Il s'en est passé tellement en 1993 qu'il faut pas moins de cinq volumes pour venir à bout de l'intégrale de cette année-là. Voici donc (re)venir les Liens du Sang, un crossover "classique". Les lecteurs au long cours le savent, Avengers Vs X-Men est loin d'être le premier fight entre les deux formations, et ne comptez pas sur moi pas pour le considérer comme le plus abouti. En 1993, cela s'appelait Bloodties, Liens du sang en français. Une aventure initiée lorsque Fabian Cortez, un mutant des plus fourbes et lâches, avait décidé d'enlever la petite Luna, la fillette de Crystal et Vif Argent, par conséquent petite fille du seigneur du magnétisme, Magneto lui même. Contre l'avis de Peter Gyrich et du conseil de l'Onu, les Vengeurs décident de passer à l'action, et de filer droit sur l'île de Genosha, repère mondialement célèbre des exploiteurs de la race mutante, métaphore à peine filée de l'apartheid sud-africain, alors ravagée par une cruelle guerre civile. Cortez n'est pas tranquille, car il avait trahi Magneto, peu de temps auparavant, et si celui ci est désormais dans un état végétatif (une rafale psy du Professeur Xavier l'a réduit momentanément à l'état de légume), la nouvelle n'est pas encore parvenu à son ancien allié. Les X-Men entrent en scène également, car ils sont concernés au premier plan par les dramatiques événements qui se profilent. Leur dernier voyage à Genosha a exigé un lourd tribut, entre la mort de l'extra terrestre Warlock (depuis il s'est remis sur pieds, lui aussi) et la transformation de la jeune Felina. Mais ils ne sauraient tourner le dos à la requête de Vif Argent, et laisser les mutants et les habitants de l'île s'entretuer. Il y va du rêve de cohabitation pacifique de Charles Xavier, et de l'intérêt des lecteurs, qui attendent avec impatience les prises de position de chacun, de tous ces héros prêts à danser sur la poudrière.
Un des grands personnages de ce crossover est Exodus, qui a pris la relève de Magneto, en tant que guide du peuple mutant, vers une émancipation, et même la domination sur le genre humain. Il est majestueux, très puissant, et gagne un vrai statut de vilain de première classe grâce à Bloodties. Hélas la suite de son exploitation sera décevante, au point que Bendis s'en soit débarrassé récemment sans fioritures dans All-New X-Men. L'équipe artistique à l'oeuvre sur Avengers était composée alors de Bob Harras, auteur d'un bon run truffé de petits exploits vraiment super héroïques (on bavarde moins et on agit plus dans les nineties) et de Steve Epting, encore un peu brouillon et maladroit dans les visages et expressions des personnages, mais capables d'insuffler beaucoup de vie, de mouvement, à chacune de ses planches. Coté dessinateurs, c'est Andy Kubert qui remporta la mise, avec des silhouettes majestueuses et anguleuses, des héros crispés et combatifs, comme taillés dans le marbre. Mais de mon coté j'ai eu un petit faible pour les planches de Dave Ross et Tim Dzon, cotonneuses et légères, aux courbes sinueuses (le contraire de Kubert, en somme). Sans oublier l'inépuisable John Romita Jr, déjà à l'oeuvre sur Bloodties, et plus appliqué que ce que nous connaissons de lui ces mois derniers. Ce crossover n'est certes pas un véritable affrontement entre Avengers et X-Men au sens du match de catch sans intérêt. Il s'agissait avant tout des soubresauts du rêve du Professeur Xavier, et de sa décision extrême d'éliminer Magneto de l'équation, en le rendant catatonique. Le tout sur fond de guerre civile et d'exploitation des mutants, à Genosha, quand cette île cristallisait en elle, avec intelligence, tout le problème de l'ostracisme et du rejet des êtres différents. A relire ou enfin lire, pour tous ceux que X-Sanction et AvX ont fait frémir de rage ou de peur. Une intégrale chargée en nostalgie.
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