JYLLAND TOME 3 : COLÈRE FROIDE (CHEZ ANSPACH)


Jylland est incontestablement une des séries révélations de l'année 2021; nous avons pris beaucoup de plaisir à suivre le récit de Bruno de Roover, qui est aussi une fresque passionnante sur la transition qui sépare des cultes et des us et coutumes guerrières, du christianisme et du pacifisme, dans les contrées glacées du grand Nord. Mêlée avec de l'action, des rebondissements, des trahisons, c'est également une saga familiale et politique de premier ordre. Dans ce troisième volume intitulé Colère froide nous retrouvons le roi Sten, désormais investi du pouvoir absolu sur le Jylland et tout occupé à s'emparer du commandement des différentes tribus disséminées çà et là, de la manière la plus simple et expéditive possible. En trucidant ceux qui s'opposent à lui, voire même en les pendant ensuite par les pieds, horrible spectacle qui hante les forêts avoisinantes. Il faut dire que ces tribus converties au christianisme prêche maintenant la paix, la non-violence; ce serait comme demander au loup d'entrer dans la bergerie pour s'asseoir à table et ripailler. Sten est devenu complètement impitoyable et n'éprouve aucun remord, il n'hésite pas d'ailleurs à promettre à celle qui porte son enfant de l'assassiner de ses propres mains, dès que celui-ci sera né. Si vous cherchez la représentation d'un méchant mégalomane, qui aime se complaire dans le sang qu'il verse, vous tenez ici un candidat sérieux pour le podium. Ceux qui luttent pour reprendre possession du royaume ont dû s'isoler dans des petites villes abritées du regard, et ils fomentent le retour et un coup d'état, sans pour autant se bercer d'illusions. La tâche est très difficile, Sten possède ses propre renseignements et il n'est pas dit que la lueur d'espoir qui apparaît enfin ne soit en fait qu'une concession machiavélique du souverain, pour détruire définitivement ses ennemis. On l'a dit, il y a dans cette aventure un nombre fort intéressant de coups bas. Tout y est permis, principalement le pire. 




Ce qui frappe dans le tome 3, c'est le sentiment inéluctable de la défaite. Il n'est pas possible de s'opposer à Sten et ses hommes, quand on voit leur caractère impitoyable et les moyens disproportionnés dont ils jouissent, par rapport aux rebelles qui se contentent de flèches, de courage et de droiture morale. Sten dont le parcours connait ici une évolution ultime. Tout d'abord qualifié de "complexe et intrigant", il finit par devenir de plus en plus froid, calculateur, cynique, et au bout du compte quelqu'un dont l'indécence ne connaît pas de limite. Malgré tout, Jylland ne cède pas au pessimisme cosmique; au contraire, même si les forces en présence semblent être particulièrement déséquilibrées, je vous invite à dévorer ce 3e tome pour assister au feu d'artifice final, qui va donc régler le sort de tout un territoire, mais aussi de toute une époque, avec une transition difficile et pour ne pas dire très problématique entre des croyances et un mode de vie désuet, et l'arrivée d'une nouvelle religion portée par un pacifisme un peu trop angélique. Comme toujours, Przemyslaw Klosin sait mettre en image ce scénario explosif, avec son trait précis, clair, particulièrement attentif aux expressions et aux visages, qui humanise tous les personnages des plus importants aux plus secondaires. Jylland se révèle donc sur la durée une saga brillante, qui est parvenue à nous envoûter au fil des pages, et nous ne serions pas contre la poursuite de l'aventure, avec par exemple un saut générationnel, dans le futur. Merci Anspach.

