OMNIBUS CAPTAIN AMERICA PAR ED BRUBAKER TOME 1 : UN CYCLE REMARQUABLE !


 Ils sont bien rares, ces personnages marquants, dans les comic-books, qui passent l'arme à gauche et restent morts pour de bon. Le Captain Marvel des origines, le père et la fille Stacy (pourtant revenue par le biais d'une autre dimension, sous l'avatar de Spider-Gwen), une poignée d'autres. Dont faisait partie, jusqu'il y a quelques années, un certain Bucky Barnes, alias le side-kick de Captain America durant la seconde guerre mondiale. Il trouva son trépas suite à l'explosion en plein vol d'un avion allemand, alors qu'il était accroché à la carlingue. Intrépide, mais malchanceux. Ce drame faisait partie des éléments fondateurs de la tragédie de Steve Rogers, et personne n'avait osé ramener véritablement Bucky, sous peine de lynchage sur la place publique. Quand Ed Brubaker arrive sur la nouvelle mouture de Captain America, en 2002, il brise le tabou et tente l'impensable. 41 ans plus tard, Bucky lives again. Mais ce retour n'est pas forcé, ou juste destiné à relancer des ventes en berne, il s'insère dans une trame délicieuse, un véritable mécanisme de précision diabolique. Lentement, Brubaker tisse sa toile. Crâne Rouge est abattu dès le premier épisode qu'il écrit. Un cube cosmique semble en jeu. D'anciens ressortissants du Kgb complotent dans l'ombre. Des proches de Steve Rogers (Jack Monroe, qui fut aussi son partenaire pour un temps assez bref) sont assassinés. Le S.h.i.e.l.d est aussi de la partie, avec Nick Fury et ses lourds secrets, à peine partagés avec Sharon Carter, ancienne petite amie de Cap', elle aussi prise comme une mouche sur les fils poisseux du destin. Et derrière tout cela, la silhouette inquiétante d'un ancien agent soviétique, le Winter Soldier, le Soldat de l'Hiver, qui n'est autre que celui que vous avez deviné (et de toutes façons vu au cinéma et sur Disney +, ce n'est plus de la nouveauté, ce récit) ! C'est du très grand art, une fresque géopolitique et super-héroïque convaincante, dessinée avec talent par un Steve Epting plus automnal que jamais, avec ce trait légèrement désuet, rétro, qui colle si bien au propos de cet omnibus. Mike Perkins et Lee Weeks sont deux autres choix de grande qualité, rien à redire à ce niveau, on est gâté. Un tel succès artistique et populaire que le Soldat de l'Hiver est devenu la star du second film dédié au Vengeur étoilé, et qu'il est depuis un des personnages les plus solides, sur lequel Marvel semble pouvoir s'appuyer, y compris pour le passage au format série. Il est mort à nouveau (une feinte, dans Fear Itself, par exemple) mais en réalité toujours sur le pont, prêt à relever les défis du XXI° siècle qui se dresseront devant lui, y compris assurer l'intérim quand Steve Rogers se fait porter pâle. 



 Evoquer le Winter Soldier, c'est aussi toucher un mot de la retcon. Il faut entendre par là la contraction des termes anglais retroactive continuity, à savoir l'intervention sur la continuity (l'histoire et ses effets logiques, communément acceptés) propre à une série ou un personnage, pour introduire de nouveaux éléments qui vont apporter une lumière inédite sur des moments clés du passé, et en changer le sens ou les conséquences. Par exemple, ici, Bucky n'est pas mort lors de sa dernière mission, mais il a été récupéré par les communistes du Kgb qui en ont fait une arme reprogrammée. Mais même cette mort imaginée par Lee et Kirby était déjà un peu de la retcon en soi. Au départ, Bucky est gravement blessé et doit tout simplement prendre sa retraite, dans un très vieil épisode de 1948. C'est Betsy Ross, la petite amie de Captain America, qui le remplace sous l'identité de Golden Girl. Dans les années 50 pourtant, on voit revenir Bucky aux cotés d'un Captain très anti-communiste, jusqu'à la disparition naturelle du titre, sans autre drame, en 1954. La dernière mission de Captain America et Bucky est en fait une idée du duo Lee et Kirby, qui construisent cet artifice pour ajouter pathos et héroïsme à leur série, et présenter un Vengeur étoilé miné par le remords et hanté par cette tragédie. Steve Rogers s'est réveillé dans un monde qu'il ne reconnaît plus, auquel il est contraint de s'adapter, pour en devenir le plus noble des paladins, mais le sort funeste de son side-kick, réduit en charpie par l'explosion de la bombe du Baron Zemo, et ce maudit avion auquel il était accroché, est un des éléments fondateurs des motivations et de la personnalité de ce Captain America "moderne". Ed Brubaker réalise donc avec talent et sagacité un tour de force inouï, nous raconter avec conviction que ces 40 dernières années d'histoire étaient fondées sur une croyance biaisée, et que Bucky Barnes est bien en vie, sous l'identité du Soldat de l'Hiver. Fascinant, et à (re)lire dans la collection Omnibus, qui subit ces temps derniers une inflation inattendue de parutions (on ne n'en plaindra pas...) et qui permet au lecteur de régulier de s'adonner aux plaisirs de la lecture des comic-books, tout en pratiquant la musculation des biceps et avant-bras.  



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