SEVEN TO ETERNITY : LA NOUVELLE SERIE DE RICK REMENDER

Vous cherchez un créateur de génie, capable de mettre sur pieds des univers ultra fouillés, crédibles, et truffés de créatures et de paysages merveilleux? Dans le petit monde des comics américains, vous avez Rick Remender, qui correspond bien à cette définition du rôle. Son nouveau titre sorti en Vf chez Urban Comics, Seven to Eternity, est une nouvelle fois d'une exigence évidente, et nécessite une lecture attentive. 
L'histoire se déroule sur Zhal. Ce monde lointain est tombé sous la coupe d'un certain Maître des murmures, appelé aussi le Roi Fange par ses (très nombreux) opposants. Il a un pouvoir étonnant et pernicieux : ses mots, les rumeurs qu'il propage, finissent par entrer dans l'esprit de qui les écoute, devenir des faits établis, qui vous retournent le cerveau, surtout qu'il a la capacité de savoir quelles sont vos vrais désirs secrets, ceux pour lesquels vous seriez prêts à tout renoncer, y compris les convictions les plus ancrées, celles pour lesquelles vous étiez prêts à mourir quelques minutes auparavant. En retour, le Roi Fange vous contrôle, et voit et entend par vos oreilles. Vous devenez son pantin, et grossissez son armée. En face, on suit les vicissitudes de la famille Osidis, et plus particulièrement du père, Adam. Ce dernier est considéré comme le traître par excellence par les Mosaks, des  mages guerriers en lutte contre le Maître des murmures, avec qui il n'avait pas souhaité s'allier par le passé, préférant rester neutre dans le conflit ravageant Zhal, et partir se terrer au plus profond des collines, dans un lieu inhospitalier et caché. Jusqu'au jour où on le retrouve, lui et les siens. Adam ne peut plus rester dans l'ombre, et de plus, il est malade, probablement mourant.

Seven to Eternity interroge donc l'éthique. Il est facile de se vanter d'avoir des valeurs, une ligne de conduite à laquelle on ne déroge jamais, mais cela est vrai jusqu'à quel point, quel prix? C'est cet axiome qui porte le pouvoir du Roi Fange, dont les murmures ont l'effet de bombes, et entraînent une reddition immédiate. Remender plonge l'ensemble dans un univers de science fiction cataclysmique, qui suinte la fin des temps et la déchéance continue, le truffant de créatures et de concepts qui font mouche, à en donner le mal de tête. Comme dans Low, ou encore Blak Science, nous avons ici un univers si stratifié et chargé en concepts audacieux et pourtant vite acceptés par le lecteur, qu'il est évident que cette série va vite atteindre le statut de petite perle du genre, et ravir ceux qui aiment les lectures à la frontière de la fantasy et du comics d'anticipation classique. En plus, Jerome Opena est le dessinateur, et c'est tout bonnement renversant. Une science du détail invraisemblable, une précision dans la mise en scène, chaque personnage fouillé et unique, c'est un festival dans le cadrage, l'alternance de composition des planches, et du style des vignettes. Les couleurs de Hollingsworth sont au diapason (il existe aussi une version noir et blanc dans un format plus grand, comme Urban l'a déjà fait par le passé) et achèvent l'impression d'avoir entre les mains un classique moderne.
Certains commenceront à reprocher une multiplication de séries assez similaires, chez Rick Remender, mais tant que le scénariste parviendra à rendre ce genre de copie, avec en plus un dessinateur aussi incroyable à ses cotés, ce serait bête de ne pas participer à l'aventure. D'autant plus que le prix de lancement, chez Urban Comics, est cette fois encore de dix euros. 


