MOON KNIGHT TOME 2 : DUR À TUER


 Deux raisons à la présence ici de cet album de Moon Knight. La première, c'est tout l'intérêt que nous portons au personnage, un de ces héros sous-cotés de l'univers Marvel, qui mériteraient vraiment d'être mis à l'honneur plus régulièrement. La seconde, c'est le travail formidable d'Alessandro Cappuccio, jeune artiste romain que nous avions repéré sur Timed (publié par Shockdom), avant que Marvel ne mette les mains sur ce prodige pour lui confier les aventures de Marc Spector. Sa version de Moon Knight emprunte à celle de Declan Shalvey, pour ce qui est du look de base, qu'il parvient à densifier avec un jeu d'ombres qui mangent le costume, en révèle la dureté, une espèce d'armure souple plus adaptée à un "chevalier" urbain. La nouvelle série écrite par Jed McKay avance prudemment et sans effets pyrotechniques. On a vu apparaître un double négatif (Hunter's Moon) rapidement devenu un allié, un grand vilain qui trame ses machinations dans les coulisses (Zodiac), un nouveau cast de personnages secondaires pour Spector et sa Mission de minuit, avec notamment le jeune Soldat et une vampire du nom de Reese, sans oublier la réapparition de Tigra, une des rares amies que Moon Knight a conservé, chez les Avengers. Sur ces bases, il faut aussi ajouter le crossover Devil's Reign qui vient se greffer (de façon plutôt artificielle) à l'ensemble. Marc va se retrouver en prison (brièvement) le temps de montrer à tout le monde à quel point il sait se servir de son corps comme d'une arme, pour vite revenir dans les rues de New-York, où l'attend la suite du combat contre Zodiac. Autre évolution notable présente dans ce second tome, Moon Knight va pouvoir bénéficier d'un nouveau quartier général, qu'il va découvrir au terme d'un épisode où il est englouti dans une demeure labyrinthique et ésotérique. Les épisodes peuvent souvent se lire indépendamment les uns des autres, et proposent aussi de belles intuitions, comme celui où on rencontre une certaine Madone Ecarlate, engagée dans une lutte sanglante face à Hunter's Moon. Des pages où c'est la puissance du récit, de l'histoire, qui est au centre du sujet, et finit par incarner ce dernier. N'existe que ce qui se dit, se transmet, se narre. La puissance créatrice se fait volonté divine. Un intervalle bien pensé, tout à fait dans le ton des surprises que nous réserve McKay, l'air de rien... 



Ce Chevalier de la Lune est décidément un cas psychologique très intéressant et ce n'est pas une surprise de constater que la relation qu'il entretient avec sa psychiatre est une des clés de lecture des épisodes de sa nouvelle série. McKay insiste bien sur ce type qui a grandi dans une famille de confession juive, pour finalement renoncer à ses croyances et se mettre au service d'un dieu lunaire égyptien, c'est-à-dire l'incarnation même de ceux qui ont brimé son peuple en des temps antiques. On a déjà connu personne plus déchirée en terme d'identité, mais il faut admettre qu'il s'agit là d'un cas d'école. Ajouter à ceci la fragmentation du "moi" en plusieurs personnalités distinctes, qui cohabitent dans un même corps, et vous obtenez un super-héros qui n'a absolument rien d'un héros et même dont on peut douter fortement du qualificatif de super. Super violent, peut-être, comme le montrent ces épisodes où il tabasse à mort ses ennemis, n'hésite pas à les emprisonner à vie sous une gangue de béton… Ce Moon Knight là est quasiment à rapprocher du Punisher; ce n'est pas quelqu'un qui fait dans la subtilité, les remords n'habitent pas chez lui. Il s'agit là bien entendu d'un comic book très nocturne; la lumière est souvent absente et cette obscurité omniprésente permet à Alessandro Cappuccio de donner le meilleur de lui-même, relayé par Federico Sabbatini. Il est intéressant de voir que même si engagé dans un parcours qui le mène inévitablement à une solitude et au rejet, notre Moon Knight parvient à fédérer autour de lui d'autres paumés qui se reconnaissent en cet individu si particulier et sa manière singulière de vouloir faire le bien. C'est cela qui rend si attachant le personnage, en fin de compte. Le plus drôle dans l'histoire, le plus paradoxal, c'est que nous lisons là une série régulière dont l'ambiance est à rapprocher carrément de ce qui pouvait être autrefois diffusé dans les séries Netflix, avant que la licence Marvel ne passe chez Disney Plus, et que les nouvelles productions virent à la pantalonnade. L'essence du personnage est présente dans ces pages, mais vous l'aurez remarqué ne l'est pas trop sur le petit écran. Il nous reste au moins McKay et Cappuccio pour nous consoler.


