SPIDER-MAN : DE PERE EN FILS (J.J.ABRAMS, LE FILS, LE PISTON)


On ne peut pas toujours gagner, ou tout du moins pas sans y laisser des plumes. La règle vaut aussi pour le tisseur de toile, qui un beau jour perd Mary-Jane, embrochée sous ses yeux par la menace du nom de Cadavérique. Tout ceci se déroule également sous les yeux de Ben, l'enfant du couple, avant un bond en avant de douze ans dans l'histoire. On retrouve le jeune Ben bien décidé à jouer les redresseurs de torts à son petit niveau, c'est à dire en s'en prenant aux harceleurs du lycée, en les remettant à leur place. L'adolescent vit chez sa tante May et il n'a que peu d'occasions d'échanger avec son paternel, qu'il n'admire pas particulièrement, toujours pris entre deux avions et des reportages qu'il ne peut pas décaler. Ce Peter Parker là a subi un lourd traumatisme, non seulement la perte de son épouse, mais aussi de la main droite, remplacée par une prothèse à tout faire. Il est donc très occupé, et du coup ne remarque pas que le jeune Ben commence à manifester lui aussi des dons propres à l'arachnide merveilleux qu'est Spider-Man. Une super force, des cauchemars qui le font bondir et adhérer au plafond, et tout ceci sans que la Tante May s'en émeuve...au contraire, elle semble l'encourager à suivre une voie bien périlleuse, ce qui semble tout de même assez étonnant et "out of character" pour quiconque a déjà lu les histories de Spidey. C'est d'ailleurs ceci qui frappe dans le premier chapitre de ce Spider-Man signé J.J.Abrams et fiston. Outre l'aspect peu ragoûtant du père célèbre qui recommande un gamin aux pontes de Marvel et lui permet de réaliser ce rêve que nombre de professionnels n'ont pas, eux, l'académisme du récit, sa manière un peu décousue de progresser, assez conventionnelle et artificielle, fait qu'on a du mal à s'enthousiasmer et à apprécier cette réécriture du mythe, teintée de futur dystopique, qui se drape dans une banalité évidente. Mais on insiste, car on aime donner une seconde chance, et il y a cinq épisodes, non? 


L'avantage d'être déconnecté de toute "continuity" c'est qu'on peut écrire en toute liberté, que tout est possible, à défaut d'être plausible. Le désavantage d'avoir juste une grosse centaine de pages à disposition et de ne pas être un vrai scénariste de comics, c'est qu'on finit par les remplir dans la plus grande hâte, en faisant feu de tout bois, sans parvenir à structurer et densifier le récit, autrement qu'en jouant la carte de la surenchère. Les meilleurs moments de cette histoire, ce sont par ailleurs les instants où on se pose, comme par exemple quand le jeune Ben et Peter, son père, parvienne à se jeter à la figure ce qu'ils avaient à se dire, même si l'ensemble ressemble à un dialogue de sourd. C'est aussi le personnage de Ito Faye, une adolescente passablement énervée et énervante, boule d'énergie, qui devient très vite la confidente et girlfriend non assumée d'un jeune héros un peu perdu. Ben Parker endosse le costume pour les mauvaises raisons, découvre ses pouvoir en même temps que le lecteur, et parvient à très rapidement en faire quelque chose, et tout ceci aussi car il est poussé, motivé et observé par cette Ito, terriblement contemporaine. Toutefois à chaque fois que l'action s'emballe, on y perd un peu son latin, et le fil du récit. Ce n'est pas l'introduction d'un Tony Stark du futur (en pleine déprime et vivant reclus parmi l'alcool et la douleur) ou d'Avengers morts et cadavérisés qui arrange l'affaire, encore moins cette bien anecdotique histoire de "clé" génétique que le grand vilain (façon de parler, il n'est pratiquement pas caractérisé) du jour tente d'extraire des tisseurs de toile, pour faire revenir à la vie son amour perdu. Toute la seconde partie de l'album est nettement bâclée, avec des combats redondants et stériles, et une intrigue qui se dilue, perd son sens, là où nous aurions souhaité voir la relation père/fils gagner encore en épaisseur, et un Ben prendre possession peu à peu de son héritage, sans que ce soit le feu aux fesses, version accélérée et brouillonne. Sara Pichelli dessine l'ensemble et c'est une bonne nouvelle, car cette artiste italienne a un talent évident, et une vraie connaissance du personnage. Elle évolue vers un peu plus d'abstraction, propose un montage des planches très dynamique, et bénéficie d'une mise en couleurs très appréciée de Dave Stewart. Ce qui n'empêche pas une sensation d'ennui, quand on s'enfonce dans les dernières pages. De père en fils a été annoncé avec des effets ronflants, est proposé dans plusieurs versions chez Panini, déclinaison formelle censée souligner l'importance du projet. Mais au delà de la communication soignée, basée avant tout sur la présence d'Abrams (et du fils, je me répète, mais le procédé nous extorque une grimace) cette nouvelle mouture de Spider-Man a bien peu à dire. 



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