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EARTH 2 (DC COMICS LE MEILLEUR DES SUPER-HEROS TOME 59 ET 60 CHEZ EAGLEMOSS)

Bonne nouvelle, ce n'est pas un, mais deux volumes consécutifs, que la collection Eaglemoss consacre à Earth 2, réalité alternative lancée par James Robinson, à l'occasion des New 52. Nous avions bien aimé cette série, et nous vous en (re)parlons aujourd'hui.
Les histoires de (nombreuses) Terres parallèles ont souvent été le péché mignon, mais aussi le talon d'Achille de Dc Comics. Au point de s'y perdre, de devoir tout effacer, pour ensuite recommencer. Depuis le reboot de septembre 2011, tout est à nouveau possible et à construire en ce sens. Du coup, c'est dans la série Earth 2 que les choses se (re)mettent en place, et c'est plutôt agréable.
Le scénariste a qui cette tâche a été confiée n'est autre que James Robinson, capable de pondre des récits sans grand intérêt, voire dispensable, ou au contraire de laisser une trace profonde, comme avec Starman, par exemple. C'est fort heureusement la seconde hypothèse qui s'avère être de mise dans le cas qui nous intéresse. 
Sur Earth 2, la fameuse trilogie Dc est bien présente. Superman, Batman, et Wonder Woman. Mais la situation est des plus tragiques : les trois légendes tombent au champ de bataille, lors d'une invasion alien orchestrée par l'impitoyable Darkseid, venu en conquérant. Le monde est dévasté par les hordes d'Apokolips, et c'est un carnage incroyable. Tout ceci est censé s'être déroulé il y a cinq ans, tout comme dans l'univers Dc traditionnel, la formation de la Justice League remonte à cette période.
Dans cet univers là, le Dieu grec Mercure est responsable de la création de la nouvelle version de Flash (Jay Garrick), qui n'a que peu de rapport avec le vieux sage et pondéré que nous connaissions. Ici, il s'agit d'un jeune super-héros peu sûr de lui et encore acerbe, qui vient de se faire larguer par sa copine et peine à trouver sa place. Il va rencontrer malgré lui le Green Lantern de Earth 2, Alan Scott, qui a défrayé la chronique en son temps, au delà de la sphère restreinte des comics, pour son orientation sexuelle. Ce Alan Scott là est gay, et il est soumis à la perte tragique de son compagnon, avec qui il filait le parfait amour. Nous retrouvons aussi Hawkgirl, aux prises avec les forces de l'ordre, mais également Atom (Atom Smasher). Est de la partie Solomon Grundy, lié à l'esprit de la putréfaction, qui va donner du fil à retordre à tous ces héros. 

Le talent de Robinson, c'est de savoir doser avec facilité le pathos et l'action, introduire les personnages en sachant les rendre attachants et touchants assez rapidement. On se prend très rapidement au jeu de qui est qui, et des sept différences. Par exemple, devinez un peu quel est le rôle de Helena Bertinelli, la Huntress de notre Terre? Elle endosse ici le costume de Robin. Le titre a aussi des accointances avec deux autres séries comme World's Finest (qui met en scène Power Girl dans un nouveau costume raté et moche) et Mister Terrific. Les héros qui traversent le récit sont contraints de s'unir à cause des événements, mais on se rend compte que l'alchimie n'est pas encore parfaite, et que ça manque sévèrement de cohésion. 
Bonne idée d'avoir confié les dessins à Nicola Scott, qui présente des planches fluides et dynamiques, plastiquement fort jolies, toujours en mouvement et en souplesse. Avec en bonus de belles scènes très convaincantes et éloquentes de destruction et de morts, qui placent d'emblée le lecteur face à la tragédie qui a frappé cet univers parallèle où les meilleurs sont partis avec les honneurs. Une excellente mise en abîme de ce que nous pouvons lire lors du reboot de la Justice League, de Johns et Lee, et un plaisir de constater que tous nos légendes du Golden Age ne sont pas mortes, mais vont pouvoir connaître une seconde jeunesse, en temps réel, sous nos yeux de lecteur moderne. 
Face à la menace de la "nécrose", les nouvelles "merveilles" s'unissent, et la collection Eaglemoss s'enrichit de deux volumes efficaces, qui se laissent lire avec facilité, et plaisir. 