Tome 1 : la chronique est à retrouver ici 



UNIVERSCOMICS LE MAG' #30 DE DECEMBRE : LA MORT DE SUPERMAN 30ème ANNIVERSAIRE

 


UNIVERSCOMICS LE MAG' #30
Décembre 2022
84 pages - Gratuit
Téléchargez votre copie PDF :
#Lire en ligne:
La mort de #Superman 30 ème anniversaire
* Dossier "Death of Superman"
* Lectures "Superman renaît, Superman est de retour"
* Le sublime #Bloodstar et #RichardCorben chez Delirium
* Portrait : Old Man #Hawkeye avec Alexandre Chierchia.
* L'actu VO, ce qui se passe chez #Marvel #DCComics ou encore #dynamitecomics
* Le cahier critique, les sorties du mois chez Panini Comics France Black River Comics Urban Comics Éditions Delcourt Akileos + le black Panther du MCU
* Avec le podcast #LeBulleur, le meilleur de la Bd, dont le superbe Hoka Hey! du Label 619
* Preview : le retour de #ScarletWitch en janvier
* Le portfolio du mois : #EmilioLaiso
* Special Noël : Christmas Superheroes
* La sélection VF du mois de décembre
Cover de #JohnnyMorrow et travail graphique cinq étoiles de #BenjaminCarret
Un grand merci à toutes et à tous. Pour nous aider, une seule chose à faire : Partagez, partagez, partagez ! Sur votre mur, sur les réseaux, dans les forums, parlez-en à vos amis.


SHÔNEN AVENGERS : LES DESSINS ANIMÉS DE NOTRE ENFANCE S'UNISSENT


 Quand une menace trop importante pour être affrontée seul se présente, les super-héros ont l'habitude de se réunir et de former des groupes ultra puissants, qui marquent les esprits. Chez Marvel par exemple, tout le monde désormais connaît l'existence des Avengers. Penchons-nous maintenant sur le cas des shônen et des dessins animés qui ont marqué notre jeunesse, dans les années 1970 et 1980. Quand je dis "notre", je parle bien entendu de la génération à laquelle j'appartiens, c'est-à-dire tous ces gens qui ont plus ou moins la quarantaine, voire la cinquantaine et qui se souviennent avec délectation des aventures d'Albator, de Goldorak, de Cobra ou encore de l'excellent dessin animé français Ulysse 31 de Jean Chalopin. Je cite ces noms en particulier car ce sont ces personnages qui constituent les héros de Shônen Avengers réalisé par ZeMial, qui est sorti récemment chez Delcourt. La recette est donc la même que dans les comics américains. Les ennemis traditionnels de nos justiciers ont décidé d'attaquer la terre en unissant leurs forces; du coup eux aussi répliquent et ça se passe sous forme de planches uniques, une série de gags développés sur une page, qui ne sont pas tous du même acabit, mais qui globalement apparaissent drôles et attachants, et surtout sont toujours liés à de véritables détails, qui appartiennent à la légende des dessins animés dont ils sont issus. Et c'est bien pour cela que plus que d'une parodie, il convient d'évoquer un hommage, car un jeune lecteur qui n'aurait absolument jamais regardé les épisodes en question risquerait fort bien de se trouver déconcerté devant les clins d'œil et les renvois présents à chaque page. Mais nous qui avons passé des heures devant la télé, durant notre jeunesse, apprécions à sa juste valeur le travail et l'humour référencié de l'auteur. 


