Le travail de Vorticerosa est de nature a créér de sérieuses migraines à celles et ceux qui sont censés en parler. Bien difficile de rédiger une chronique qui tienne debout, surtout que la plupart du temps nous sommes tentés de mettre en avant le contenu de l'histoire au détriment de la technique et du langage narratif propre à la bande-dessinée, c'est-à-dire le dessin, la mise en page, tout ce qui est sous-entendu. Le contenu justement est particulièrement énigmatique, dans ce nouvel album intitulé "L'homme à la valise"; le protagoniste s'appelle Vincent et il monte à bord d'un train, pour un voyage tout aussi personnel que symbolique, où il semble être le seul passager encore en possession d'une âme, et donc capable d'être pleinement reconnu pour ce qu'il est, pour ce que nous devrions tous être, un humain. Pour échapper au contrôleur, pour poursuivre son voyage, Vincent va devoir opérer des concessions qui sont celles que nous opérons tous les jours dans notre quotidien. Jusqu'où devra-t-il aller pour ne pas être expulsé du wagon manu militari?
En parallèle, parlons maintenant de la technique... et là aussi c'est très difficile d'aborder ce sujet, tant Vorticerosa (Rosa Puglisi) se permet d'utiliser, de malaxer, de jouer avec le média comme peu de personnes le font : il n'y a pas de mise en page préétablie, il n'y a pas une seule manière de raconter les événements, l'artiste s'est écartée de tout ce que nous pouvons savoir de la manière d'opérer dans une bande dessinée. Elle s'arroge une liberté totale pour agencer images, textes et transitions, de manière à ce que le produit fini ressemble à une plongée onirique dont le lecteur sensible ne ressort pas indemne. L'ensemble forme aussi un hommage appuyé au cinéma du début du 20e siècle et s'il ne se laisse pas défricher facilement, s'il risque de décourager rapidement tous ceux qui sont habitués aux lectures superficielles et convenues, L'homme à la valise recèle probablement nombre de trésors cachés pour celui qui attend une lecture exigeante et stratifiée.
Vous pouvez découvrir en ce moment l'album en avant-première -ainsi que l'artiste qui vous attend- au Festival d'Angoulême sur le stand It Comics, que vous reconnaîtrez facilement avec son magnifique habillage jaune. Sinon, deuxième chance à Nice le weekend prochain, à l'occasion du Play Azur Festival. Pour les autres il reste une possibilité, nous contacter, afin d'obtenir un exemplaire par correspondance, avec un joli sketch de l'artiste en cadeau bonus.
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