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LOVE IS LOVE : LES COMICS CONTRE L'HOMOPHOBIE

L'amour, c'est de l'amour, et peu importe la forme qu'il revêt. Ce qui pourrait sonner comme une évidence ne l'est pas, comme le rappelle froidement la tragédie d'Orlando, en 2016, où des dizaines de personnes ont trouvé la mort, abattu dans une discothèque, au seul prétexte qu'elles fréquentaient un club réputé de la communauté LGBT. L'assassin n'était pas seulement un réceptacle de haine, mais probablement aussi de frustrations, de problèmes personnels (y compris la non possibilité ou capacité d'accepter sa propre identité), et la tragédie a marqué les esprits, d'autant plus qu'elle a été revendiqué (maladroitement, on n'y croie guère) par l'Etat Islamique. Bref, passons à autre chose, passons à l'hommage, appuyé, ému, dont les recettes sont intégralement reversées à des associations oeuvrant pour la cause LGBT.
Il s'agit d'un pot pourri de petits récits, souvent une seule page, parfois une simple illustration, une pierre à l'édifice apportée par de très nombreux artistes du monde entier, sous l'impulsion de Marc Andreyoko, qui a initié le projet. L'édition sortie chez Bliss Comics est enrichie par des contributions françaises, et s'avère être un bel objet proposant une riche variété de styles et de manière de témoigner. De ce coté, on a vraiment apprécié le contenu hétérogène et exhaustif, qui est aussi un témoignage intéressant sur un pan de la production de comics modernes. Jim Lee, Scott Snyder, Paul Renaud, Brian Bendis, les grands noms se bousculent, et à leurs coté, on trouve des réalités plus modestes, mais tout aussi pétries de talent. Alors bien entendu, tout n'est pas d'un niveau qualitatif extraordinaire. Dc a accordé les droits de ses personnages, du coup on voit un Deathstroke qui comprend que les armes à feu, c'est caca (sérieusement, Taran Killam?) mais aussi un Batman, plus grand détective de la planète, incapable de répondre à la question qui brule toutes les lèvres, le pourquoi de ce déferlement de haine absurde et cruelle (Marc Guggenheim).


Alors bien sûr il serait facile de se la jouer catalogue, et d'énumérer tout le contenu de Love is Love, mais ça n'aurait en réalité pas grand intérêt. Chacun apporte sa pierre à l'évidence, et attaque le problème de fond (l'homophobie, mais aussi la tuerie d'Orlando, donc) d'une manière qui lui est propre, selon sa sensibilité. Par exemple Mark Millar et Piotr Kowalski dénoncent la prolifération absurde des armes à feu, et leur seule et unique fonction, tuer. James Tynion IV nous explique comment un simple symbole, comme un bracelet, peut-être la première étape vers l'acceptation d'une identité qui vous destine à rester en marge, si vous ne trouvez pas le courage de vivre pleinement. Dave Justus et Travis Moore insistent sur l'importance du coeur, unique arme contre la haine, alors que Jeff King et Steve Pugh replace l'homosexualité dans le cadre de la relation père/fille, le premier cité devant accepter une révélation qui le bouleverse, mais ne prendra pas le dessus sur l'amour, fort heureusement. Messages d'espoirs, constats désolants et désolés, textes lyriques ou anlytiques, on trouve vraiment de tout, y compris l'illustration iconique d'Elsa Charretier en couverture, qui résume l'ensemble avec ravissement. Ouais, c'est bien ça qui compte au final, pour les victimes, leurs proches, et celles et ceux qui se sentent proches : aller de l'avant, ensemble, sans trop perdre de temps à s'interroger sur qui aime qui et comment. Peu importe que Love is Love soit en réalité une longue variation sur le thème, avec quelques passages plus creux et des longueurs inévitables, c'est ce qu'il représente qui est la pierre angulaire de l'édifice, et la raison pour laquelle l'achat se justifie. 