Vous pouvez lire aussi la critique du tome 1 du tome 2  



SWAMP THING INFINITE TOME 1 : L'ÉVEIL À LA SÈVE


 Swamp Thing, la Créature des marais, est un des personnages les plus fascinants de l'univers des comics DC. Ce premier album qui propose les histoires du cycle Infinite est d'autant plus intéressant qu'il permet de faire connaissance avec un nouvel avatar de la sève, c'est-à-dire le monde de la nature, le "Green" comme on l'appelle en version originale, et qui s'incarne à chaque fois dans le corps d'un paladin, d'un héros qui montre la voie. Mais avant de retrouver les aventures de Levi Kamei, qui se retrouve connecté à la sève lors d'un retour en famille, en Inde, le lecteur peut découvrir les deux épisodes qui concernent la parenthèse Future State, c'est-à-dire un regard sur le lointain avenir des héros DC. Et ce que nous lisons ressemble à une catastrophe planétaire... il y a eu une guerre terrible, qui a ravagé la planète, et les êtres humains ont disparu, ou en tous les cas il reste bien peu de survivants, réunis dans une communauté scientifique réfugiée au Pôle Nord, dans les laboratoires Star Labs. Les machinations de Jason Woodrue (toujours là) sont peu à peu en train de donner naissance à un pouvoir fabuleux, capable d'éclipser le soleil et donc d'annihiler toute possibilité pour les forces de la nature de prospérer. Swamp Thing, que ses congénères appelle Père sève, doit intervenir à temps pour éviter la catastrophe, mais son amour indéfectible des hommes, de leurs imperfections et de leur capacité à être un jour meilleurs, pourrait bien lui jouer un mauvais tour. C'est l'occasion pour Ram V de se glisser dans la peau du scénariste d'un titre qui a besoin d'un second souffle, et s'en donne les moyens. Un nouvel avatar, une nouvelle direction (la capacité d'évoluer, le changement inhérent à l'existence, le besoin d'opérer des choix qui nous grandissent ou nous annulent) et l'assistance de Mike Perkins pour le dessin. Le style réaliste est éloquent et fort utile quand il s'agit de faire apparaître la Créature des marais, et la noirceur du trait, le jeu permanent entre luxuriante beauté du "vert" et omniprésence des ténèbres, produit un effet souvent remarquable. 




Comme bon nombre de ses congénères super-héros américains, la créature des marais a des problèmes à régler avec sa propre famille. Levi n'a pas eu des rapports idylliques avec son père, les derniers jours que ce dernier à passé sur Terre; une question d'éloignement par rapport aux racines et aux traditions indiennes, que le jeune homme a fini par renier en optant pour le mode de vie américain, c'est-à-dire un irrespect profond pour la nature du moment où il est possible d'en retirer un bénéfice économique immédiat. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en réalité il est revenu chez lui, et c'est aussi ce que lui reproche son frère, qui de son côté a une vision plus extrémiste et militante de ce qu'il faut faire pour sauver la nature. Ces liens familiaux complexes sont au centre de ce qui se passe dans la tête du nouveau Swamp Thing, qui doit bien entendu apprendre à maîtriser des pouvoirs qui lui semblent d'emblée cauchemardesques. N'oublions pas une petite histoire sentimentale pour le moment, pas encore vraiment définie, et l'apparition d'un ensemble de guest stars comme par exemple la Suicide Squad menée par le PeaceMaker, dorénavant investi du rôle ingrat de chef de file d'une formation loin d'être aimée par tout le monde. Ou encore Poison Ivy, de plus en plus à l'aise dans le rôle d'une incarnation élémentale de la nature elle-même. Ram V fait vraiment partie de cette nouvelle génération de scénaristes qui compte, et qui sont destinés à écrire les comics de demain et après-demain. Il est d'autant plus à l'aise ici qu'il écrit quelque chose qu'il connait très bien, puisque ce sont ses propres origines qui sont dépeintes. Avec lui l'horreur n'est jamais très loin, et là encore le cahier des charges est respecté, d'autant que le tait sombre et chargé de Mike Perkins permet de réaliser des planches de toute beauté, même si inégales lorsqu'on prend en considération l'intégralité des 12 épisode ici publiés, si on compte les deux dont je vous ai déjà parlé. Le problème de ce Swamp Thing qui se cherche et qui est encore en quête de la compréhension de ce qu'il est devenu, du monstre qu'il va devoir reconnaître, c'est la bonté extrême de certaines des sagas du passé. Alan Moore ou Scott Snyder par exemple, qui placent la barre très haut et font qu'on est souvent un peu circonspect devant le nouveau qui avance. Pour autant, le moment est peut-être venu de tourner la page. Alec Holland n'est plus sur scène, place donc à ce Levi kamei, qui va devoir montrer qu'il existe vraiment une relève chez DC Comics, que cette histoire de générations, qui a toujours fait le succès de l'éditeur, n'est pas près de s'éteindre. Ce premier volume est donc globalement intéressant et possède clairement un potentiel à explorer; concernant le rapport qualité-prix; c'est du tout bon; Urban proposant un joli pavé pour moins de 30 €. Donc, les fans du personnage ont de bonnes raisons de se laisser tenter.







