes, beaucoup de nouveaux produits. On est venu alors s’installer ici au 30, Avenue Saint Jean Baptiste.

Pourquoi ce nom Alfa BD ?

Parce-que mon premier associé, car en fait j’ai changé d’associé, s’appelait Alex. Moi, je m’appelle Fabien et donc, ça donne « Alfa » si tu récupères les deux premières lettres de chaque prénom. On s’est également dit que c’était facile quand tu fais une recherche Internet, d’avoir un A en premier mais c’est surtout AL/ FA : Alex et Fabien ! Mais tout le monde se trompe, même après huit ans, et continue d’écrire « Alpha » avec un PH !

Et pourquoi ouvrir une librairie spécialisée dans la bande-dessinée ? As-tu toujours travaillé dans ce domaine ?

Parce que je suis passionné depuis que je suis tout petit. J’ai eu une période de creux entre 15 et 20 ans, entre le lycée et la fac. Mais, c’est mon associé actuel, Nicolas, qui m’a fait redécouvrir la BD, vers mes 20 ans. Et là, je suis retombé dedans. Et quand je suis arrivé sur Nice en 2004, j’ai eu l’opportunité de travailler chez Album, la chaîne de librairies spécialisées dans la bande dessinée. Et quand ils ont fermé, je me suis dit que c’était l’occasion de me mettre à mon compte et de me lancer.

Qu’est-ce que tu lisais alors quand tu étais jeune ?

Les standards, des classiques : Tout ce qui était Gaston Lagaffe, Boule et Bill, Les Schtroumpfs, tout ça. Vraiment cette génération là, avec les Yakari. Et puis, un jour, mon père m’avait dit, tiens, je vais te donner quelques BD un peu plus « adulte ». Il m’avait passé les Alix, les Blueberry. Ce genre de choses que j’ai encore. Voilà, cela a vraiment été un déclic. Il y avait autre chose que de la BD jeunesse. Vraiment intéressant ! Tu plonges dans de belles histoires.

As-tu fait des études particulières pour devenir libraire ?

Absolument pas ! J’ai une maîtrise d’histoire-géographie. Je voulais devenir prof mais je ne regrette pas.

As-tu d’autres passions que la BD ? Quel est le dernier livre que tu as lu par exemple ? Et le dernier film  ?

Cela reste autour de l’univers, de la Pop culture : Cinéma, séries TV, jeux vidéo… Le sport aussi. Pas mal de choses faciles à échanger avec les autres ; et ça, c’est chouette ! Le dernier film que j’ai vu, c’était lors de l’avant-première du film « Logan » organisée avec les Cinéma Pathé Masséna et l’association UniversComics. Un film très intéressant avec un côté sombre inspiré des comics que l’on avait pas encore vraiment découvert au ciné. Un film destiné à un public plus mûr, où, pour une fois, on voit de vraies scènes avec Wolverine. Ce n’est pas une version Disney classique.
Je n’ai plus le temps de lire de livres, enfin, je veux dire, de romans. La dernière BD que j’ai lue, c’était Civil War, le tome 4. ça, c’est les mensuels. On essaie de lire un maximum de choses : mangas, BD, comics. Moi, j’en lis une ou deux par jour. Mes collègues aussi ! Ce qui nous permet de pouvoir proposer plein de choses à nos clients. Il y a mon associé Nicolas, notre employé Julien, et Alexis qui est en contrat d’apprentissage.

Et toi, quel genre de BD lis-tu et préfères-tu, en général ?

C’est difficile à dire. C’est tellement vaste. Moi, je lis dans les trois univers : La BD franco belge, le Comics avec son influence américaine, et tu as le Manga avec son influence japonaise. Je dis « influence » car parfois, tu as différents auteurs qui peuvent changer d’univers, du comics vers le manga et vice versa par exemple.