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WITCHBLADE #1 : LE REBOOT AVEC KITTREDGE/INGRANATA CHEZ IMAGE

Witchblade is back. Après 185 épisodes, 20 ans d'histoires, des séries dérivées, et deux ans dans les limbes. Witchblade is back, mais avec de nouveaux personnages, sous forme d'un reboot complet, une nouvelle manière de raconter ce qui l'a déjà été, plus adapté à l'époque d'aujourd'hui, un titre plus féministe, moins stéréotypé. Voici quelles sont les promesses avant d'aborder ce premier numéro qui est sorti mercredi chez Image comics. 
On dit au revoir à Sara Pezzini, la nouvelle élue s'appelle Alex Underwood, une journaliste abattue alors qu'elle mène une petite enquête sur la femme d'un flic violent, mari idéal sur la photo, mais salopard de première dans l'intimité, puisqu'il roue de coups sa femme. Bien sur Alex (moins aguicheuse, naturelle, sportive, loin du stéréotype donc de la bimbo à gros seins, aussi courte vêtue qu'un mensonge de François Fillon dans la dernière campagne présidentielle) ne reste pas longtemps décédée, puisque elle se réveille avec les souvenirs en vrac, des visions pleins la tête et son appartement, et surtout, un étrange bracelet futuriste collé au poignet. Oui, exit le gant qui se greffe sur sa porteuse, et qui a fait le succès de la série jusque là. Witchblade veut vraiment s'affranchir de l'image du comic-book ultra sexy et racoleur que beaucoup lui ont collé, et cela passe par une équipe toute féminine, avec la scénariste Caitlin Kittredge, déjà vue sur Coffin Hill, et Roberta Ingranata, jeune artiste milanaise. 
Le seul problème avec ce reboot, c'est qu'il prend du temps, beaucoup de temps, pour crédibiliser la psychologie d'Alex, et tourne le dos aux vieilles recettes de manière si évidente que cela va forcément dérouter ou décevoir les fans de la première heure. Pourtant l'idée est loin d'être mauvaise, et pour peu que les prochains épisodes soient plus rythmés et présentent (ce qui n'est pas le cas pour le moment, seule la dernière planche laisse entrevoir le potentiel) ce que sera vraiment l'héroïne, on peut espérer que la mayonnaise prenne. En tous les cas Ingranata est vraiment à l'aise au dessin, son trait apporte une beauté froide (avec des couleurs fort pertinentes signées Bryan Valenza) et sans aucune fausse note, et c'est elle qui donne envie d'aller lire la suite, car cette Witchblade là est en effet différente, bien mise en scène, campée avec classe. Par endroits on a même quelques arrière-pensées, qui nous amènent du coté du duo Checchetto/Mossa, par exemple.
Moins de science-fiction mythologique, moins de grosses poitrines proéminentes sur des corps interminables, cette série là opère en territoire urbain et suit les jalons imposés par une nouvelle manière d'inscrire la femme dans la société, moins objet de désir improbable, plus actrice crédible de son existence, et gérant corps et images selon son bon vouloir fonctionnel, plus que pour le regard caricatural de mâles libidineux.
Reste la question phare. Witchblade peut fonctionner dans cette nouvelle incarnation, qui boude son code génétique et ses réflexes narratifs et visuels de toujours? On le souhaite, ne serait-ce que pour Roberta Ingranata. 


