L'ENFER POUR AUBE TOME 2 : PARIS ROUGE (CHEZ SOLEIL)


 Il y a une phrase qui résonne tout particulièrement dans ce second tome de L'enfer pour aube : lorsque la protagoniste, Angèle, fait remarquer à l'inspecteur Gosselin (qui la poursuit) que la violence est parfois une arme nécessaire et que lorsqu'il s'agit du peuple qui l'utilise, elle est systématiquement présentée comme illégitime, tandis qu'on a tendance à l'accepter quand ce sont les puissants qui l'exercent. Voilà un résumé presque parfait pour parler de certaines pages de l'histoire de France, notamment la Commune de Paris. Le terrible revers contre la Prusse et une misère diffuse dans notre pays avait amené un soulèvement d'ampleur impressionnante dans les rues de la capitale. Barricades, guerre civile, le peuple parisien avait décidé de faire sécession alors qu'en face les Versaillais (là où s'était réfugié momentanément le gouvernement) tentaient de restaurer l'ordre, par tous les moyens. La misère pousse parfois à des solutions extrêmes, mais même si ces solutions naissent sur un désir légitime d'équité sociale et de mieux vivre, dès l'instant où le sang coule, dans les deux camps, c'est l'embrasement et la certitude que le plus fort, le mieux armé finira par l'emporter. La Commune était pratiquement condamnée d'avance, d'autant plus que le genre humain est aussi cupide… quand il y a de l'argent en jeu, il est difficile de rester inflexible, de camper sur ses positions. Bref Angèle est notre assassin, c'est elle qui a semé la terreur dans Paris ( je vous ramène au premier tome de cette série pour comprendre ce qui se passe). C'est son histoire familiale dramatique, son père assassiné dans les camps de Satory, avant la déportation pour Cayenne, le drame qu'a vécu sa famille et celui de la Commune, qui la poussent, 30 ans plus tard, à chercher vengeance. L'histoire s'écrit dans le sang et la colère.



Philippe Pelaez trace ainsi un récit aussi intimiste que touchant, mêlant les les méandres de l'histoire et les rebondissements intimes et dramatiques d'une famille, qui pour avoir osé rêver tout haut, s'est retrouvé pris dans les filets d'une sombre histoire de trahison, où l'argent à jouer son rôle mortifère. Une des qualités de L'enfer pour aube, c'est la reconstitution historique minutieuse qui est proposée au lecteur, même si elle est un peu moins évidente dans cette seconde partie, dont une grande moitié est consacrée à des souvenirs de la Commune. Régulièrement, de fausses pages du célèbre supplément du Petit Journal de l'époque permettent de crédibiliser et d'incarner les événements qui sont décrits ici. Tiburce Oger au dessin est un choix que nous aimons et apprécions grandement depuis le départ. Son trait est à la fois fouillé, précis et capable de s'émanciper de la tentation du réalisme stérile, pour offrir une version personnelle et réellement dramatique, pour le coup, a bien des égards. Le tout baigne dans des lavis de gris qui apportent un cachet nostalgique à l'œuvre, avec des touches de couleur rouge ou cuivrée, qui mettent en valeur le sang mais aussi la chevelure et la fougue de notre jeune anti-héroïne. Bien des événements de l'actualité, qu'elle soit nationale ou internationale, peuvent trouver une explication dans le rapport de force entre les classes sociales, mais aussi dans l'héritage historique et personnel des protagonistes impliqués. L'enfer pour aube est une excellente démonstration de ce théorème; c'est aussi une histoire menée tambour battant, qui ne peut aboutir à un autre dénouement que celui qui nous est proposé ici, et qui se révèle d'une vraie richesse et qualité artistiques. C'est un de nos coups de cœur de ces derniers mois chez Soleil, nous attendions vraiment avec impatience cette suite et fin.




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