GONE : UN TITRE DSTLRY SIGNÉ JOCK (CHEZ DELCOURT)


 Le nouvel éditeur DSTLRY semble bien parti pour se constituer rapidement un catalogue de premier ordre. C'est Delcourt Comics qui publie en France ces séries initialement présentées aux États-Unis. Cette fois, nous avons droit à une œuvre de science-fiction (sociale) pure et dure, signée Joke, un artiste britannique déjà salué à maintes reprises, notamment pour son travail sur Batman. Comme toute une génération d’illustrateurs venus d’outre-Manche, Joke a grandi en dévorant le magazine anthologique 2000 AD, célèbre pour ses récits dystopiques et ses univers oppressants, qui ne sont souvent qu’une extrapolation troublante de notre monde actuel, lequel, il faut bien l’admettre, semble partir à vau-l’eau jour après jour. Dans l’univers de Gone, les ultra riches et la plèbe vivent séparés par des barrières infranchissables. Ceux qui en ont les moyens voyagent à bord d’immenses vaisseaux spatiaux et entreprennent de longs périples pouvant durer des années. Heureusement pour eux, ils disposent de la cryostase à volonté et profitent des effets de la distorsion spatio-temporelle, ce qui fait qu’une décennie de voyage ne représente que quelques mois sur Terre. Pendant ce temps, les plus démunis peinent à se nourrir. C’est ainsi qu’Abi, une jeune fille de 13 ans, est contrainte de s’infiltrer clandestinement à bord de ces vaisseaux lorsque ceux-ci font escale sur le spatioport local, dans l’espoir d’y voler un peu de nourriture ou quelques biens de consommation pour apaiser sa faim. Le problème, quand on s’introduit en douce dans un tel vaisseau, c’est qu’il faut se hâter d’en ressortir. Car s’il repart avant qu’on ait pu s’éclipser, on se retrouve alors prisonnier pour un laps de temps… disons, fort indésirable. C’est précisément ce qui va arriver à notre jeune voleuse. Non seulement Abi se retrouve embarquée malgré elle dans un voyage interstellaire, mais en plus, elle se laisse entraîner par une bande de garnements plus âgés qu’elle, dont les intentions sont autrement plus radicales. Eux ne sont pas de simples passagers clandestins venus chaparder des pommes de terre : ce sont des terroristes en herbe, bien décidés à semer le chaos à bord en y déposant des explosifs.



Quoi qu’il en soit, Abi ferait bien de prendre son mal en patience, car le voyage ne fait que commencer et les années vont défiler. Coincée dans cet immense vaisseau, elle va devoir explorer ses moindres recoins labyrinthiques pour survivre, tout en apprenant à composer avec ses dangereux compagnons d’infortune… En refermant l'album, une évidence s'impose : Jock est indéniablement un bien meilleur dessinateur que scénariste. La partie graphique de Gone est particulièrement intéressante et refléte le style caractéristique de l’artiste ainsi qu’une ambition notable : celle de représenter toute la géographie d’un immense vaisseau intergalactique. Elle met également à l'honneur une jeune héroïne dont l’évolution est retracée à trois moments distincts de son existence, avec trois visages sensiblement différents. C’est principalement son œil droit et une cicatrice qui permettent de marquer chaque étape de son parcours. En revanche, Jock peine à convaincre en tant que scénariste. D’une part, le récit souffre de certaines zones d’ombre qui le rendent parfois difficile à suivre. D’autre part, il recourt à des facilités scénaristiques, comme ce mystérieux virus qui se propage soudainement sous forme de gaz dans le vaisseau, sans que l’on comprenne réellement sa nature ni son utilité, si ce n’est pour éliminer un grand nombre de personnages. Ces derniers, d’ailleurs, manquent souvent de profondeur et sont introduits de manière trop sommaire, y compris lorsque le récit tente de dévoiler les liens familiaux qui structurent ce space operaAu final, on ressort avec une certaine frustration : ce qui, sur le papier, s’annonçait comme une proposition diablement séduisante s’effiloche en cours de route, pour ne devenir qu’un récit de science-fiction correct, sans plus. Cela dit, l’édition proposée par Delcourt est absolument splendide : le format, la qualité du papier et les adaptations des récits de DSTLRY comptent parmi les plus belles réalisations de ces derniers temps.



La communauté des fans de comics et de BD vous attend :

ABSOLUTE POWER TOME 1 : AMANDA WALLER CONTRE L'UNIVERS DC COMICS

 Quand on pense que cela fait des décennies que les plus grands super-vilains s'organisent et échafaudent les plans les plus absurdes po...