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BATMAN ADVENTURES MAD LOVE : LES ORIGINES DE HARLEY QUINN

Une fois de plus, le Joker a mis au point un plan diabolique pour commettre ses méfaits : cette fois c'est le commissaire Gordon qui se retrouve attaché sur la chaise du dentiste, et qui va subir une opération fort désagréable. Mais bien évidemment, au dernier instant, Batman intervient et sauve la situation. Il faut dire qu'il avait reçu un indice sous forme de dentier, qui l'avait mis sur la piste. C'est l'assistante du Joker, une fille frappadingue déguisée en costume de bouffon et répondant au patronyme de Harley Quinn, qui lui a mis à puce à l'oreille. Ce n'est pas du tout du goût du Joker, qui n'apprécie pas que celle qui est amoureuse de lui se permette de lui gâcher ses meilleures blagues. 
Cette histoire brève est particulièrement violente et cruelle, car au-delà de l'aspect humoristique et très cartoony qui caractérise ce Mad Love, nous avons affaire à un Joker complètement malade, narcissique pervers, qui se complaît dans la souffrance qu'il inflige à une jeune femme tombée sous sa coupe. L'histoire de la psychiatre Harleen Quinzel, attirée par la célébrité facile et désireuse de mener une brillante carrière, aux côtés des stars criminelles, est particulièrement pertinente. Alors qu'elle est en stage à Gotham, au sein de l'Institut Arkham, elle finit par tomber sous le pouvoir du prince du crime, qui lui raconte son enfance pathétique à sa sauce, pour lui retourner le cerveau. Ce n'est pas qu'une affaire de bande dessinée, c'est aussi ce qui arrive réellement et régulièrement dans la vie, quand l'amour devient toxique, quand vous ne comprenez plus que vos sentiments vous placent dans une position de dépendance, au point de tout accepter, des coups au vexations, sans appréhender ce qui se joue à vos dépends. Bref, un Mad Love qui peut se savourer à différents niveaux de lecture, et c'est très bien ainsi.

On peut être assez insensible au personnage, et pour autant s'intéresser de près à ces origines d'Harley Quinn, telles que narrées par son créateur Paul Dini. Celui-ci a toujours eu la capacité de convoquer l'humain, derrière le masque, même lors d'aventures plus infantiles en apparence, construisant ainsi des mille feuilles narratifs, accessibles à tous. Et puis en duo avec Bruce Timm, cela signifie aussi et surtout les grandes heures de l'animé Batman TAS, qui aura amené aux comics toute une génération, en proposant un produit simple au premier abord, mais complexe dans sa qualité structurelle, son évidence. Ici la plasticité des personnages, la ligne claire qui les anime, le travail sur le caractère expressif de chacun d'entre eux (même Batman), fait qu'on se prend au jeu facilement, et que la lecture progresse avec une fluidité remarquable.
A coté de tout cela, Batman Adventures Holiday Special #1 et Adventures In The DCU #3 font figure de simple bonus pour justifier une nouvelle réédition, dont la pagination conséquente est aussi l'œuvre de bonus que les fans apprécieront, outre une version disponible avec Dvd. 
Mad Love est un des récits les plus intelligents et poignants que les comics américains recèlent, sous couvert d'une aventure légère et divertissante, pour un lectorat jeunesse. La violence est tenue à distance par le style adopté, mais n'en est pas pour autant moins grinçante et édifiante. 