L'entretien intégral (ce n'est que le début!) est disponible sur le blog de MissJam06



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X-MEN GOLD #1 : NOSTALGIE ET POLEMIQUE AU MENU

Pour aller de l'avant, il faut savoir parfois regarder en arrière. Rien que le titre est éloquent : X-Men Gold, un clin d'œil appuyé aux années 90, à l'époque où les mutants connaissaient un succès considérable, au point de dominer les classements de vente de comics, chaque mois. Depuis les temps ont bien changé, les X-Men sont beaucoup moins dans l'air du temps et depuis la révélation des Inhumains, c'est encore pire. Il faut dire qu'au cinéma la franchise est détenue par Fox, et non pas Marvel Studios, et cela contribue grandement à reléguer ces personnages légendaires au second plan. Toutefois nous voici arrivés à une période cruciale que l'on nomme ResurXion. Après le spécial de la semaine dernière intitulée X-Men prime nous voici donc avec le premier numéro de X-Men gold; cela démarre de façon un peu particulière, avec un combat entre nos mutants, désormais menés par Kitty Pryde -qui a beaucoup grandi et aujourd'hui assume parfaitement l'héritage de Charles Xavier- et Terrax, qui est plutôt un des ennemis habituels du Silver Surfer par exemple. La haine contre les mutants est toujours aussi forte, elle se distille dans les médias et elle est alimentée par des discours haineux à la télévision. Mais Kitty résiste, et avec son équipe elle fait de son mieux pour montrer que humains et mutants peuvent cohabiter. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle est prête à sauver les meubles, lorsque les Nations Unies elles-mêmes sont attaquées... à côté de cela nous avons des scènes qui fleurent bon le retour en arrière, voir l'impossibilité d'écrire des choses nouvelles. De la traditionnelle partie de softball, qui nous ramène à ces grands moments sportifs de détente dans les années 90, jusqu'à la relation désormais achevée mais régulièrement évoquée, entre Kitty Pryde et Piotr Rasputin. En fait l'élément principal de ce X-Men gold, qui a fait couler beaucoup d'encre ces jours-ci, c'est la polémique concernant le dessinateur Ardian Syaf.

Si celui-ci fait plutôt un bon boulot dans la mise en page et la manière de raconter l'histoire, il est assez fainéant lorsqu'il doit s'occuper des détails, des visages au second ou troisième plan. C'est assez souvent bâclé et quand on y regarde de près, cela se voit vraiment. Mais ce n'est pas ça le pire. Le dessinateur à inséré des chiffres se référant à des versets du Coran (sur la casquette et le T-shirt d'un personnage) qui interprétés à l'aune des récents événements en Indonésie (une protestation contre Basuki Tjahaja Purnama, gouverneur de Djakarta, de confession chrétienne, accusé d'avoir blasphémé contre le Coran et de sympathie trop prononcée pour la communauté chrétienne et juive)) assume un caractère antisémite, ce qui a provoqué la réaction immédiate de Marvel et de tous les sites spécialisés, qui se sont jetés sur la nouvelle comme des loups affamés. Autre élément à charge, on voit apparaître, dans une vignette où Kitty s'adresse à la foule des humains en colère, l'inscription jewelry (bijouterie) dont ne sont visibles que les premières lettres (jew = juif, et Kitty Pride est de confession juive). A défaut de porter un jugement sur cette situation, qui pour l'instant jette surtout le discrédit sur le travail des éditeurs (cela n'aurait pas dû passer et être filtré par Marvel avant parution, mais comment s'en apercevoir sans une véritable connaissance de la géo-politique asiatique et du Coran?) se pose la question des messages politiques ou religieux personnels que les artistes peuvent avoir envie de glisser dans leurs œuvres. Je n'ai absolument rien contre l'idée que ces derniers puissent s'exprimer et avoir des opinions, mais j'ai de très forts doutes qu'un titre comme X-Men gold soit vraiment la tribune idéal pour le faire, et la totale certitude que dès lors que ce message peut-être interprété comme une vexation ou une stigmatisation d'une communauté ou d'une religion, nous tombons dans la provocation gratuite, ou le racisme assumé, si l'intention est celle de pointer du doigt. Dommage car cela risque de gâcher les début d'une série qui est capitale pour l'avenir des mutants. Il est temps que les X-Men relève la tête et on compte sur Marc Guggenheim pour y parvenir. Oui je suis nostalgique, je les aime bien les mutants!