Vous souhaitez que je vous parle d'un sketch en particulier? Et bien, ce sera celui qui met en scène le Capitaine Flam, aux toilettes, dans le vaisseau de Goldorak, et qui actionne imprudemment une manette, qui déclenche une sorte d'évacuation des eaux usées. C'est forcément très drôle, d'autant plus que ça nous rappelle les grands moments de ces dessins animés d'autrefois. Ailleurs est abordée la question épineuse du double demi-tour que doit faire Actarus avant de pouvoir s'installer dans la cabine de pilotage de Goldorak. Vous n'aviez jamais compris pourquoi il en était ainsi, vous aurez une réponse évidente dans cet album. Très souvent donc, ce sont des personnages secondaires de ces séries animées qui viennent compléter les gags; d'autres fois, ce sont des renvois, des clins d'œil à des moments particuliers, qui sont forcément imprimés dans la mémoire de ceux qui les ont connus, qui rendent l'ensemble attachant. Tout ceci est traité dans un style proche du chibi manga avec des personnages dont les actions, les sentiments, les émotions transparaissent de manière matérielle, comme cela est d'usage dans la bande dessinée nippone. ZeMial fournit un travail irréprochable et on pourra remarquer le nombre assez conséquent de pages, ainsi que des bonus agréables (il y a même des jeux à la fin, quand je vous dis que c'est régressif, pour nous les quadras…); on aurait pu s'attendre à un prix plus élevé, mais non en fait, pour moins de dix-huit euros on obtient là une petite Madeleine qui devrait faire sourire grand nombre d'entre nous, durant ces fêtes de Noël. Shônen Avengers, pour ce qui me concerne, ce n'était pas gagné d'avance. D'un côté, j'avais réellement envie de découvrir le produit fini, de l'autre, j'ai souvent été déçu par les strips ou planches parodiques qui fleurissent régulièrement, et que j'ai toujours eu du mal à digérer, ou bien par absence d'inspiration de l'auteur derrière le scénario, ou bien par un peu de vulgarité facile dont on aurait pu se passer. Ici c'est suffisamment bon enfant et référencé pour que la mayonnaise prenne, aussi cela mérite d'être souligné et loué. 





GUNSLINGER SPAWN : LE PISTOLERO DE BOOTH ET MCFARLANE


 Vous trouverez toujours quelqu'un parmi vos connaissances pour affirmer que Spawn, c'est bel et bien fini! On s'entend dire que les années 1990 sont terminées depuis belle lurette, et tout ça, ce n'est pas beau, pas propre. Et puis vous aurez les autres, les lecteurs un peu plus curieux et au courant de ce qui se fait ces temps derniers, qui non seulement trouvent l'imprudente déclaration précédente stupide, mais en plus profitent pleinement de la décision récente de Todd McFarlane de développer considérablement l'univers partagé de sa création. Les lecteurs du Mag' le savent, nous avions consacré la couverture il y a 2 mois à Spawn; et pour cause, après King Spawn, c'est au tour de Gunslinger Spawn de débarquer chez Delcourt, en version française. L'incarnation pistolero du personnage est transportée à nôtre époque, un bond de cent-cinquante ans dans son histoire, qui ne connaît au départ de ses aventures aucune explication. Mettons tout de suite le doigt sur une des qualités de l'album, à savoir le dessinateur de l'essentiel des pages. Brett Booth lui aussi est particulièrement connoté années 1990 et de toute évidence, il n'en a cure; au contraire, il réussit à récupérer toutes les tendances et fantaisies graphiques d'alors pour les exacerber, les soigner, les peaufiner et produire ce qui ressemble à son meilleur travail à ce jour. C'est bien évidemment très gore et outrancier, mais c'est aussi ce que l'on aime trouver quand on feuillette un ouvrage marqué par le sceau de Spawn. Le Pistolero est un peu moins puissant que la version la plus célèbre représentée par Al Simmons. Il va devoir apprendre à composer avec un présent qui n'est pas le sien. Par exemple, il ignore que sa moto a besoin d'essence pour fonctionner (on peut tout de même se poser la question de comment il parvient à la mettre en marche) ou bien l'utilisation des toilettes et leur place dans les habitations modernes. Par chance, il va avoir à ses côtés un jeune homme (Tyler Bartlett) qui va répondre à l'essentiel de ces questions, bien malgré lui, par ailleurs. 