KLAUS BARBIE LA ROUTE DU RAT : LE SINISTRE PARCOURS D'UN NAZI


 À l'heure où il est possible qu'un candidat à l'élection présidentielle tente de réhabiliter le régime de Vichy et le maréchal Pétain, la sortie d'une œuvre comme Klaus Barbie la route du rat est d'autant plus indispensable. Barbie n'est pas un soldat et un membre éminent du parti nazi comme les autres; c'est un criminel de guerre allemand dont les exactions ont particulièrement marqué l'histoire de notre pays. C'était lui le chef de la Gestapo, dans les services de la police de sûreté allemande basée à Lyon. Un véritable boucher dont le travail consistait à enquêter, torturer et assassiner. Un individu au parcours tristement linéaire qui avait fait ses preuves auparavant, en démontrant un fanatisme et un dévouement total à une cause mortifère. C'est toujours Klaus Barbie qui est le responsable de l'assassinat de Jean Moulin, le plus célèbre des résistants français. Mais comme tous les nazis de son envergure, la fin de la guerre a signifié pour Barbie la possibilité d'une arrestation et d'un jugement sans pitié, d'où la nécessité de la fuite. C'est cet acte de couardise qu'il choisit; il traverse l'Atlantique et part s'installer en Bolivie, où il change d'identité, pour désormais apparaître aux yeux de tous comme un certain Klaus Altmann. Si le nom de famille est différent, la manière de se comporter et les idéaux ne changent guère. Cette fois, c'est dans le trafic d'armes et de drogues que Barbie s'illustre, au point même de favoriser des coups d'État locaux. On pourrait croire qu'avec le temps et dans un contexte pas forcément si défavorable (n'oublions pas que les fugitifs nazis se sont presque tous réfugiés en Amérique du Sud où les gouvernements locaux avait bien d'autres chats à fouetter, voire les accueillait à bras ouverts) Barbie aurait l'occasion poursuivre son existence sinistre sans être inquiété. C'était sans compter le travail qu'ont mené Béate et Serge Klarsfeld, au début des années 70, qui va changer la donne. Le criminel est formellement identifié; il n'y a plus de doute, l'illusion s'est effondrée. Des journalistes français sont dépêchés sur place et obtiennent de nouvelles preuves accablantes, la France demande une extradition, et un procès retentissant se prépare. Tout ceci est important et parfaitement bien raconté dans la première partie de la Route du rat qui vient de sortir chez Urban Graphic. Une trajectoire répugnante et inhumaine, pour un individu qui a semé la mort et la haine dans son sillage, partout. Frédéric Brrémaud et Jean-Claude Bauer signent une œuvre  magnifique et parfaitement documentée, qui éclaire tout ceci. 



Peut alors commencer la seconde partie de l'ouvrage, qui va être consacrée au procès proprement dit, dans les années 80. Dans ce procès ahurissant, c'est la parole qui est la pièce maîtresse, c'est-à-dire tous ces témoignages accablants qui viennent expliciter l'horreur, rappeler le caractère inhumain d'un homme qui peine à mériter ce titre. Barbie ne se démonte pas, ne réponds pas, voire même n'assiste pas aux séances; il est la négation de la réalité, emmuré dans un comportement irritant et hautain, il n'estime pas devoir répondre aux accusations. Jean-Claude Bauer et ses crayons couvrent à l'époque le procès pour Antenne 2; son dessin est donc particulièrement analytique, au plus près de l'événement, et il grave à jamais les visages, les prises de parole, une certaine pesanteur et gravité, sans oublier une vraie dignité, chez ces hommes et femmes qui se relient à la barre. Un tour de force, car forcément de nombreuses pages sont statiques, des documents poignants, où chaque mot peut paraître terrifiant. L'occasion de rappeler aussi le rôle ingrat et décrié de maître Jacques Vergès, chargé de défendre l'indéfendable (toute société civile se doit de le faire, c'est cela, l'avocat du diable) avec une rhétorique qui provoque l'indignation. L'œuvre de Brrémaud est dérangeante car elle n'ignore rien de cette histoire, aussi bien la complaisance d'une partie de la population française (le nombre des dénonciations est clairement évoqué dans cet album) que l'excès de zèle de Klaus Barbie, qui bien qu'appartenant à la Gestapo et aux ordres d'Adolf Hitler, aurait très bien pu ne pas commettre certaines des exactions dont il s'est entaché à jamais, sans pour autant désobéir aux ordres. Barbie, c'est le mal se réjouissant de sa propre malveillance. Sorte de documentaire en bande dessinée publié pour les 35 ans d'un procès retentissant et qui a fait date, Klaus Barbie la route du rat marque les esprits, bouleverse et interroge. On qualifie souvent ce genre d'ouvrage de nécessaire, et cette fois plus que jamais, c'est vraiment ce qui vient à l'esprit, quand on tourne la dernière page de ce volume, publié par Urban dans la collection Urban Graphic.


