Alors que Luke Cage rentrait chez lui par une soirée ordinaire, accompagné de sa petite amie Jessica, le voici agressé par une assaillante mystérieuse, qui se fait exploser à son domicile. Power man est grièvement blessé et les médecins ne peuvent rien pour l'opérer, en raison de son épiderme si particulier. A l'hôpital, Nick Fury se rend à son chevet, ce qui a de quoi éveiller quelques soupçons, d'autant plus que Captain America débarque et s'en prend violemment au chef du service de contre-espionnage américain, devant une Jessica et un Iron Fist médusés. Steve Rogers accuse Fury d'être le responsable de ce qui s'est produit et il évoque des événements survenus un an auparavant, dont personne ne semble avoir connaissance. Pendant ce temps, Peter Parker fait de sinistres cauchemars qui ressemblent fortement à des souvenirs refoulés. Dans ses rêves maudits; il n'est pas seul; c'est la raison pour laquelle il s'en va trouver Matt Murdock, alias Daredevil, qui fait partie des intervenants qui hantent ses nuits. Si Tête à cornes ne peut l'aider pour comprendre ce qui se passe, les deux super-héros sont eux aussi attaqués par des criminels de bas étage, mais équipés d'armement dernier cri. Cet armement est à la base de tout l'histoire : qui en effet subventionne les supers vilains, à qui profite le chaos et la violence qui se déchaînent souvent dans les rues de New York et de l'Amérique? Qui tire les ficelles dans les coulisses, qui finance le crime? Il se trouve qu'un an auparavant, Nick Fury avait obtenu des renseignements compromettants, indiquant que la Latvérie -et notamment son nouveau Premier ministre, la cruelle Lucia Von Bardas- était à la base d'opérations terroristes sur le sol américain. Si le gouvernement interdit à Fury de riposter, celui-ci décide toutefois de monter une équipe de barbouzes, dans le plus grand secret, et de les envoyer sur le terrain, pour faire passer l'envie de plaisanter aux latvériens.
Cette guerre secrète, particulièrement bien écrite et crédible, est fille de son époque. Brian Bendis signe le scénario en 2004, c'est-à-dire sur la lancée de l'immense émotion et indignation soulevées par les attentats du 11 septembre 2001. Toutefois, il évite l'écueil de démagogisme forcené et se montre plus subtil dans son écriture. Quelle est la frontière entre la justice, une intervention justifiée et justifiable en sol étranger, au nom du bien commun, et le terrorisme? Fury danse dangereusement sur le précipice qui unit l'un avec l'autre, de plus il se sert des super-héros comme de simples pions sur un échiquier. Des soldats sacrifiables, qui n'ont même pas à se souvenir de la mission qu'ils ont accompli, et pour laquelle d'ailleurs ils n'avaient pas même été brifées. Si DC Comics avait choisi d'éluder le sujet, Marvel, juste après les attentats de 2001 du World Trade Center, probablement plus concerné car mettant en scène New York et ses nombreuses cibles à longueur d'épisodes, offrait à ses lecteurs plusieurs récits adultes, en revenant dans plusieurs comics sur l'effet tragique de cette attaque inattendue. Cette "guerre secrète" est aussi une parabole évoquant les événements du Moyen-Orient et l'onde de choc en retour, qu'ils peuvent provoquer sur le sol américain. La diplomatie se heurte au réel, les super-héros habitués à marcher sur des oeuf et finalement à protéger l'ordre établi, se retrouvent au centre d'un jeu pervers, dont ils ignorent les règles, et ils franchissent les limites de leur déontologie imposée, sans qu'ils en aient conscience au départ. Le dessinateur Gabriele Dell'otto (formidable artiste italien aux planches réalistes et plastiquement bluffantes) donne une atmosphère sombre et cauchemardesque au récit, proposant des scènes de batailles beaucoup plus soignées et criantes de vérité, que ce que nous livrent habituellement les standards Marvel mainstream. Curieusement assez oubliée dans la liste des œuvre qui comptent de ces 20 dernières années, Secret War est pourtant une mini série qui mérite d'être redécouverte et d'avoir sa place dans toute bibliothèque digne de ce nom.
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