On trouve bien entendu des similitudes entre le personnage du "Spawn classique" et cette version Gunslinger. Par exemple, la tragédie de l'être aimé et disparu. Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, le Pistolero a perdu son amour, assassinée par des criminels au service des forces du mal. Lui aussi est l'objet de jeux de pouvoir, au temps présent, qu'il ne maîtrise pas complètement. Il est clairement manipulé par le Clown, désormais entité séparée du Violator, qui voudrait bien le recruter pour parvenir à tromper la vigilance et la confiance de Al Simmons et rouvrir les zones d'ombre qui sont désormais condamnées. Seulement voilà, il y a une différence entre ignorer beaucoup de choses et être complètement crédule. Tout ceci est un prétexte à de nombreuses pages de baston où tous les coups sont permis; non seulement les armes vont être employées, mais nous trouvons aussi des attaques de loups, des anges dont les ailes sont arrachées, ainsi qu'une scène de beuverie très intéressante qui tourne au poker menteur et gore. Gunslinger Spawn est aussi drôle par endroits, notamment toute la dynamique qui s'instaure, en des circonstances certes dramatiques, entre le jeune Tyler et notre nécro-héros. On aurait même en lire plus encore, tant le concept semble réjouissant et porteur de contrastes humoristiques. McFarlane est bien entendu le maître à bord et on devine qu'il doit beaucoup s'amuser avec ce Gunslinger, qui est un peu un travail semblable à ce qu'il a fait aux débuts de Spawn. Le character building n'est pas encore terminé, et les fans de la première heure devraient y trouver leur compte. Notons aussi que les couvertures des volumes publiés par Delcourt finiront par former une grande connecting cover (dernière pièce du puzzle avec l'Escouade Infernale le mois prochain), et qu'il existe aussi une variant cover exclusive pour Pulp's Comics, qui pourrait vous intéresser (vous la voyez ci-dessous). Avis définitif sur cette sortie : de la bd décomplexée et les années 1990 ressuscitées! 





LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : CACHE-CACHE BÂTON


 Dans le 140e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Cache-cache bâton, album que l’on doit à Emmanuel Lepage, édité chez Futuropolis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Hypericon que l'on doit à Manuele Fior et aux éditions Dargaud

- La sortie de l'album Humaine, trop humaine que l'on doit à Catherine Meurisse et aux éditions Dargaud

- La sortie de l'album Indians que l'on doit à Tiburce Oger et à de nombreux dessinateurs, album édité chez Grand angle

- La sortie de l'album Coq-sur-mer, 1933 que l'on doit au scénario de Rudi Miel, au dessin de Baudouin Dreville et c'est édité chez Anspach

- La sortie de l'album Tsar par accident que l'on doit au scénario d'Andrew S. Weiss, au dessin de Brian "box" Brown et c'est édité chez Rue de Sèvres

- La réédition d'Ar-men, l'enfer des enfers, album que l'on doit à Emmanuel Lepage sorti chez Futuropolis




TOM CLANCY'S THE DIVISION : EXTREMIS MALIS - DE UBISOFT AUX COMICS


 Tom Clancy, c'est l'assurance de récits où les personnages défouraillent du gros calibre, sur une toile de conspiration et de complotisme au plus haut niveau. Pas seulement des romans, mais aussi la participation au scénario de jeux vidéos pour Ubisoft, comme la franchise célèbre que constitue The Division. Le nouvel éditeur comics Black Label possède plusieurs cordes à son arc, dont la présentation au format albums en bande dessinée de récits issus des univers parallèles mais pas si éloignés que sont les videogames ou les jeux de plateau. L'ouvrage dont nous vous parlons aujourd'hui est une préquelle (qui anticipe donc des événements connus de tous, ou en tous les cas des joueurs) qui s'insère entre les deux générations que sont The Division 1 & 2 . Au centre du récit, un agent des forces spéciales, Caleb Dunne, qui se retrouve dans une situation épineuse. Son partenaire est pris en otage, lors d'une mission qui tourne au vinaigre, et finalement il est abattu sous ses yeux, sans qu'il puisse intervenir concrètement. Pire encore, l'assassin peut s'enfuir sans que personne ne parvienne à y comprendre grand chose. Seul indice, un nom, Mantis, sur la base duquel peut débuter une chasse à l'homme, qui en fait une chasse à la femme. Pour la traquer, quelques informations et un peu d'imprudence, qui poussent Caleb à se rendre tout d'abord à Philadelphie. Là-bas, Caleb va rencontrer Heather, elle aussi engagée dans une mission de protection des innocents contre un groupe de cinglés qui menacent les fondements mêmes de la constitution américaine, les Fondateurs. Personne ne sait si Trump est à leur tête, mais il en serait capable, le bougre. Ah oui, il convient aussi de savoir que tout ceci se déroule aux Etats-Unis, après qu'une arme biologique ait dévasté New-York et plongé la nation dans le chaos. Mais tout ceci reste en filigrane, et n'est pas abordé de front. 