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : T'ZÉE UNE TRAGÉDIE AFRICAINE


 Dans le 127e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente T’zée, une tragédie africaine, album que l’on doit au scénario d’Appollo et au dessin de Brüno, édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie du premier tome de la série Le lai paternel intitulé Les errances de Rufus Himmelstoss, série que l’on doit à Uli Oesterle et aux éditions Dargaud

– La sortie de l’album Fritz Lang le maudit que l’on doit au scénario d’Arnaud Delalande, au dessin d’Éric Liberge et c’est édité aux Arènes BD

– La sortie de la seconde et dernière partie de la série Jukebox motel intitulée Vies et morts de Robert Fury, diptyque adapté d’un roman de Tom Graffin par Marie Duvoisin et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de la première partie de la série Movie ghosts intitulée Sunset et au-delà, série que l’on doit au scénario de Stephen Desberg, au dessin d’Attila Futaki et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de la seconde partie de La fortune des Winzclav intitulée Tom et Lisa, 1910, série que l’on doit au scénario de Jean Van Hamme, au dessin de Philippe Berthet et c’est édité chez Dupuis

– La réédition augmentée de l’album L’incroyable histoire de la littérature française que l’on doit au scénario de Catherine Mory, au dessin de Philippe Bercovici et c’est édité aux Arènes BD



 

 

COPRA VOLUME 2 : DEUXIÈME ROUND POUR LE SHOW MICHEL FIFFE


 Copra, publié chez Delirium, c'est principalement une équipe de seconds couteaux, des individus qui ont un passé qui ressemble surtout à un passif, des losers, des repris de justice, des paumés, des types sur lesquels plus personne ne compte et pour qui accepter de participer à des opérations secrètes, en dehors des radars, est avant tout une façon de ne pas terminer dans l'oubli ou carrément en prison. La formation est gérée par une directrice des opérations capable d'être inflexible et implacable avec ceux qui sont sous ses ordres. C'est elle, Sonia Stone, qui d'ailleurs présente un à un tous ceux qui font partie de la "bande Copra" dans le premier épisode de ce second round. Une excellente façon, pour les lecteurs qui ne connaissent aucun des personnages, de les aborder et de vite maîtriser toutes leurs caractéristiques. On comprend également très vite ce qui s'est produit dans le premier volume, où on évoque la tragédie au Japon qui explique pourquoi le moment est avant tout choisi pour panser les plaies et dire adieu à qui est tombé au champ de bataille. Si l'épisode se révèle donc assez statique et plus traditionnel dans la forme, ne vous leurrez pas, le grand show Michel Fiffe commence dès le numéro suivant, qui se déroule dans une autre dimension, avec en tête d'affiche Rax et son gilet psychosomatique à puissance nucléaire. C'est bien simple, une fois que vous avez lu cet épisode et les suivants, et que vous savez donc ce qu'il s'y passe en détail, revenez en arrière, oubliez les textes et concentrez-vous cette fois uniquement sur les dessins. C'est alors que vous allez comprendre tout le génie de Fiffe, qui n'est pas forcément le meilleur dessinateur au monde en termes d'illustration pure et simple, mais est un des storytellers les plus inventifs et débridés qu'il m'ait été donné de rencontrer. Par exemple, il y a ici une scène magnifique de poursuite et d'évasion dans le centre ville de la cité "improbable" d'Am-Rhein qui est un exercice d'une virtuosité étourdissante. Fiffe pervertit les formes et les corps, réinvente le langage; le terme d'autre dimension prend ainsi tout son sens avec son ingéniosité, qui fait abstraction de toutes les lois du genre. 