Marvel a réagi en affirmant que les vignettes incriminées allaient être corrigées pour les impressions à venir, et que des mesures seraient prises à l'encontre de l'artiste. Ardian Syaf pour sa part a nié toute volonté de faire passer un message antisémite. A noter que le scénariste de la série (Guggenheim) est issue d'une famille de confession juive, et qu'il est ironique que cela se produise sur X-Men Gold, couleur qui n'est pas rappeler la maudite étoile jaune imposée au peuple juif durant la seconde guerre mondiale. Polémique regrettable, quand on sait que le message principal, de toutes les séries mutantes depuis leur création, est la tolérance et le respect des différences de l'autre, de tous les autres.
Tentative maladroite de faire passer un message incompris? Antisémitisme de bas étage? Honnêtement, je suis juste comme vous, un simple lecteur, et je n'ai pas envie de m'arroger le droit de condamner sans connaître les détails intimes de cette affaire. Qui sent quand même mauvais, fort mauvais. 


Le mot de la fin pour l'artiste lui-même :
Hello, Worlds…
My career is over now. 
It’s the consequence what I did, and I take it.
Please no more mockery, debat, no more hate. I hope all in peace.
In this last chance, I want to tell you the true meaning of the numbers, 212 and QS 5:51.
It is number of JUSTICE. It is number of LOVE. My love to Holy Qur’an…my love to the last prophet, the Messenger…my love to ALLAH, The One God.
My apologize for all the noise. Good bye, May God bless you all. I love all of you.
-Ardian Syaf-


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DIVINITY TOME 2 : SUPER COMMUNISME ET POUVOIRS DIVINS CHEZ BLISS COMICS

Alors que les Américains tentaient fébrilement d'envoyer le premier homme sur la Lune, l'Union soviétique elle avait déjà pris plusieurs longueurs d'avance dans la course à l'espace, en grand secret. Trois cosmonautes avaient été envoyé au fin fond de l'univers, trois bons communistes fidèles au régime, orphelins et donc sacrifiables. L'incident est survenu lors de la rencontre avec une entité mystérieuse, l'Inconnu, qui les a transformés en quelque chose de presque divin. Nous avons suivi le retour sur Terre, bien des décennies plus tard, du premier d'entre eux, Abram. C'était la trame du premier tome. Voici donc le second volume de Divinity, comprenant les quatre épisodes de la série Divinity II. La question qui se pose est : que sont devenus les deux autres, notamment Myshka, la femme copilote, qui elle est profondément marquée par l'idéal et l'idéologie communistes, et pourrait être un adversaire encore plus dangereux que Abram, qui finalement a été vaincu par l'équipe Unity (regroupant les principaux super-héros de l'univers Valiant) uniquement parce qu'il l'a bien voulu. D'ailleurs il a même accepté de coopérer. Myshka aussi est de retour vers la Terre, et elle aussi constate avec dépit et amertume que tout ce en quoi elle avait foi a désormais été éclipsé, que la Russie n'est plus ce qu'elle était autrefois... elle se met donc au service de Vladimir Poutine (oui oui le vrai, il apparaît dans le comics) pour restaurer la grandeur de la patrie. Paradoxalement le seul à pouvoir contrer son pouvoir divin est en fait Abram. Ce sera le point de départ d'une opposition titanesque, deux entités devenus pratiquement divines, et deux idéologies se faisant face, sorte de remake tout personnel de la guerre froide, dans un monde où ce genre de tensions auraient du être oublié depuis longtemps. Encore que l'actualité géopolitique du moment donne quelques sueurs froides alors... 




Trevor Hairsine est un dessinateur extraordinaire. Je vous l'avais déjà dit? L'alternance de plans resserrés et plus large, le dynamisme des combats, l'émotion qui suinte d'un regard, d'un geste, il y a du panache et de la variété dans cet album, qui est graphiquement d'un niveau excellent. Matt Kindt démontre lui qu'il est possible d'écrire une vraie bonne histoire sans avoir recours à des super-héros ultra connus du grand public, et en jouant habilement avec les idéologies occidentales et soviétiques sans pour autant condamner ou louer aveuglément. Il y a de la nuance, et en fait ces grandes valeurs de la patrie sont tempérées par les individus, leurs rêves, leurs passés, qui sont les moteurs de l'histoire, là où les traumatismes et les failles sont apparus pour la première fois, et la manière dont ils ont su les gérer et vivre avec par la suite. Les autres héros de l'univers Valiant ne sont que des fétus de paille, de simples parasites (il voir Ninjak impuissant...) qui n'ont aucune chance de s'opposer à ces forces primaires, qui jouent de l'espace et du temps, tentant d'en modifier le cours en susurrant au réveil de Staline, ou en incitant Gorbatchev à ne pas céder face aux pressions du capitalisme. Mais chez Valiant, l'histoire ne peut être récrite si facilement, et c'est tant mieux, cela évite de semer la zizanie dans la timelime, et on y gagne en lisibilité.
Encore une belle petite sortie à se procurer chez Bliss Comics donc, d'autant plus que ce second tome est riche en bonus, avec la genèse expliquée et commentée par les auteurs, les artistes. Ce qui est fort appréciable.