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CIVIL WAR II : LE MARVEL DELUXE CHEZ PANINI COMICS

On ne peut pas dire que Civil War II est passé sur l'univers Marvel comme une déferlante qui a tout emporté. Si les prémices avaient fait croire à un récit adulte et rondement mené, l'ensemble s'est vite perdu dans une sorte d'improvisation sans queue ni tête, et son démiurge, Brian Bendis, a même depuis pris ses affaires pour déménager du coté de chez Dc, après avoir vraisemblablement épuisé la motivation et l'inspiration pour la Maison des Idées. Ouch. Reste donc à relire la saga d'une seule traite, chez Panini, qui propose une belle édition librairie, quelques mois seulement après son terme.
S'il y a bien un point commun évident entre le récit publié il y a plus de 10 ans et celui d'aujourd'hui, cela pourrait être une catastrophe gigantesque, une destruction massive qui risque de bouleverser l'opinion publique, et de provoquer de fortes dissensions dans la communauté super héroïque. Autrefois c'était les New Warriors et leur stupide émission de téléréalité qui s'étaient révélés imprudents face à un certain Nitro, cette fois nous avons affaire à une situation plus complexe. Néanmoins il semblerait que les Inhumains et ce fameux nuage terrigène -qui semble se balader autour de la planète depuis des mois, entre temps Secret Wars est passé par là, et on aurait pu croire qu'un nuage, ça finit par se dissoudre, disparaître, au fil des jours...- ne soient pas pour rien dans ce qui se produit. Nous retrouvons Miss Hulk alias Jennifer Walters, qui démontre à quel point une excellente avocate ne peut rien, face aux préjugés et aux pressions que subissent parfois les jurys populaires... elle tente bien de sauver la peau du Pitre, ancien super-vilain de troisième zone opposé à Daredevil dans les années 80, mais en pure perte. Autre protagoniste, James Rhodes, qui semble sur le point de prendre du galon, ou en tous les cas a qui on fait miroiter un avenir assez surprenant.
Tout le monde semble solidaire, au départ, quand il s'agit de repousser la menace cosmique des Célestes qui débarquent sur Terre, et qui ne nous veulent pas que du bien. La stature, l'attitude, tout nous fait penser à la venue de Galactus, qui s'était rendu sur notre planète pour en faire son casse-croûte. Mais cette fois les héros sont sur le pied de guerre, unis et motivés, et ils ont un nouvel atout de poids, les Inhumains. Ces derniers, gouvernés par la sagesse et le sens pratique de Medusa, ont un sacré bonus dans leur manche, Ulysse, un jeune homme dont les dons sont apparus après la diffusion du célèbre nuage terrigène, et qui semble en mesure de pouvoir prédire le futur, en tout du moins d'en percevoir les pire moments, et de pouvoir ainsi les anticiper. Une manière pro-active d'éviter les soucis à venir.

Là où Civil War II s'emballe et commence à perdre quelques lecteurs tatillons, c'est quand un des proches de Tony Stark s'enrôle en douce dans l'équipe de Carol Danvers, pour s'en aller stopper Thanos, dans ses mauvaises oeuvres. S'ils savent que le titan prépare un mauvais coup, c'est grâce à l'inhumain Ulysse, et ses pouvoirs déjà évoqués d'anticiper l'avenir. Seulement voilà, à vouloir changer le cours des choses sans se concerter, on peut y laisser des plumes... Bilan des courses, un premier mort à déplorer (un personnage que nous connaissons depuis des décennies, ce qui va provoquer la deuil et la colère noire de Stark. Au cas où vous n'auriez pas encore lu je fais semblant de laisser le suspens) et un autre Avenger parmi les plus puissants, qui ne va guère mieux et pourrait même ne jamais remarcher. Deux camps se forment inéluctablement, avec d'un coté Carol Danvers (Captain Marvel) et de l'autre Tony Stark. Et boum, tout le monde tape sur tout le monde, opérant des choix qui n'ont pas toujours de sens logique, semblant trouver dans le litige et les bourre-pifs la seule et unique solution pour régler des différents moraux et éthiques. On les croyait plus adultes les super-héros, mais non, à la première occasion, c'est la foire d'empoigne, et au passage, la communauté va perdre certains de ses piliers, alors que la division s'accentue, avec un arrière goût de stérilité évidente, un manque de direction clair qui finit par nuire au récit.
Le dessin de l'introduction est d'Olivier Coipel, et là c'est tout simplement somptueux. L'artiste français est en forme incroyable, ses poses et ses plans sont naturels et d'une plasticité idéale, et l'ensemble de son épisode est illustré avec un brio stupéfiant. La scène dans la tribunal est un modèle du genre. C'est véritablement très très beau. David Marquez n'est pas en reste, lui aussi pond des épisodes vraiment jolis, avec un trait clair et évident, qui facilite grandement la lecture des événements, et caractérise efficacement une galerie de personnage fournie. Pas évident, ce challenge. 
Dommage, oh grand dommage, que ce Civil War II s'appuie sur une trame si passionnante et riche en débats conceptuels, pour la réduire en un vaste catalogue d'actions/réactions parfois incompréhensibles, à la limite du out of character. 