C'est que tout a commencé avec cette histoire de shrapnel inter dimensionnel, pour une mission qui a complètement dérapé. Rax, qui est issu de la même dimension que le shrapnel, est venu prêter main-forte au team Copra, mais en retour il a bien fallu le ramener chez lui, et y faire le ménage. L'occasion pour Vincent, une sorte de maître des arts occultes, et donc la version détournée et personnelle du Docteur Strange, revue et corrigée par Michel Fiffe, d'être celui qui est chargé de maintenir ouverte la barrière entre les dimensions. Je dis cela, car il faut aussi envisager cette bande dessinée unique, et qui se révèle d'un accès difficile si on l'aborde avec superficialité, comme un hommage appuyé à tout ce qui fait le charme des comic books américains. Notamment la production de la fin des années 80, qui est clairement l'inspiration de base, que ce soit dans l'utilisation des couleurs, ou la manière de mettre en scène tout cet aréopage hétéroclite et désespéré. On y trouve une directrice d'opération qui n'est pas sans faire écho à Amanda Waller et la Suicide Squad, qui est la version "mainstream" de notre bande de preux et malheureux "héros". Rax est une sorte d'avatar personnel de Shade, the Changing Man, pour ceux qui connaissent ce personnage. Il y est aussi question de traîtrise récurrente; à chaque fois que le lecteur pense avoir compris quels sont les enjeux établis dans les aventures rocambolesques de Copra, il s'avère qu'en fait les choses ne sont pas forcément ce qu'elles semblent être. Sonia elle-même, tout en étant la "directrice" de Copra (groupe qu'elle manipule, ou tout du moins utilise éhontément) est en réalité victime de ses propres supérieurs, considérée comme un pion dispensable qu'il vaut mieux désormais éliminer. Elle, et tous ses subalternes, donc. Un second tome qui peut être alors divisé en trois parties distinctes. Un premier épisode qui passe en revue les joujoux de Michel Fiffe avant de reprendre le jeu, une seconde partie explosive et délirante, où il est question de destituer le despote d'une autre dimension et de permettre à l'auteur de créer à bride abattue, et une troisième et dernière partie qui revient vers une forme apparente de classicisme, où le lecteur observe le voile des illusions qu'on arrache, les mensonges et les froides machinations révélés. C'est étrange, dérangeant, clairement pas destiné à finir entre toutes les mains, et à plaire à tout le monde. Mais c'est aussi et surtout une série d'une vitalité extraordinaire, un ovni complétement addictif dès lors qu'on pénètre et s'imprègne de cet univers. La dernière page tournée, on a une seule idée en tête; Vite, le round three! Merci Delirium! (sortie cette semaine)



Le tome 1 est à retrouver ici même



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MOON KNIGHT : LA MISSION DE MINUIT


 Il était improbable que la sortie de la série Moon Knight, sur Disney Plus, ne soit pas précédée d’une nouvelle version au format comic book, chez Marvel. C’est le cas avec Jed McKay et Alessandro Cappuccio, qui parviennent à proposer du neuf avec un personnage qui ne l’est pas, et qui a connu des hauteurs vertigineuses, comme certains passages à vide impitoyables. La première chose à comprendre,  c’est que le dieu Khonhsu (ici toujours traduit par Khonsou) est tombé en disgrâce, et que désormais Marc Spector alias Moon Knight opère comme coupé de sa figure tutélaire. Il s’est mis au service de la population de son quartier, ceux qui notamment sortent la nuit et arpentent les rues peu tranquilles, les soir de pleine Lune. Sa “mission” est un accueil, un refuge où venir solliciter de l’aide, un havre de réconfort où tout le monde peut trouver sa place, y compris quand on est une vampire. Des vampires qui théoriquement sont des ennemis séculaires de la Lune, et qui sont les premiers adversaires de Moon Knight dans cet album. Avant que nous passions à un individu lambda et d'apparence anodine, mais dont la sueur est capable de contrôler à distance ses victimes, pour leur faire commettre toute sorte d'exactions. C'est ensuite le tour du Docteur Badr, égyptien, qui se revendique lui aussi comme étant le "poing de Khonshu". Après tout, le dieu est comme nous autres, il a probablement deux mains, donc deux poings, ce qui fait du Hunter's Moon une sorte de frère pour Moon Knight, même si les intentions et les méthodes semblent différer. Y compris au niveau de l'apparence physique, du costume, qui forment comme le négatif de notre "héros". Pour autant, le vrai vilain dans cette histoire n'est pas encore apparu, mais il tire les ficelles dans l'ombre, sans prendre trop de risques... 


