PEACEMAKER : LA PAIX À TOUT PRIX chez HBO MAX


 Peacemaker, what a joke. Cette petite phrase lâchée lors du meurtre de Rick Flag, vers la fin du film de la Suicide Squad par James Gunn, résume rapidement la situation avant d'aborder cette série, basée sur un personnage mineur, qui jusqu'ici n'a jamais vraiment soulevé l'enthousiasme des foules de lecteurs. Voici un anti-héros profondément stupide et belliqueux, pour qui le seul moyen d'obtenir la paix est d'abattre sans vergogne tout ce qui représente un obstacle. Chose promise chose due, Peacemaker devient une série en 8 épisodes présentée par HBO max. Il s'agit d'un spin-off du long-métrage sorti en salle l'été dernier, qui explore la vie quotidienne de John Cena dans le costume moulant du Pacificateur. On pourrait avoir envie de le haïr, assurément de s'en moquer, et c'est ce qui ressort des premières scènes; mais peu à peu, alors que défilent les épisodes, l'individu se densifie, non pas musculairement (il n'en n'a guère besoin) mais psychologiquement. Sa solitude, ses failles, son sentiment de ne pas être à la hauteur, le drame vécu alors qu'il était encore enfant, les rapports difficiles avec un père suprématiste blanc et chef de file des néo-nazis du coin... tout cela en fait le candidat idéal pour une névrose durable. Puisqu'on le retrouve en prison, Peacemaker est donc la recrue parfaite pour des groupuscules spécialisés dans la manipulation. Il est contacté par une organisation des plus secrètes qui lui permet de regagner sa liberté en échange de menus services, qui ne s'inscrivent pas particulièrement dans le cadre de la loi, mais plutôt dans celui de ces opérations barbouzes qu'il faut mener en toute discrétion. Une décision qui permet au moins de l'insérer dans un collectif qui échappe à toute autorité, complètement dysfonctionnel. Autour de Clemson Murn, le leader au passé chargé en exactions, s'alignent John Economos (le geek aux talents ignorés), Emilia Harcourt (la combattante inflexible et solitaire), Leota Adebayo (la fille d'Amanda Waller, qui campe un personnage habituellement invisible, une femme noire, lesbienne et en surpoids) et le désopilant Adrian Chase/Vigilante qui s'ajoute à la task force sans que personne ne l'ait vraiment invité, dans un rôle à la Deadpool sans super pouvoirs, de mercenaire psychotique et déjanté. Un Peacemaker imbuvable et grossier, machiste et violent, mais peu à peu amadoué, forcé de constater que sa vie ne comprend plus de vrais amis, à l'exception d'un aigle pour tout side-kick, symbole américain plutôt vintage, et qui bien entendu ne peut pas rétorquer ou émettre ses propres opinions. La série joue clairement la carte de l'humour abrasif, parfois donne l'impression d'un véritable concours de la vanne étirée, tant les espaces de respiration plus sérieux sont rares dans les quatre premiers épisodes. De la surenchère qui forcément ne donne pas toujours dans le bon goût, se complait à plusieurs reprises dans la facilité, avec un comique de répétition un peu lourdinque, mais qui a le grand mérite de donner un sérieux coup de pied aux fesses à tout ce qui existe dans le genre, dans le petit univers DC Comics. Le ton est si radicalement différent des productions de Berlanti, par exemple (le Arrowerse, Flash, Stargirl...) qu'on ne peut que se réjouir de ce revirement, marque de fabrique d'un James Gunn qui rate rarement le coche. 



Bien entendu, pour qu'une telle histoire puisse fonctionner, il faut aussi une opposition, un ennemi qui soit à la hauteur. De ce côté-là Peacemaker est servi, puisqu'il se retrouve face à une probable invasion extraterrestre sur notre planète, des créatures en forme de papillon, qui parviennent à prendre l'apparence des êtres humains qui leur servent d'hôtes. Nous n'en dévoileront pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la série, mais clairement l'enjeu est d'une importance telle qu'on peut considérer que notre bonhomme est largement dépassé. Le rythme est fort agréable, on ne s'ennuie presque jamais, même si parfois on tique un peu devant des répliques étirées jusqu'à plus soif; et c'est là qu'on touche peut-être au problème majeur, à savoir: John Cena est-il vraiment un acteur, ou pour être plus précis, un bon acteur? Ses mimiques faciales, sa manière de s'emporter pour débiter les pires insanités, sa fausse candeur, font parfois mouches, mais souvent il y a comme un parfum de faux dans le discours, qui sonne creux. Probablement aussi parce que James Gunn a décidé d'en faire un bouffon touchant, un type pathétique, qui certes va peu à peu livrer la vérité sur ce qu'il a ce qu'il est) au dedans de lui, mais qui en définitive n'est pas le genre d'individu qu'on recherche pour sa brillance intellectuelle, son honnêteté foncière et son respect d'autrui. Gunn est un adorateur et un formidable aspirateur de la pop culture au sens large du terme. L'air du temps est digérée et les références communes assimilées, et le produit fini ressemble toujours à quelque chose de connu, tout en étant différent, et surtout poil à gratter, voire même clairement trash. La musique est au service des intentions (rappelez-vous la fameuse cassette des Gardiens de la Galaxie) et ici c'est du côté du rock FM des années 80 qu'il faut fouiller pour apprécier cette série qui s'amuse de sa propre ringardise. Sans proposer de réelles surprises dans sa narration, Peacemaker reste bien dans le sillon du dernier long métrage de la Suicide Squad, et devrait donc toucher le même public, sans la moindre peine. 




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