PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE


Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terroristes. Il baptise aussitôt le chiot « Bruce Wayne » ( le milliardaire masqué, évidemment) et s’attache à lui comme à un ami de longue date. Puisque son fidèle aigle Eagly semble absent de cet album, l’animal devient très vite son nouveau compagnon le plus précieux. Hélas, Bruce Wayne est bientôt enelevé par deux super-vilains de seconde zone : le Cerveau (à la recherche d'un corps pour abriter sa matière grise) et Monsieur Mallah, le gorille surdoué armé jusqu’aux dents. Leur plan initial : faire chanter Peacemaker et l’obliger à voler l’ADN de Deathstroke afin de créer un nouveau corps pour le Cerveau. Ce qui pouvait être une quête désespérée pour sauver un chien va se transformer en odyssée délirante, truffée de rencontres improbables, comme un super vilain qui carbure à la cocaïne, ou encore The Red Bee, super-héros de la Seconde Guerre mondiale que même les encyclopédies des comics oublient de citer. Son meilleur atout ? Une abeille, qui le tire des mauvais pas en cas de besoin. Kyle Starks s’impose ici comme un scénariste idéal pour Peacemaker. Sa verve comique rappelle celle de James Gunn, tout en évitant les écueils du passage de l’humour télévisuel à la planche de comic book. Sans les acteurs pour porter les blagues, il s’appuie sur des dialogues acérés et des punchlines décalées qui peuvent être lues avec l’intonation de John Cena, pour plus d'efficacité (juré, je l'entendais dans ma petite cervelle). Résultat : on rit à voix haute presque malgré soi. On se dit même que Starks serait le candidat parfait pour Deadpool, qui ces dernières années a connu une sérieuse baisse de régime et d'inspiration. Le dessin nerveux de Steve Pugh et les couleurs explosives de Jordie Bellaire magnifient chaque page. Visages expressifs, chorégraphies de bastons absurdes et palettes éclatantes amplifient le chaos et l’humour. Et puisque le physique de Peacemaker est directement calqué sur celui de John Cena, impossible de ne pas faire le lien et d'aimer une des deux versions sans adorer l'autre. 



Comme chez Gunn, Starks comprend que Peacemaker fonctionne à merveille quand le burlesque se mêle à la tendresse. Derrière l’absurdité d’un justicier qui sauve son chien des griffes d’un cerveau parlant et d’un gorille armé se cache un récit sur la solitude et la vulnérabilité. Christopher, marqué par un père violent et négligent, peine à créer des liens. Sa vie ne se résume qu’à son rôle de Peacemaker : pas d’amis, pas de vie privée, et même Amanda Waller ou la Suicide Squad esquivent ses invitations. Il ne lui reste que son agent de probation, Richard, et son chien Bruce Wayne pour lui témoigner une affection sincère. Starks souligne cette fragilité à travers des moments de mélancolie, d’échec, de deuil et des flashbacks traumatiques. Empathie assurée, pour un héros tendre, bourru, et surtout complétement con. En fait, Peacemaker n’est pas seulement un gag ambulant. Il incarne à sa façon les paradoxes de la droite américaine contemporaine, version Trump V2. On veut se moquer de ces patriotes bornés, les tourner en ridicule, mais on sait aussi qu'ils peuvent s'avérer être des menaces bien réelles pour les libertés fondamentales, la démocratie. L’Amérique persiste à se rêver nation de pionniers : un western qui voudrait toujours peindre ses héros en hors-la-loi, mais des hors-la-loi que le public finit par adouber, par acclamer. Peacemaker, pour sa part, est un franc tireur, il ne pense en réalité qu’à suivre ses pulsions et à obéir à celui qui lui donnera une mission. Au fond, il est presque ravi que le Cerveau et Mallah aient kidnappé son chien : cela lui donne un but provisoire dans la vie, une cible sur laquelle projeter sa rage. C'est toujours mieux que de passer un nouveau week-end dans la solitude la plus complète, quand tout le monde décline votre invitation et vous tourne le dos. Patriotisme aveugle, âgisme, sexisme, culture incel : Starks se moque de tout et nous tend un miroir fidèle sur nos responsabilités individuelles. Peacemaker tries hard assume sa filiation avec la série télévisée et la douce folie du Silver Age. C'est parfois désopilant, dingue, caustique, c'est une fichue bonne surprise, en fait !



Peacemaker, la série, saison 1 : la chronique


UniversComics, la communauté Facebook : 

www.facebook.com/universcomics

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!

PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...