ARCA OU LA NOUVELLE EDEN : MAGNIFIQUE VOYAGE CHEZ 404


 Ils détruisent la planète, sans vergogne, parce qu’ils le peuvent, parce qu’ils en ont les moyens économiques. Les ultra riches, ceux pour qui exercer le pouvoir (le plus souvent occulte) et une domination sans partage (au sens propre comme au sens figuré) sur le reste de l’humanité est une habitude. L’essentiel des ravages écologiques et climatiques seraient de leur fait, de par leur avidité, leur vision à très court terme, plongée dans le portefeuille. Bref, quand il faudra quitter la Terre, devenue inhabitable, il y a fort à parier que ce seront ces gens qui organiseront la transhumance cosmique, à la recherche d’un nouvel Eden à piller. Dans ce superbe ouvrage publié chez 404 Comics, le voyage se déroule à bord d’un immense vaisseau, qui reproduit peu ou prou les castes sociales observées depuis des siècles ; en pire même, sur certains points. Les « citoyens » sont ceux qui ont tout, qui représente le gotha des survivants, tandis que les jeunes, en attente de leur majorité, y sont traités comme des petites mains qui assouvissent tous les besoins des nantis, corvéables à merci. Puis après avoir atteint l’âge de dix-huit ans… mais ça, c’est une autre histoire, que je ne vous dévoilerai pas ici, sous peine de sérieusement vous gâcher le plaisir de la lecture. Le récit s’intéresse particulièrement à Effie, qui est sur le point d’en finir avec sa période  d’adolescente à tout faire. Elle a gagné la confiance de ses aînés, mais elle garde un esprit critique aiguisé devant ce qui se joue, dans ce microcosme aseptisé. Par exemple, elle est la seule de son âge à savoir lire et à emprunter régulièrement (en cachette) des ouvrages de toute nature, dans la grande collection du conservateur de bord. Il suffit cependant d’un différent banal concernant sa volonté légitime de maintenir des liens avec ses amies, après sa majorité, pour qu’Effie fasse une mystérieuse découverte, qui laisse présager des événements assez sinistres. Dès lors, c’est plutôt la défiance qui va définir les rapports entre la jeune fille et les grands pontes du vaisseau, en particulier Denton Graves, son mécène. Le commentaire politique et sociale devient aussi un thriller de science-fiction qui emporte le lecteur dans un état de tension permanent, où chaque mot, chaque regard, chaque geste, peut signifier un triste destin pour Effie.


Le commentaire politique et social de Van Jensen est donc particulièrement pertinent, que ce soit à travers la fascination pour l'ultra-violence, le mépris que les plus riches ont envers ceux qu'ils estiment être leurs inférieurs, la reproduction de castes économiques et professionnelles dans l'organisation de la société et l'opacité des décisions qui sont prises, en très haut lieu, c'est notre propre univers que nous retrouvons dans cet album. Retravaillé, comme sait le faire la science-fiction, qui est après tout la matière idéale pour parler de notre présent et de nos problèmes, tout en les sublimant dans un récit de fiction, qui n'est pas si improbable que cela. Le tour de force du scénariste, c'est aussi de proposer une conclusion totalement différente de ce à quoi on pouvait s'attendre au départ. Un twist très important viens en effet bouleverser complètement le sens de Arca, qui se termine d'une fort belle manière, un énorme pied de nez à tout ce qu'on a lu auparavant. Au dessin, Jesse Lonergan affiche un style beaucoup plus proche des productions franco-belge indépendantes que du comic book américain. Avec un trait caricatural et simplifié, qui vise à l'essentiel plutôt qu'à l'épate, pour transmettre des sentiments, des sensations, au lieu d'adopter un réalisme stérile. C'est très joli et la lecture est enivrante, au fil des pages, une fois qu'on a commencé. Et bien entendu, impossible de conclure sans mentionner le travail d'édition remarquable accompli par 404 comics (qui au passage est devenu officiellement ces jours-ci 404 Graphics) : de la couverture et son effet toilé absolument magnifique au grand format adopté, en passant par le grammage remarquable du papier employé, les efforts qui sont faits pour nous permettre de lire Arca dans un si bel écrin sont grandement appréciés. Encore une réussite incontestable, sur laquelle vous pouvez miser tout de suite.



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