TOKYO MYSTERY CAFÉ : LA DISPARUE D’AKIBA (ATELIER SENTO)


 Tous ceux qui ont déjà vécu à l'étranger vous le confirmeront, il faut une période d'adaptation lorsqu'on découvre un monde radicalement nouveau. C'est d'autant plus vrai lorsque vous êtes jeunes et que vous débarquez à Tokyo, dans la capitale japonaise, ou tout est absolument différent, de la langue au style de vie, en passant par l'architecture. Il faut dire que Nahel a une très bonne raison pour tenter sa chance au pays du soleil levant : son rêve, c'est de devenir un mangaka. Il débarque donc dans le quartier de Akihabara, qui est un peu le paradis pour tous les otakus, là où il a loué une simple chambre. Le logement appartient à un vieil homme qui possède une boutique de matériel électronique au rez-de-chaussée. De prime abord, le vieillard (un certain Mirai) a l'air très sympathique et il propose même de réparer le téléphone de Nahel. Le problème, c'est que les informations qu'il lui donne ne sont pas tout à fait correctes. Non, Nahel n'est pas le seul habitant de l'immeuble, comme annoncé, puisqu'au soir il perçoit le chant d'une jeune fille, qu'il parvient même à observer en regardant discrètement par un interstice dans le mur de la pièce. Pas de chance pour notre héros, il est instantanément "grillé" par celle qu'il épie et qui se trouve en fauteuil roulant. Honteux et bien décidé à oublier cette mésaventure, le jeune homme réussit à s'endormir mais au petit matin, toute son existence bascule d'une manière totalement inattendue. De chronique d'un expatrié au rêve artistique, nous basculons dans un thriller, une enquête à suspense.



Venu récupéré son téléphone, Nahel découvre Mirai gisant au sol, victime d'une agression sauvage, vraisemblablement dans l'espoir de lui soutirer des informations. Le fauteuil roulant de celle qui est censée être sa petite file est vide. Un enlèvement ? Mirai a juste le temps de tendre une clé à son jeune locataire, qui va donc devoir prendre soin (retrouver, pour commencer) celle qui a disparu. Et il va devoir faire vite, car des individus arrivent à l'impromptu et le prennent en chasse. Il est sauvé par une autre jeune fille, qui l'amène dans une sorte de café restaurant, dont le propriétaire est également… détective privé ! Une double activité assez singulière, pour un personnage haut en couleurs, qui va devenir dès lors le point d'ancrage décisif pour Nahel. Cécile et Olivier, les deux membres qui composent l'Atelier Sentô, s'en donnent à cœur joie pour exprimer leur amour de la culture nipponne et nous le faire partager. Des repérages ont été exécutés par le passé, tout un tas de notes et de croquis, qui aident à reconstituer le vivier bouillonnant de sève et d'énergie que peut être le Japon, dans ses quartiers et ses recoins les plus modernes ou branchés. Le dessin est une synthèse admirable de différentes inspirations, un télescopage réussi de la bande dessinée européenne subtilement infusée dans un décor oriental de manga. On est encore plus bluffés par la mise en couleurs, qui use de bleus néons et de belles notes jaunes orangées pour faire éclater la lumière au centre des vignettes, assez souvent. C'est vraiment joli et les lecteurs de l'hebdomadaire Spirou ont eu (ils ont toujours, c'est en cours) les joies de la prépublication de ce premier tome en épisodes. On espère qu'il sera suivi par d'autres, tant cette série à de cartes en main pour s'imposer et conquérir un public fourni. Publiée chez Dupuis. 

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EARTHDIVERS TOME 1 : À MORT CHRISTOPHE COLOMB !


