C'est vers la fin des années 70 que Marvel décida de donner une cousine à Bruce Banner. L'avocate Jennifer Walters, elle-même irradiée de rayons gamma, au point de devenir la puissante mais toujours sexy Miss Hulk. D'emblée, le personnage a divisé les lecteurs, entre un enthousiasme débordant et un dédain violent. Miss Hulk ne disparut pas pour autant; on la retrouve alors au sein du groupe des Avengers, et John Byrne, grand fan du personnage, en fait un membre provisoire des Quatre Fantastiques. Mais ceci n'est rien, par rapport à la série en solo qu'il allait consacrer à la géant verte, par la suite.
Byrne avait vraiment l'intention de faire de Miss Hulk une plantureuse bombe ironique, comme la maison des idées n'en n'avait encore jamais eu. Non seulement il allait truffer chaque épisode de la série de gags, trouvailles et autres cocasseries et citations particulièrement réussis, mais il allait aussi s'en prendre au code des comics, brisant bien avant Deadpool le mur invisible qui sépare le lecteur de sa bande dessinée. Il arrive assez fréquemment que l'héroïne s'adresse à son scénariste et dessinateur, ou bien qu'elle prenne conscience de son statut, et joue avec les planches, les cases, qu'elle va jusqu'à déchirer, comme un vulgaire rideau.
Les autres personnages que nous rencontrons dans la série proviennent la plupart du temps d'obscures histoires oubliées, qui n' accèdent au firmament qu'une fois tous les 35 du mois. On peut y trouver, dans le désordre le plus complet, RingMaster, l'Homme aux échasses, Xemnu, Razorback, tout un cheptel de créatures étranges, avec voyage dans l'espace inclu, et des idées complètement folles, comme un échange de corps par exemple, entre Jenifer et sa meilleure amie Louise, beaucoup plus petite et boulotte qu'elle même.
Car John Byrne aime provoquer, faire bouger les lignes... il n'hésite pas à dessiner certaines pages sous forme de pin-up, et pousse le vice à vouloir insérer un nu complet de Jennifer, au lit avec son amant de l'époque, Wyatt Wingfoot. Bien entendu, Marvel fit tomber la censure sur cette idée. Pire encore, ce fût l'alerte maximale quand on se rendit compte que Byrne avait l'intention d'amener petit à petit Lex Luthor, célèbre ennemi de Superman, de chez DC Comics, dans l'univers de la géante verte, où il aurait tenté de la séduire...
On retrouve un peu cette idée d'ailleurs, dans le numéro 50, anniversaire du titre, où Miss Hulk est plongée dans les grandes bandes dessinées d'autres auteurs, comme le Sin City de Frank Miller. Rien à redire au niveau artistique, non seulement c'est drôle et bien écrit, avec un ton soap opera très apprécié, et de nombreuses sous trames qui convergent habilement, mais en plus, le dessin est vraiment du Byrne à son meilleur niveau, c'est-à-dire d'une souplesse et d'une lisibilité exemplaires, avec des corps magnifiquement mis en valeur, sans besoin de surcharge ou d'esbroufe.
Dommage que le torchon brûla vite entre Marvel et l'artiste canadien, car il s'agissait là à coup sûr d'une des meilleures parutions de sa décennie, dont le ton n'a pas pris une ride, bien des années après. Reste une version française mutilée car publiée dans un petit format (Nova) à l'époque, présenté par Semic. Les planches sont trop réduites pour qu'on apprécie pleinement le style de l'artiste, et comme il n'y a jamais eu de réédition au format librairie, toute une génération de lecteurs a peut-être fait l'impasse sur ce joyau. En Italie, Panini Comics a eu la bonne idée de sortir un omnibus... bref, la balle passe dans le camp de la branche française de l'éditeur, qui pourrait bien avoir une bonne idée dans le genre, dans les prochains mois.
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