Extremis Malis peut dérouter par son poids, sa substance. 72 pages, c'est à dire trois épisodes, l'album s'avère mince au toucher. Pour autant, depuis quand la qualité et la quantité sont censées aller forcément de pair? Alors on se laisse tenter, d'autant plus qu'il faut être honnête, je n'ai jamais joué à The Division, et j'ai même tendance à me considérer comme allergique à tout ce qui se joue manette en main. Du coup, ce sera l'opportunité de vérifier ce que vaut cette histoire en tant que telle. On y appréciera le crescendo du poids des événements, le fait que derrière ce qui pourrait être une simple conspiration aux niveau d'un service des forces secrètes, se cache en fait un vaste plan aux ramifications insoupçonnées, qui trouve un écho assez inquiétant dans ce qui se produit dans la vie réelle, ces dernières années en Amérique. Christopher Emgard a produit un récit de survivalisme qui ne surjoue pas la catastrophe, mais joue intelligemment la carte du délitement, de l'enlisement, celui d'une nation qui a perdu ses repères et où la violence et les actions paramilitaires sont devenues courantes. Là aussi, toute ressemblance avec, etc... Pour le dessin, Fernando Baldo nous surprend en positif, avec un trait plutôt réaliste, et la capacité de jouer avec les émotions des personnages, qui sont tous caractérisés par ce qu'ils ressentent, ou ne ressentent plus, justement. Il y a beaucoup d'action, l'ensemble est très condensé, mais reste lisible, fort agréable à regarder. Nul besoin, en conclusion, d'être donc un mordu impénitent des jeux chez Ubisoft, pour apprécier ce récit bref et tendu, qui sans apporter rien de bien révolutionnaire, s'avère élégant et efficace. Ce qui n'est déjà pas si mal. 





BATMAN/CATWOMAN : LE CHAT, LA CHAUVE-SOURIS ET L'AMOUR


 Si vous avez lu la longue prestation de Tom King sur le titre Batman, vous savez qu'une des grandes questions qui traversent son travail est le rapport qui peut unir la chauve-souris Batman et Catwoman, la cambrioleuse entourée de chats. Une évolution assez inattendue de cette attraction coupable et fatale entre les deux est survenue lorsque Bruce Wayne a proposé à Selina Kyle de l'épouser. Vous savez tous comment cela s'est terminé mais ce que vous savez peut-être moins, c'est qu'il n'y a pas vraiment de point final dans cette histoire, puisque les événements sont toujours en évolution, tout du moins pour ce qui concerne la version française. Ici, nous allons faire un bond dans un futur assez lointain tout de même, pour assister aux tout derniers jours de Bruce. Il a risqué sa vie au quotidien mais c'est finalement la maladie qui va le terrasser. Il ne mourra pas seul puisque Selina est devenue sa femme et qu'elle est à son chevet, même pour les ultimes instants. Le couple a une fille, Helena, qui a repris le rôle de justicière de Gotham, tandis que Dick Grayson est pour sa part un inspecteur de police dévoué. Le récit va proposer différentes pistes narratives qui sont autant de voies temporelles (ou alternatives); non seulement nous nous concentrons sur les jours qui suivent la disparition de Bruce Wayne mais nous remontons également dans le passé, à une époque où Batman et Catwoman se fréquentaient, se cherchaient, se désiraient, mais aussi se repoussaient à travers des méthodes différentes et une idéologie forcément divergente. On apprend aussi beaucoup de choses sur le rapport très étrange qui pouvait rapprocher Catwoman et le Joker. Nous découvrons encore Andrea Beaumont, le tout premier grand amour de Bruce, qui vient solliciter son aide, ou plutôt celle de Batman, pour retrouver la trace de son fils, qui aurait été enlevé par le Joker. Un événement traumatique qui ne se terminera pas bien et qui va être à la base d'un des points saillants de l'histoire. Tout ceci, au premier abord, peut sembler assez complexe; en effet, il est difficile à la lecture des tout premiers épisodes, de comprendre véritablement ou veut en venir Tom King. Si l'introduction de cet ouvrage, représenté par le second annual de la série Batman est d'une facture plus classique, articulée autour du jeu du chat et de la (chauve)souris entre nos deux tourtereaux, tout le reste est en fait une mini série, prolongement de toute la prestation du scénariste sur Batman. Initialement prévue pour constituer son dernier grand arc narratif, Batman/Catwoman se déploie de manière indépendante, pour se concentrer sur la relecture d'un des rapports de couple les plus énigmatique et problématique des comics.




