BLANCHE-NEIGE, ROUGE SANG - CHRONIQUE VAMPIRIQUE CHEZ BLACK RIVER


 L'histoire est connue de tous, mais jamais on ne vous l'a racontée comme s'apprête à le faire Neil Gaiman, un des auteurs les plus fascinants de l'histoire des comics modernes, et Colleen Doran, au sommet de son art de narratrice/illustratrice. Cela commence par une rencontre et une belle romance. Une jeune fille blonde séduisante qui fait la connaissance d'un roi au physique de rêve, au corps parfait. Elle l'épouse et entre les deux, c'est le véritable amour, l'union des âmes et des corps… jusqu'à ce que la nouvelle reine rencontre sa belle-fille. La véritable mère de cette dernière est morte en couche et depuis, la petite a grandie, nimbée de mystère; son apparition seule à de quoi troubler la reine. Un jour où les deux femmes peuvent enfin se parler, seule à seule, l'adolescente aux cheveux et au regard d'un noir profond plante ses jolies quenottes aiguisées comme des crocs juste sous le pouce de sa marâtre et commence à lui sucer le sang. Peu de temps après, c'est au tour du roi, son père, de dépérir jour après jour. Il semble perdre l'appétit, sa force vitale et son désir charnel l'abandonnent et son corps est recouvert de plaies. Vous l'aurez compris, le compte que vous avez probablement en tête, celui de Blanche-Neige, est ici présenté dans une forme singulière, une ode à la perversion et au vampirisme. Il y a quelque chose de dérangeant, de démoniaque, qui traîne des ces pages.



Il s'agit en fait de la seconde adaptation chez Black River d'une œuvre littéraire de Neil Gaiman, au format comic book. Et cette fois, c'est Colleen Doran qui s'y colle et l'artiste fait preuve d'une maestria assez impressionnante. Certes, la pagination est assez faible (49 planches) mais chacune d'entre elles et si belle, fouillée et inventive, qu'on y passe un certain temps, à s'arrêter sur les moindres détails et à en dégager une évidente poésie vénéneuse. Il s'agit bien sûr de l'inversion du conte traditionnel : la marâtre attire notre sympathie et elle est la seule à avoir compris le caractère et le potentiel maléfique d'une Blanche-Neige qui n'apporte que mort et destruction. Elle fera tout pour mettre fin aux agissements mortifères de la jeune fille mais ses efforts suffiront-ils à contrecarrer la menace ? Le style est extrêmement onirique et empreinte aussi bien au gothique qu'à l'art nouveau. On découvre à la fin de l'ouvrage, dans un riche cahier de bonus, que Doran est inspirée par un des maîtres dessinateurs irlandais du début du 20e siècle. La narration est proposée sous forme de pleines pages; nous échapperons ainsi au découpage séquentiel habituel de la bande dessinée, sous forme de cases et de bulles de dialogue. Le récit nous est compté par la reine elle-même et se présente comme l'échec tragique d'une lutte inégale et fatale. Quand on vous dit qu'il s'agit d'un travail remarquable; il suffit de considérez que vous lirez là le lauréat de l'Eisner Award 2020 de la meilleure transposition en comic book d'une œuvre publié premièrement sous un autre format. À ceux pour qui le rapport quantité prix est un dogme, cet ouvrage pourrait sembler de premier abord peut engageant, mais derrière l'aspect assez mince de la chose se cache une véritable œuvre d'art, qui possède un caractère et une ambiance magnifiques. Cette Blanche-Neige empoisonnée là nous a fait une forte impression et nous a donné l'envie de vite y retourner.



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