 Comme vous le savez tous, même si vous n'avez que très peu de notions d'histoire, c'est en 1492 que Christophe Colomb a découvert l'Amérique. Certes, il était parti pour aborder en Inde, mais au bout du compte, c'est un nouveau continent, un nouveau monde qui s'est présenté à lui. La théorie du scénariste Stephen Graham Jones est simple : ce n'est pas un progrès pour l'humanité, c'est au contraire l'instant décisif qui donne l'impulsion pour une extermination de masse, celle des Indiens, toutes ces tribus qui habitaient alors le territoire et qui ont été décimées. Tout d'abord par la force et les maladies comme la variole, ensuite par des décisions politiques scélérates. Bon, il faut être honnête, nous ne sommes en effet pas très loin de la réalité. Dès l'instant où l'ancien monde a découvert le nouveau, ce fut pour s'en emparer et y piller toutes les richesses à disposition. Du coup, que se passerait-il si une grotte étrange permettait à celui qui y entre de remonter le temps ? Que déciderait ce voyageur temporel s'il était issu de la culture amérindienne et appartenait à l'humanité du 22e siècle, à un moment précis de l'histoire où toutes les catastrophes climatiques qu'on nous annonce depuis des années se sont avérées et ont précipité la fin du monde tel que nous le connaissons encore, actuellement ? Tout ceci, c'est le substrat de la nouvelle série publié aux States chez IDW, Earthdivers, et qui est adaptée en français chez Black River Comics. Le premier volume nous emmène donc sur les traces de Christophe Colomb… pour l'assassiner avant qu'il ne touche terre !


Le personnage principal de cette histoire s'appelle Tad. Il a décidé de renoncer à sa jolie épouse pour remonter dans le passé et liquider Christophe Colomb. Comme il s'agit quelqu'un de particulièrement cultivé, il maîtrise toutes sortes de langues, y compris l'ancien génois, ce qui devrait lui permettre de s'exprimer et de comprendre ses interlocuteurs, une fois sur les navires en direction de l'Amérique. Pour monter à bord, Tad est contraint de commettre un premier meurtre, qui va fatalement avoir des répercussions sur la suite. Une fois sur le pont, bien embarqué, les choses se compliquent : on a beau être particulièrement intelligent et parler tout un tas d'idiomes différents, quand arrive le moment d'effectuer des nœuds marins et de se mêler à une chiourme expérimentée, il y a de fortes chances pour que ça ne se passe pas comme prévu. Bref, le voyage va être semé d'embûches, notre protagoniste va être frappé, torturé, menacé de mort, va devoir composer avec toute une série de compromis… et puis, fort évidemment, il va se retrouver face à face avec Christophe Colomb lui-même et se poser cette terrible question : l'heure est-elle venue de passer à l'action, voire même, faut-il passer à l'action ? L'histoire est certes un peu confuse et il faut par moments s'accrocher pour tout saisir, mais si vous aimez les voyages dans le temps et les aventures à suspense, mais aussi truffées d'action, clairement, vous allez en avoir pour votre argent. D'autant plus qu'on a le grand plaisir de retrouver l'italien Davide Gianfelice et son trait incisif, nerveux, qui est capable de transformer chaque planche en une décharge d'énergie. C'est globalement une sortie intéressante, un titre inattendu qui n'est pas forcément sur toutes les lèvres, mais qui mérite réellement d'être découvert. Attention cependant, une fois de plus la relecture chez Black River à laissé passer beaucoup de coquilles qui ne devraient pas être présentes à ce niveau.





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OMNIBUS SPIDER-MAN PAR TODD MCFARLANE : LE PAROXYSME DES 1990s DU TISSEUR


 Avec ce nouvel Omnibus tiré des années 1990, consacré au tisseur de toile par McFarlane, c'est toute la générations de lecteurs abreuvés aux comics de la décennie la plus dingue et discutée des comics qui va ressentir des frissons. A défaut d'avoir là la série la plus subtile et la plus profonde de l'univers de Spider-Man, nous avons une performance visuelle de toute beauté, qui marqua les esprits en son temps. Todd McFarlane avait rencontré un tel succès avec son Spidey ultra dynamique (postures arachnéennes, les yeux du masque énormes, une toile "spaghetti" abondante…) et aux antipodes du modèle Romitien (John Romita, l'autre référence pour beaucoup de puristes), que Marvel avait décidé de laisser le dessinateur seul aux manettes d'un nouveau mensuel, dont il était également le scénariste. Ce qui ne fut pas sans heurts car il s'agissait bien de la première vraie expérience professionnelle dans ce domaine précis de la création pour Todd, et ça se perçoit par endroits. Le premier arc narratif propose une lutte sans merci et aux contours mystiques, entre Spider-Man et une version plus reptilienne que jamais du Lézard. L'auteur se rattache à la célèbre aventure Kraven's Last Hunt et ressort la prêtresse vaudou Calypso des tiroirs, qui cherche à se venger de notre héros, qu'elle accuse de la mort de son amant. Le résultat est hautement spectaculaire, et ce drame assume un ton horrifique et halluciné, au rythme d'un tam-tam lancinant et hypnotique qui plonge notre héros dans un véritable cauchemar. Si la trame est finalement assez mince (tout a déjà été dit) et qu'il est possible de résumer plusieurs épisodes en quelques lignes sommaires, il n'empêche que la vision d'un Spidey au costume lacéré, l'air hagard, décomposé, a marqué le jeune lecteur impressionnable que j'étais, avec des planches absolument superbes et inquiétantes. Du McFarlane qui applique le théorème de l'époque, sans le moindre complexe : je dessine, je vous en jette plein les yeux, n'en demandez pas plus.


