Il peut y avoir différentes raisons à la substitution d'un personnage phare, ou tout du moins au remplacement de l'identité civile de l'homme ou la femme qui se cache sous le masque. Souvent le choix est dicté par des raisons commerciales, pour relancer l'intérêt autour d'une série, mais parfois cela peut permettre aussi d'amener une véritable opportunité scénaristique, en écrivant quelque chose qui est impossible en temps normal. Prenons par exemple le cas de Batman : dans les années 90 les comics se radicalisent, probablement portés vers les nouveaux horizons que des titres com Watchmen où The Dark Knight Returns ont défriché à la fin de la décennie précédente. Les éditeurs ont recours à une violence omniprésente sur les pages de nos lectures préférées. Une nouvelle maison d'édition, Image Comics, en fait même une marque de fabrique; les combats atteignent leur paroxysme y compris dans la manière dont ils sont représentés, et parfois le scénario est mince comme une feuille à tabac. C'est dans ce contexte que Bruce Wayne tombe au champ d'honneur. Bane lui brise la colonne vertébrale et le héros semble destiné à la paralysie à vie. Il se retrouve sur une chaise roulante et bénéficie de traitements expérimentaux, qui finiront par le remettre d'aplomb. En attendant, il faut bien lui trouver un remplaçant : ce sera Azrael, autrement dit Jean-Paul Valley, un individu dont la psychologie est friable, influencé par une secte mystico-religieuse, qui le destinait à devenir quelque chose qu'il n'est pas. Il entend des voix, et a recours à des méthodes expéditives que le Batman traditionnel n'aurait jamais pu employer.
Par exemple, on le voit se saisir d'un marteau des mains d'un criminel, et menacer ensuite de le réduire en compote avec l'arme. Il faut l'intervention providentielle de Robin, pour sauver la morale. Le nouveau Batman utilise des armes tranchantes, il n'a aucun remords quand il s'agit de tabasser, faire couler le sang, d'ailleurs son armure -plus qu'un costume- est agressive, et nous passons de la volonté de combattre dans l'ombre, tout en entretenant la peur, à celle d'une offensive permanente et incisive, sans la moindre attention aux dégâts physiques infligés à l'adversaire.
Le Batman Azrael a-t-il été une grande période pour le personnage? Très sincèrement j'ai des doutes à ce sujet, mais il a en tous les cas permis de mettre en situation un Batman enfin libéré de son code de conduite rigoureux, capable de rivaliser en terme de folie et de violence avec le quotidien habituel de Gotham. Finalement tout le monde est gagnant; DC Comics qui réussit, en faisant revenir le véritable Batman, à prouver que le code éthique de ce dernier en fait vraiment un héros d'exception, le lecteur qui durant quelques mois a eu à se mettre sous la dent des aventures qui sortaient nettement de la routine, et plaçaient la croisade du Dark Knight sous de nouvelles lumières, et le personnage même qui a gagné un cycle d'aventures destiné à laisser des traces dans l'esprit de chacun. Mais Batman reste toujours Batman, et chaque parenthèse est destinée à être refermer.
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