MINDSET : LE POUVOIR DES ÉCRANS AVEC ZACK KAPLAN


 Ce serait un comble de notre part de vous demander de lever la tête à l'instant de vos écrans, alors que vous êtes en train de lire cette chronique probablement sur votre smartphone ou une tablette. Mais le fait est que toute notre société est aujourd'hui comme hypnotisée par l'information ou le divertissement, à travers les canaux digitaux et Internet. Zack Kaplan, auteur de science-fiction prolifique qui a lancé pas moins de quatre séries différentes lors des deux dernières années, est aux commandes de Mindset, publiée initialement chez Vault comics aux États-Unis, avant que Komics Initiative ne fasse l'excellent choix de l'adapter en français. Le personnage principal de cette histoire est un jeune développeur de la Silicon Valley, Ben Sharp, qui doit parachever ses études et obtenir le diplôme qui lui ouvrira grand les portes des principales boîtes informatiques locales. Seulement voilà, il a séché quelques cours importants et du coup, il va devoir réussir un petit exploit pour décrocher le précieux sésame lors d'une ultime nuit de travail, en compagnie de ses amis. Une nuit qui va être extrêmement importante pour la vie de ces jeunes hommes, puisque par le plus grand des hasards, ils vont mettre au point une application, faire une découverte qui va littéralement révolutionner leur quotidien et potentiellement aussi le monde entier. Imaginez qu'à travers une combinaison de couleurs et de sons, vous puissiez modifier l'état d'esprit des gens, comme opérer une sorte de reboot momentané du cerveau, qui vous donne aussi la capacité de leur faire faire plus ou moins ce que vous souhaitez, de les pousser à ressentir un fort enthousiasme pour n'importe laquelle de vos suggestions. Il existe deux manières de voir les choses, dès lors. Ou bien cette application peut-être considérée comme la meilleure manière de libérer l'humanité de l'emprise des réseaux sociaux et d'Internet, ou alors c'est une arme terrible, qui permettra à ceux qui la manient de faire fortune éhontément. De plus, lorsque l'histoire commence, Kaplan choisit un point d'entrée situé chronologiquement un peu plus loin dans le récit, juste après que Ben se retrouve accusé du meurtre de celui qui a financé son application. L'occasion de peindre un portrait très intéressant de ce héros malgré lui, qui oscille entre idéalisme, naïveté et fatalité.


Il suffit de nous regarder, matin et soir téléphone dans la main, à scroller à la recherche de quelque chose qui n'a probablement aucun intérêt mais dont nous ressentons une sorte de besoin impérieux. Qui contrôle qui, alors ? C'est la technologie qui nous a transformés en pantins ou c'est nous qui l'utilisons, pour améliorer (du moins, c'est ce que nous pensons) notre quotidien ? Se forme ainsi une boucle de pensées, de laquelle il est extrêmement difficile de s'extirper et qui est au centre de Mindset. Une histoire de contrôle mental, de trahison des idéaux (et des amis, au passage) qui aboutit même à la mort, au meurtre. Zack Kaplan est capable de renverser le point de vue du lecteur à plusieurs reprises et il orchestre les rebondissements avec efficacité, au point qu'on se surprend à penser que nous tenons là un film déjà tout écrit, que nous pourrions bien retrouver sur une plateforme comme Netflix, prochainement. Le dessin de John Pearson, ou plutôt pour être exact l'approche graphique adoptée, est intrigante, quelque part entre Bill Sinkiewicz et Giulio Rincione (je ne me lasserai jamais de dire à quel point j'adore ce dernier). Il propose des planches souvent déconstruites et contaminées par des effets évoquant l'influence du digital et le grain de sable dans la machine, qui vient faire dérailler la connexion. Le contraste peut-être très marqué d'une page à l'autre, selon les situations, selon le niveau de conscience qui est évoqué et le renversement du point de vue. Mindset parvient à être résolument moderne sans pour autant devenir didactique ou lourd, dans l'évolution de son récit. Il ne s'agit pas (très loin de là) de la première critique de la société ultra connectée et des effets des réseaux sociaux; la plupart du temps, ce genre de produit à quelque chose de factice, d'opportun et ignore le concept de subtilité. Ici, ces intentions sont mises au service d'une véritable histoire et l'écriture sonne juste, d'un bout à l'autre. Une jolie réussite à retrouver chez Komics Initiative à partir du 23 février, sachant que l'album était aussi disponible en avant-première au festival d'Angoulême, où nous avons eu la chance de rencontrer l'éditeur et son enthousiasme débordant (avec des projets fabuleux dans la musette !)


 

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