Vous êtes déjà probablement habitués à la narration de Tom King, je ne vais donc pas vous expliquer comment le scénariste use et abuse de différentes couches, multiplie les pistes avant de révéler où il voulait véritablement en venir, à la manière d'un oignon qu'il serait nécessaire de peler encore et encore, pour comprendre véritablement le sens du geste qu'on effectue. Le petit théâtre qu'il met en scène ici concerne donc deux couples; pour simplifier, Batman et Catwoman, d'un côté le redresseur de torts qui refuse de tuer et de basculer définitivement dans le mal, et la cambrioleuse criminelle en qui le Chevalier Noir voit potentiellement une véritable héroïne, mais qui refuse d'être un parangon du bien et accepte toutes les nuances d'ombre qui résident en elle. Mais également le Joker, élément indispensable pour que la mythologie gothamienne prenne sens, et Andrea, grimée en Phantasm, encapuchonnée et bien décidée à faire payer les autres pour leur bonheur alors qu'elle a perdu son fils, dont la perte est attribuée au Joker. Bien entendu, la vérité est beaucoup plus complexe; le rapport qui unit les deux dernières personnes que je viens de citer est assez dérangeant, lorsqu'on finit par comprendre de quoi il s'agit. De même un autre type de rapport se dévoile peu à peu, celui entre Selina Kyle et sa fille, Helena Wayne, qui en apparence a plus particulièrement hérité le caractère et l'obsession du géniteur. Comme toujours, voici un album qui ravira les amateurs de Tom King et que ceux qui détestent cette manière alambiquée de présenter les choses pourraient bien abhorrer. Nous ne sommes d'ailleurs pas loin, au final, d'un travail semblable à ce qui a pu être fait avec Adam Strange par exemple. Le dessin est particulièrement soigné, c'est graphiquement un plaisir de regarder l'œuvre de Clay Mann, qui est désormais un de ceux qui présentent avec le plus de classe l'univers de Batman. On retrouve aussi des épisodes illustrés par Liam Sharp, dont le style volontairement "sali" évoque un Bill Sienkiewicz de la grande époque, avec des vignettes cauchemardesques et volontairement caricaturales. C'est aussi l'occasion de voir à en action le regretté John Paul Leon et de constater à quel point sa mise en page et sa science du récit vont nous manquer énormément, alors qu'il avait encore tant à nous offrir. Une petite postface touchante et assez éloquente à ce sujet est proposée en complément. Comme d'habitude, une belle galerie de couvertures alternatives vient enrichir ce gros pavé qui se révèle être le complément indispensable de tout ce que Tom King a écrit jusque-là; une manière définitive d'enterrer ou entériner un run qui aura marqué les esprits, y compris pour ce qui est de la cerise sur le gâteau, c'est-à-dire le mariage de Batman et Catwoman. Acte final en toute fin de volume, à vous d'aller voir si la cérémonie vous tente.






PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...