 

La suite, elle, met aux prises le Tisseur et le Hobgoblin. Avec la participation de Ghost Rider, en pleine ère de popularité à une époque où le motard était l'avatar de Danny Ketch. Là encore, Todd ne se foule pas beaucoup pour pondre un scénario raffiné et l'intérêt de ces épisodes réside dans sa capacité innée à happer le lecteur avec des planches ultra mouvementées et cinétiques. Certains firent la moue devant une version du Rider moins responsable et héroïque que celle décrite dans la série de Howard Mackie, alors que d'autres pointèrent du doigt les pulsions pédophiles du Hobgoblin, pas véritablement explicites mais qui transparaissent en filigranes. Un sujet que McFarlane affrontera plus frontalement par la suite, avec Spawn. McFarlane donne le meilleur de lui même dans la séquence qui voit Spider-Man au Canada, associé au mutant Wolverine. Où il est question du Wendigo, cet être surnaturel et carnivore, victime pitoyable d'une malédiction. Vous l'avez compris, Todd aime dessiner des monstres et vous proposez des plats peu ragoûtants, c'est sa marque de fabrique au début des années 1990 et il en use et abuse. Le run de TMF se termine avec l'apparition de Morbius, pour d'autres moments qui versent dans l'horreur (mais aussi l'anecdotique), et un crossover avec X-Force, à l'époque apanage du duo Nicieza/Liefeld. Là encore le plus important c'est l'image, sa puissance évocatrice, les effets coup de poing, et tant pis pour le reste. N'allez pas croire pour autant que j'ai tendance à sous-estimer ces épisodes. Absolument pas. comme je l'ai déjà dit, leur impact graphique a été notable et le talent de McFarlane éclabousse pas mal de planches et de cases dans ce gros pavé. Et derrière lui, peu ont été capables d'interpréter le tisseur d'une façon aussi originale et inspirée. Alors si vous ne connaissez pas cette série et que vous aimez le style totalement frapadingue des années 1990, il vous faut vraiment acquérir cet Omnibus, qui ne vous demandera aucun effort notable de compréhension fine, juste d'ouvrir grand les yeux pour absorber les souvenirs de ces années folles où on dessinait d'abord et pensait au scénario ensuite. 


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A VICIOUS CIRCLE : CERCLE DE VIOLENCE À TRAVERS LE TEMPS



 Lee Bermejo, dessinateur fantastique au trait hyperréaliste, est un des invités d'honneur d'Urban Comics au Festival de la BD d'Angoulême 2024. Raison supplémentaire pour lui consacrer de jolis albums, d'autant plus qu'il est furieusement d'actualité. C'est ainsi que nous découvrons, dans un grand format magnifique, le premier volume d'une nouvelle série éditée en Amérique chez Boom studios, en collaboration avec le scénariste Mattson Tomlin, que nous avons vu notamment (et vous verrons encore) au scénario du Batman de Matt Reeves. C'est une histoire cruelle, sanglante et complexe qui nous est raconté. Les deux personnages principaux sont antagonistes au possible, ils se détestent et se livre une course-poursuite à travers les méandres du temps : à chaque fois qu'ils aboutissent dans une nouvelle époque, peu importe quand et où, dès l'instant où il font couler le sang et assassinent quelqu'un, ils sont projetés tous les deux, instantanément, à un autre moment de l'histoire. Seulement voilà il y a une différence de taille entre ces deux ennemis. L'histoire commence d'ailleurs dans le sud profond de l'Amérique, alors que le pays doit gérer les conséquences des lois Jim Crow, qui imposaient la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis. Shawn Thacker est noir et il subit le racisme au quotidien, lui, sa femme et son jeune fils. Il s'occupe aussi de garder un terrible secret dont seule son épouse est au courant. Au fond de la cave familiale, derrière deux portes cadenassées, on découvre un prisonnier enchaîné, un certain Ferris, dont nous parlions un peu plus haut, sans le nommer. Le fiston a pour sa part la défense absolue d'aller faire un tour en bas des escaliers. Forcément, ce genre de scène ne peut être le prélude qu'à une évasion, tôt ou tard… 