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LA VISION TOME 2 : À PEINE MIEUX QU'UNE BÊTE

La vie de famille peux réserver bien des difficultés, et receler bien des secrets. Ceci est d'autant plus vrai lorsque vous êtes un synthézoïde, c'est-à-dire une créature artificielle faite de circuits et de technologie ultra moderne, mais dotée des sentiments et d'une logique tout humaine. C'est cette étrange combinaison qui a poussé la Vision à tenter l'aventure d'une vie de famille normale, avec une femme et deux enfants, dont il est le créateur, au sens propre. Leur emménagement dans une banlieue paisible américaine a vite tourné au cauchemar, l'épouse de la vision ayant ainsi assassiné le Moissonneur, qui était venu causer un drame chez notre Avenger. Ensuite elle s'est retrouvée en partie coupable de la mort du fils d'un voisin, qui tentait de la faire chanter, après avoir filmé la disparition du premier cadavre. La Vision peut-il mentir pour protéger sa famille? Quelles seront les conséquences extrêmes des actes du premier tome et jusqu'à quel point la situation peut-elle empirer? Après un premier épisode qui revient sur la longue relation entre le héros et la Sorcière Rouge, leur mariage, leur histoire d'amour et leurs enfants imaginaires, qui sont à la base d'une des plus grandes tragédies de l'histoire Marvel, nous retournons dans le vif du sujet avec un Tom King qui signe là un des titres les plus extraordinaires qu'il nous ait été donné de lire chez Marvel, ces dernières années. Il faut des êtres de circuits imprimés pour obtenir une telle analyse, une telle finesse dans la description de ce qui peut bouleverser un être humain, lorsque les liens du sang et les choix forcés nous obligent à emprunter des sentiers que nous savons périlleux. La situation précipite d'avantage lorsque le "frère" de la vision, Victor Mancha, ancien membre des Fugitifs et des Avengers I.A,  s'installe au foyer...




La famille de la Vision est totalement désorganisée, proche du délitement. La femme est névrosée, piégée dans une vie au foyer qui ne lui convient pas, écrasée par les mensonges et ses actes qui inévitablement apporteront le désastre. La fille tente de vivre son existence d'adolescente pré-programmée, non sans pâtir du climat ambiant. Reste le fils, fasciné par le Marchand de Venise, la tragédie de Shakespeare, et qui sera lui aussi au centre d'un drame exemplaire. Victor apporte de son coté cette poussée décisive, ce dernier coup du sort qui ajoute la trahison au lot des frustrations quotidiennes, et pousse la Vision devant un choix crucial. Accepter les faits et se soumettre à ce que les autres attendent de lui (les Avengers) ou agir, au risque de se mettre à dos toute la communauté super-héroïque, et de précipiter le funeste destin qui rôde. 
Inutile de se répéter, cette série en douze épisodes est indispensable. L'écriture est d'une justesse remarquable, et l'ensemble fonctionne comme un mécanisme d'horlogerie diabolique, où tout se met peu à peu en place et implose au bon moment. Gabriel Hernandez Walta est parfait dans son rôle de dessinateur d'émotions, et il insuffle vie et grandeur à ces personnages synthétiques, pourtant si proches de nous, si semblables à l'humanité et ses contradictions. Notons aussi le passage de Michael Walsh, qui ne dépareille pas, et joue lui aussi dans un registre sensible et poignant.
La Vision, chez Panini Comics, est ce genre de comic-book qu'on définit "oeuvre d'art" sans avoir à rougir un seul instant. 




Pour acheter les tomes 1 et 2, ces petits bijoux :




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