McKay prend son temps avec ce nouveau titre, au point que souvent les épisodes pris séparément sont lisibles et ressemblent à des aventures isolées, des séquences indépendantes dont le grand drama final est encore nébuleux, mais qui peu à peu forment un ensemble cohérent (qui sera encore plus évident dans le tome 2), ce qui permet à Moon Knight d’évoluer sur un territoire vierge, et donc de se réinventer tout en conservant des caractéristiques rassurantes pour le lecteur. Bonne pioche que ce docteur Badr qui apparaît d'abord comme un ennemi acharné de Moon Knight, puis prête main forte dans le besoin. Le genre de personnage qui s'inscrit dans une logique évidente, et qui donc trouve sa place sans qu'il soit besoin de forcer le scénario. McKay fait preuve de pas mal de bonnes petites idées, inoffensives en apparence. Les séances chez la psychiatre sont rythmées par des dialogues qui font souvent mouche, et renforcent le caractère énigmatique d'un héros qui est à la croisée des chemins, et doit se réinventer après avoir perdu presque tous ses affects, avec des choix malheureux et un comportement erratique. Alors le scénariste ajoute de nouveaux intervenants, et on prend plaisir au retour sur scène de Nelson Greer, alias Tigra, ancienne compagne d'aventure à l'époque des Vengeurs de la Côte Ouest. L'allusion à la judéité de Marc Spector, et son renoncement pour embrasser la mission d'un autre dieu, sont également bien amenés, et montre que l'auteur a bien cerné le personnage dont il a hérité. Au dessin Alessandro Cappuccio (jusque là vu uniquement en Vf chez Shockdom avec le premier volume de la série des Timed) réussit le tour de force de mettre en image "son Moon Knight". Pas une version en élégant costume blanc, ou le traditionnel spectre lunaire, mais un héros urbain et sombre, qui se fond dans l’obscurité en s’y lovant, dont le costume devient par moment comme une carapace souple, tant l’artiste ajoute une certaine rigueur, une puissance physique granitique dans les poses, les combats, les interventions sorties de nulle part. Plutôt que d'être caractérisée par un suaire blanc élégant en mouvement, c'est par le noir que se dessine la plastique du justicier, alors que la blancheur éclatante ne semble souvent que des reflets, qui le rendent encore plus inquiétants. Un choix fort intéressant, et efficace. Pour un tome un qui sait vous atteindre et vous convaincre, sans pour autant monter trop vite en régime. Une bien bonne surprise. 



Le Mag' #23 84 pages, gratuit, est disponible : 




UNIVERSCOMICS #23 DE MAI 2022 : LA MAGIE DES COMICS



UniversComics Le Mag' #23
Le webmensuel comics BD gratuit
Mai 2022. 84 pages.
Téléchargez ici :
+lien direct sur le groupe UC LE Mag'
#Lire en ligne :
LA MAGIE DES COMICS
Sommaire :
* Dossier la magie dans les comics de super-héros
* Conseils de lecture : histoire(s) de magie!
* #AnthonyHuard analyse 15 épisodes brillants de la Sorcière Rouge et vous livre ses secrets.
* #DoctorStrange, origines et fin, retour sur cette œuvre avec #AlexandreChierchia
* #Valentina de #GuidoCrepax star des fumetti, dans une intégrale magnifique chez Dargaud. On vous explique, dossier spécial.
* Le cahier critique, les sorties du mois d'avril, avec un tour chez des éditeurs comme Panini Comics France Urban Comics Delirium Éditions Delcourt 404 Comics et chez Disney+ pour #MoonKnight
* Preview. Il arrive, le voici, le second tome de #Copra de #MichelFiffe chez #Delirium
* Preview double dose, avec le nouvel artbook de #BenjaminCarret "Dark side of the book 8"
* Le meilleur de la Bd avec le podcast Le Bulleur
* Le portfolio nouvelle formule. L'artiste du mois de mai est Ash Rush, on part à sa découverte.
* Les sorties VF du mois de mai, notre sélection.
Cover de #JinWookLee et élaboration graphique du Mighty #BenjaminCarret
#DoctorStrange est au cinéma, profitez-en.
Merci à toutes et à tous. Le mois prochain Le Mag' fête ses deux ans. C'est votre Mag', gratuit, et pour nous aider, nous soutenir, comme toujours, une seule chose à faire : partager! Sur Facebook, twitter, instagram, les forums, on compte sur vous! MERCI ! !

 

PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...