Le cercle vicieux du titre, c'est bien entendu aussi celui de la violence, qui ne résout aucun problème mais qui au contraire a tendance à engendrer une nouvelle forme de violence, dans la surenchère. On devine que les deux antagonistes ne sont pas des enfants de chœur, mais on ignore pour l'instant les raisons fondamentales pour lesquelles ils sont prêts à se déchirer de la sorte. Tomlin parvient à nous faire ressentir la perte incroyable qu'éprouve Thacker : en quelques cases, il nous explique que cela fait des années qu'il était inséré dans la même époque et qu'il avait eu le temps de fonder une famille, donc d'espérer une vie enfin à sa mesure. Tout bascule en quelques pages et d'ailleurs les nombreux sauts temporels successifs se résument parfois à une seule vignette. Lee Bermejo est non seulement un dessinateur capable de rendre des planches quasi photographiques, tant elles sont spectaculaires au niveau des détails, mais en plus, il essaie ici de varier son style au maximum. Chaque époque traversée, même très brièvement, constitue un hommage ou une adaptation intelligente du savoir faire d'un grand artiste des comic books. Une histoire très intrigante et même par endroits haletante, et du Bermejo au sommet de sa forme… bref, il y a tout de même de très bonnes raisons pour acquérir cet album, qui sera disponible également à Angoulême, pour ceux qui auront la chance de se le faire dédicacer par le dessinateur en personne, sans oublier Mattson Tomlin, qui sera aussi de la partie. Un des moments forts pour tous les amateurs de bd américaines. 



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ECHO : LA NOUVELLE SERIE DISNEY PLUS N'A PAS GRAND CHOSE À RACONTER


 Le dossier et la couverture de notre mensuel de janvier sont consacrés à l'avenir des comics sur le grand et le petit écran. On se pose la question car ces temps derniers la vague est un peu retombée et une lassitude évidente semble s'être emparée d'une bonne partie des spectateurs. Aussi, la première série de l'année 2024, qui est disponible sur Disney Plus, a la lourde charge d'endosser le rôle d'éclaireur pour ce qui va suivre. La bonne nouvelle, c'était le retour à un ton plus adulte, mur, violent, sans concession. Cette fois, il ne fallait pas redouter un pastiche de super-héros, une pantalonnade déclinée en cinq épisodes. Oui, de six nous sommes passés à cinq. Mais au contraire, quelque chose de plus brutal. Maya Lopez est à la fois une femme, une personne souffrant de plusieurs handicaps invalidants  (la perte d'une jambe, mais elle est aussi sourde) et issue de la communauté amérindienne, autrement dit une excellente occasion pour donner de la visibilité à ceux qui ne sont pas toujours sur le devant de la scène. Mais la série est également une opportunité pour ramener au premier rang des personnages parmi les plus charismatiques de l'univers Marvel, comme Wilson Fisk, le Caïd du crime, ou encore Daredevil et Hawkeye. Bref, il y avait tout de même un bon paquet de cartes à jouer pour rendre cette production très intéressante. Le problème que nous avons rencontré, c'est qu'à la fin du premier épisode, nous étions déjà plongés dans une léthargie profonde, due à l'absence quasi totale de moments forts. Echo ronronne, peine réellement à passionner. Maya est ici une fugitive, poursuivie par l'empire criminel de Wilson Fisk, qu'elle a abattu de sang froid. Une épopée personnelle qui va la conduire "chez elle", dans la campagne profonde, où elle devra se confronter à son passé, sa famille, son héritage et surtout à ses démons. L'écriture et la réalisation de cette nouvelle série Marvel s'attarde beaucoup sur ce dernier point, quitte à rendre la protagoniste assez déroutante, voire antipathique. Pas simple de ressentir de l'empathie, d'être ému devant cette Maya Lopez qui a finalement choisi sa voie, celle de la violence et de la vengeance, qui na jamais été entourée et guidée par les meilleurs conseillers, entre un père malfrat à la petite semaine et un mentor parmi ce qui se fait de pire. 