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ALL-STAR SUPERMAN : GRANT MORRISON REND HOMMAGE AU KRYPTONIEN

Retour chez Urban Comics d'un des grands classiques de la carrière de Grant Morrison, l'acclamé All-Star Superman, qui est aussi et surtout le récit touchant et emblématique des derniers jours du personnages, douze épisodes testaments qui embrassent la légende d'un héros devenu icône de la pop culture, reconnaissable sous toutes les latitudes, pour son emblème et ses valeurs.
All Star Superman travaille "hors continuité", et n'a pas pour vocation de réécrire la légende de l'Homme d'Acier, d'en modifier les origines, ou le futur proche. Juste, et ce n'est déjà pas si mal, de nous enchanter par la fluidité et la sérénité du récit. Pourtant, les nouvelles ne sont pas forcément bonnes pour Superman : une exposition massive aux rayons solaires (qui en quantité "normale" lui fournissent ses pouvoirs), lors du sauvetage d'une expédition scientifique, a quasiment condamné à mort le super héros de Metropolis. Son organisme se consume et ses jours sont comptés. Lex Luthor, qui est à la source du plan diabolique ayant entraîné cet état de fait, est lui destiné à la chaise électrique. Mais l'ambiance n'est pourtant pas morbide, on décèle même une grande poésie dans ASS, comme lorsque Superman offre à Lois Lane, pour son anniversaire, un sérum lui permettant de posséder les mêmes pouvoirs qu'il détient, pendant une journée entière. Une si jolie super héroïne attire cependant les convoitises de nouveaux admirateurs, comme Sanson ou Atlas, deux boules de muscles qui voyagent à travers le temps et se sont attirés les foudres du Pharaon Atom-Hotep, et qui vont obliger bien malgré lui Superman à faire quelques "heures supplémentaires" au service du bien commun. Vous l'aurez compris, ces douze numéros se lisent aussi comme autant de travaux nécessaires pour Superman, pour entrer définitivement dans la légende des héros. 

Au programme également, un morceau de kryptonite noir, qui rend Superman dingue, ou plutôt le soulage de tout son attirail de boy-scout, pour en faire une sorte de version négative du héros sans peur et sans reproches. Pour le contrer, il ne reste plus que Jimmy Olsen, transformé en Doomsday? Ou encore une fort drôle interview de Clark Kent qui rencontre Luthor dans les couloirs de la mort, mais aussi le Parasite, qui se nourrit de la force super humaine de ceux qui lui sont physiquement proches. L'aura de Superman, quel festin! Mais également le drame simple et poignant de la mort de Jonathan Kent, le père adoptif de notre héros, qui ne peut sauver à temps son bienfaiteur, trop occupé à combattre aux cotés des versions issues du futur du mythe de Superman. Sans oublier Bar-El et Lilo, les deux premiers astronautes de la planète Krypton, imbus de leurs puissances respectives, et Bizarro et son monde absurde, reflet grotesque et contraire du notre. Grant Morrison s'exprime sans se poser de limites et joue avec malice avec le mythe du personnage. Il tisse un florilège de situations, de rencontres, qui puisent leur essence même dans ce qui fait et fera la grandeur du héros, la noblesse et le courage d'un Superman pourtant si humain et fragile, si dépendant de l'affect de ceux qu'il s'est juré de protéger, et qui ne lui survivront vraisemblablement pas. Quitely est le dessinateur idéal pour cette poésie super héroïque, avec un trait souple, clair, traversé par la lumière pastelle qu'ajoute avec soin le coloriste Jamie Grant. Si All-Star Superman n'est pas un chef d'oeuvre absolu, peu s'en faut. Il est recommandé de posséder une belle édition à la hauteur de cette oeuvre, et Urban Comics assure un travail louable de ce coté là. Indispensable pour ceux qui souhaitent se laver et se purifier du cynisme et de la sueur des comic-books contemporains, avec un vrai beau et grand Récit. La majuscule s'impose.



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