OMNIBUS X-FACTOR PAR PETER DAVID CHEZ PANINI COMICS


 À l'origine, la série X-Factor, scénarisée par Bob Layton en 1986, permet de réunir les X-Men originaux et de leur faire vivre de nouvelles histoires. Entre le retour de Jean Grey, la mutilation subie par Angel, qu'Apocalypse transforme en Archangel, son cavalier de la mort, ou la grande saga Inferno, ce ne sont pas les événements tragiques et marquants qui manquent. Toutefois, au terme de la saga de l'île de Muir en 1992, le titre va vivre une seconde jeunesse qui reste encore aujourd'hui comme un des souvenirs les plus jouissifs de l'univers Marvel de cette décennie là. Ceci grâce à un scénariste de génie, capable d'écrire les super-héros comme nul autre, Peter David. Le concept est simple : une équipe totalement dysfonctionnelle, de l'humour savamment dosé à chaque épisode et des rebondissements inattendus. La nouvelle formation est au service de Valérie Cooper, qui est une sorte d'agent de liaison entre nos héros et le gouvernement américain. Elle sera remplacée par la suite par Forge. Les deux leaders choisis sont Havok et Polaris. Le premier, le frère de Scott Summers, va enfin avoir l'occasion de s'émanciper de son aîné, qui lui a fait jusque-là beaucoup d'ombre. Mais il va devoir mettre au point ses capacités de gestion et de commandement et apprendre à composer avec des caractères parfois très différents du sien. Par chance, sa compagne (Polaris, donc) est une femme aussi puissante que patiente, capable d'apporter une aide concrète et de jouer le rôle de collant dans une formation toujours sur le point de se désagréger. L'Homme multiple (Jamie Maddrox) est pour sa part en proie à de véritables crises d'identité; impossible de déterminer qui est et où est vraiment l'original par moments, avec ce personnage complètement décalé, irritant, mais qui peu à peu va gagner en profondeur. Le clown de l'équipe, c'est Guido, alias Malabar/Strong Guy, l'ancien chauffeur de Lila Cheney. S'il est extrêmement puissant et semble totalement insouciant, il cache au fond de lui une incertitude dévorante, qui l'oblige à faire le pitre pour compenser. Felina/Wolfsbane (Rahne Sinclair) est une jeune fille très pieuse et pudibonde, capable de se transformer en loup-garou. Elle aussi va traverser de rudes épreuves, notamment sur l'ile de Genosha, où une intervention génétique va la lier tragiquement à son leader, Alex, pour qui elle va nourrir alors une réelle fixation.



Ajoutons à cette fine équipe l'imbuvable Vif-Argent. Pietro n'est pas aimé des autres, sa présence est loin de faire l'unanimité et son comportement n'aide en rien dans l'affaire. Mais on sent également un homme désireux de mieux faire, de réparer certaines erreurs du passé, même si de façon totalement maladroite. Les deux dessinateurs principaux qu'on retrouve dans cet omnibus sont Larry Stroman et Joe Quesada. Le premier offre une indéniable touche expressionniste, parfois caricaturale, à des planches qui privilégient l'explosivité au réalisme des anatomies ou des situations. Si j'avais été un peu dérouté à l'époque de la première parutions dans les minces fascicules VF qu'on appelait Version Intégrale, j'ai fini par m'y faire et même apprécier énormément cette audace, rupture avec ce qui avait été produit avant. Le second allait vite devenir un des grands pontes de Marvel. Lui aussi mise clairement sur l'effet spectaculaire de son travail, au détriment du respect servile de la réalité, mais le trait agile, truffé de trouvailles réjouissantes, la mise en page toujours bondissante, en font un artiste d'exception à qui nous devons des épisodes mémorables. Jae Lee pointe le bout de son nez le temps du crossover Le chant du bourreau, pour une parenthèse magnifique, des pages orageuses et sombres, tout un univers soudain torturé, retravaillé, avec une classe démente. Pour ce qui est des histoires en soi, le véritable début de la troupe de Val Cooper est éloquent. Il y est question du meurtre de l'Homme Multiple, sans qu'on sache vraiment qui a été tué (lequel ?), au point que le pseudo original revient revendiquer son identité, en pleine conférence de presse, où serait donc présent un simple double émancipé. Mister Sinister aussi rentre dans la partie et Guido se retrouve impliqué dans un combat face à Slab, un autre gros bulldozer génétique, certes musclé à l'extrême mais laid comme un pou. X-Factor croise la route de Hulk, le temps d'un mini crossover (orchestré par Peter David et ses deux casquettes de scénariste) aux ramifications géopolitiques, avant que Stryfe fasse surface. Le double génétique de Cable étant appelé, nous l'avons dit, à être le pivot du grand récit choral que sera le Chant du Bourreau. Que ce soit face à Cyber, le Crapaud, une adversaire capable d'enchanter et maîtriser les autres par la musique, X-Factor enchaîne les rencontres, les adversaires, toujours avec un effet double-face évident. On sourit franchement, surtout quand la dynamique du groupe est mise à mal par des individualités qui n'aiment guère se reposer sur les autres, mais on sent poindre le drame, ce qui ne manquera pas d'arriver et de marquer l'équipe au fer blanc. Les apparences sont trompeuses, comme l'enseigne Random, un mercenaire ultra violent et dont le corps devient toute sorte d'armes, qui cache en fait une personnalité et une identité bien plus fragiles et pathétiques qu'il ne paraît au premier regard. Inutile de préciser que cette sortie est indispensable pour tous les lecteurs nostalgiques des années 1990, même si les Omnibus sont un produit que seuls les plus fortunés et motivés d'entre vous parviennent à acquérir régulièrement. La démocratisation de notre passion étant une autre problématique, sur laquelle nous reviendrons un autre jour. Si vous le pouvez, foncez. 


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