Maya Lopez est donc antipathique, taciturne, endurcie par la vie depuis qu'elle est petite, sourde mais aussi dotée d'une jambe en métal. Les réalisateurs Sydney Freeland et Catriona McKenzie prennent le contrepieds total du parcours entrepris avec Iman Vellani, Adil El Arbi et Bilall Fallah pour Miss Marvel, optant pour la carte singulière d'une série qui se fiche de savoir si le spectateur pourrait devenir ami avec sa protagoniste. La mise en scène, qui devient régulièrement et soudainement silencieuse pour faire ressentir ce que signifie être sourd et handicapé, avec uniquement des bruits lointains (à l'image de l'écho du titre et du nom de code choisi par Maya) peine à sortir de cet artifice intelligent. Le reste, c'est un ensemble de scènes et de plans déjà vus mille fois ailleurs, sans inspiration notable (comme ces cascades sur le toit du train, entrecoupées par l'apparition de ponts et d'obstacles, un classique éculé du genre) et sans génie. Alaqua Cox est tout aussi peu engageante, parfois même agaçante, mais déterminée et têtue au possible, ce qui est son meilleur atout pour lui permettre d'atteindre ses objectifs. Ce qui nous est présentée dans Echo, ce n'est pas une héroïne, mais une anti-héroïne; on pourrait même dire une ennemie potentielle pour les héros ordinaires, et qui échappe à la vie criminelle qu'elle a connu avec Wilson Fisk, avec qui elle entretient une relation assez similaire à celle que Nebula et Gamora ont pu avoir avec Thanos. Une espèce d’addiction toxique dont elle ne peut se défaire et qui est de toute façon sa meilleure arme pour arriver un jour à ses fins. Tout comme dans Miss Marvel, c'est un pouvoir très ancien et presque mystique qui guide les actions de Maya, qui pourrait en découvrir bien plus sur elle-même qu'elle ne l'imagine, se rappeler que la tradition, la dynastie et le passé sont des concepts qui définissent, quoi qu'on en pense, notre identité culturelle et sociale. Mais toute cette ambition en oublie un élément fondamental du genre super-héroïque : faire vibrer le lecteur ou le spectateur. Les pauses narratives abondent, les enjeux glauques et peu spectaculaires finissent par lasser et Maya n'a pas la carrure suffisante pour porter sur ses seules épaules les cinq épisodes (D'Onofrio est le seul qui pourrait le faire). Echo n'est pas un ratage complet ou un naufrage, c'est juste une série sans réelle envergure, qui nous laisse assez indifférents. 


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AU-DEDANS : UN ROMAN GRAPHIQUE POUR SE TOURNER VERS L'AUTRE (CHEZ 404 COMICS)


 Naître, c'est apparaître à la face du monde. Et une fois sur cette vaste scène que l'on nomme l'existence, confrontés au regard et au jugement des autres, il faut jouer. Dès l'instant où nous prenons conscience du rôle qu'il nous faut interpréter, sans pour autant avoir le moindre synopsis en main, les questions affluent. Des questions que l'on se pose d'autant plus quand on est dans la situation de l'homme moderne qu'incarne Nick, jeune illustrateur citadin, parangon de cette catégorie de la population qui n'a aucun souci pour subvenir à ses besoins élémentaires mais peine toujours autant à trouver du sens à ce qu'il lui faut accomplir, au quotidien. L'absence de sens, c'est ce qui nourrit l'impossibilité de communiquer. Vivre au milieu des autres, sans savoir quoi leur dire; ne pas être capable d'aller au-delà de la simple barrière des apparences, des banalités, mais véritablement s'intéresser à l'autre, s'ouvrir à lui, c'est-à-dire créer un échange et non plus une interaction automatique. Nick est victime de ce malaise des temps contemporains et ça ne concerne pas que sa vie routinière et intime mais aussi sa famille, avec une mère qu'en définitive il ne connaît pas intérieurement, ne sachant d'elle que ce qu'elle a pu lui apporter jusque-là et peut toujours lui apporter, en cas de coup dur aujourd'hui. Ou bien avec Wren, une oncologue dont il croise le chemin et qui devient une relation superficielle avec laquelle prendre du plaisir, sans pour autant approfondir leur rapport. Les fonds de case se mettent à l'unisson, à travers de très nombreux clins d'œil, notamment la présence de cafés, d'enseignes branchouilles dont le message brouillé ne veut en définitive pas dire grand-chose, si ce n'est que la poudre aux yeux semble être la recette principale pour s'adresser au client. Là encore, l'honnêteté n'est pas le point fort, le contenant prime largement sur le contenu. Alors, c'est ça notre existence, une interaction limitée et stéréotypée, représentée par ce petit personnage dont les aventures qui n'en sont pas sont scandées par un noir et blanc élégant et épuré, dont les micro événements ne signifient rien de pertinent, si ce n'est du temps qui passe qui sont autant de jours gâchés ? Bien évidemment, Au-dedans va apporter une réponse beaucoup plus poignante et profonde à tout ceci, au fur et à mesure qu'on s'immerge dans la lecture. Le rire railleur et la pose intellectuelle CSP+ vont s'effriter, quand Nick décide de s'exprimer, ou d'écouter, vraiment.



Will McPhail livre ici son premier roman graphique, après un début de carrière en tant qu'illustrateur/chroniqueur pour le New yorker. Son regard acéré se double d'une sincère capacité à transmettre les émotions, avec notamment des moments de bascule où la réflexion nonchalante devient interrogation existentielle, où la faille apparaît et laisse l'intime au contact du monde extérieur, quitte à ce que ça fasse mal, également (ou que ça soulage, selon les cas). La gestuelle, la répétition du dessin, se passent régulièrement du texte. Ce qu'on ne dit pas est parfois plus éloquent que ce qu'on clame, à tort ou par esbrouffe. Les étapes importantes, les mots qui sortent quand tout paraissait les retenir étouffés au stade larvaire, quand l'Au-Dedans devient Au-dehors, font l'objet d'un traitement particulier, avec des planches en couleurs, hautement allégorique, où le sens de la parole assume une signification tout à tour symbolique, élégiaque, cauchemardesque. Le tort de Nick, jusque-là, c'est d'avoir passé son existence à regarder, parfois voir vraiment, sans jamais interagir et se nourrir de l'altérité. Du coup, même la tristesse, comme tous les autres sentiments, ne sont pour lui que des artifices scéniques, dont il connaît les attributs, la pose, mais pas la profondeur et les conséquences. Il lui faut apprendre, quitte à ce que ce soit dans la douleur, avec sa propre mère. Assimiler, même ce qui semble inouï ou douloureux, comme le laisse présager le dessin, souvent, avec ces grands yeux écarquillés et ces séquences animées par une très subtile variation des poses; des micro-événements qui ajoutent de la profondeur à un individu qui apparaît, à bien des égards, comme le protagoniste perdu d'un film de Woody Allen jamais tourné. Certes, Nick n'appartient pas forcément à la même catégorie socio-professionnelle que la vôtre; j'ajouterais même qu'il personnifie celles et ceux qu'en général j'ai tendance à fuir comme la peste. Mais ce serait un comble de se cantonner à ce séparatisme, pour un ouvrage qui prône l'expression de la vie intérieure et la liaison si fragile et complexe avec les autres. Quand on tente de saisir, de ressentir, l'universalité entraîne l'empathie et souvent, dans la foulée, une forme de beauté cachée, de poésie indécelable au premier abord. Celle que Will McPhail parvient à mettre en lumière, entre sourires complices et larmes qui affleurent, dans un très bon roman graphique qui sort cette fin de semaine chez 404 Comics. Vous seriez bien inspirés de lui donner une chance.  



Chaque mois, UniversComics Le Mag', 84 pages, gratuit.

LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE LES DERNIERS JOURS DE ROBERT JOHNSON


 Dans le 167e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Les derniers jours de Robert Johnson que l'on doit à Frantz Duchazeau et qui est édité chez Sarbacane. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album La forteresse volante que l’on doit à Lorenzo Palloni pour le scénario, Miguel Vila pour le dessin et qui est édité chez Sarbacane

- La sortie de l’album Yougo, un conscrit casque bleu que l’on doit à David Cénou et aux éditions La boite à bulles

- La sortie du quatrième tome de la série Wild West, un tome baptisé La boue et le sang que l’on doit au scénario de Thierry Gloris, au dessin de Jacques Lamontagne et qui est éditée chez Dupuis

- La sortie de l’album Le grand large que l’on doit à Jean Cremers et qui est édité chez Glénat

- La sortie de l’album Suzanne, album de Tom Humberstone consacré à la joueuse de tennis Suzanne Lenglen, un titre paru chez Ankama

- La sortie du troisième tome de l’intégrale Valentina l’on doit à Guido Crepax et aux éditions Dargaud





PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...